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Noël In Extremis : la deuxième vie de « Noël dans la rue »
J’avais treize ans lors de la parution de la première édition de la compilation métal iconique Noël dans la rue. Presque quatorze. On vivait encore dans un monde sans MP3, largement sans Internet, où la culture était dictée par ce qui passait à la télé et ce qu’on pouvait lire dans les magazines. C’était 1996.
C’était le bon temps.
Le premier et le plus important souvenir que je garde de Noël dans la rue, c’est le Minuit Chrétien impérial du groupe hardcore punk montréalais BARF (Blasting All Rotten Fuckers, pour les intimes), interprété avec une dose égale de passion et de virilité par le grandiose Marc Vaillancourt. Sérieux, moi, je parierais sur ce gars-là dans un concours de chant contre Marc Hervieux ou Marc Dupré. Dans un combat à mains nues aussi. Constatez par vous-mêmes:
Chaque fois que je prends sur moi d’interpréter Minuit Chrétien avec un verre de trop dans le nez, c’est cette version-là que je chante. L’inévitable nostalgie que je ressens à l’écoute de ce triomphe spontané m’a donné le goût de vous parler de ce souvenir, cette année. Sauf que Noël dans la rue n’est pas exactement un souvenir, parce que ça existe encore. Le concept de la compilation de Noël métal/punk a en effet été relancé en 2019 sous le nom Noël In Extremis!
D’ailleurs, Noël In Extremis II vient tout juste de paraître et oui, c’est (à peu près) les mêmes personnes qui chapeautent le projet. Ils ont gracieusement accepté de me raconter l’histoire de cet esprit de Noël qui ne veut pas mourir.
Un gros party des fêtes
« Je suis né le 24 décembre, à 10h00 PM. Noël, c’est mon ennemi juré, » me raconte en riant Carlos Ponte au bout du fil. Il est actuellement en vacances à Cuba, mais il a accepté de prendre quelques minutes pour me parler. « Sans farce, c’est certain que ma fête est toujours passée en deuxième, mais Noël est aussi devenu synonyme de gros party avec mes chums, à cause de ça. »
Ponte est une figure fédératrice dans le monde du métal québécois depuis plusieurs années. Tout le monde (ou presque) le connaît. Il est le gérant d’Anonymus, mais il porte aussi plusieurs chapeaux. Il fait de la direction de tournée, de la direction de production, de la régie en événementiel, et ce, pas seulement dans le métal. Il est aujourd’hui associé à La Boîte à Musique, l’étiquette de disque derrière la résurrection de la compilation de Noël. Comme quoi toute est dans toute.
C’est de cet esprit festif caractéristique à Carlos Ponte qu’est née la compilation Noël dans la rue, il y a aujourd’hui vingt-sept ans. « À mon souvenir, c’est Martyne Prévost des disques MPV qui a eu l’idée de faire une compilation de Noël métal. On a embarqué parce que toute la gang était partante: Groovy Aardvark, BARF, Overbass, c’était la gang qu’on côtoyait pendant les années du festival Polliwog. C’est les années où on a appris à se connaître, » m’explique Oscar Souto, bassiste et chanteur du groupe Anonymus et contributeur régulier aux compilations de Noël.
Les disques MPV sont responsables de beaucoup de vos souvenirs des années 90, dont l’album de Groovy Aardvark Vacuum (celui avec Boisson d’avril et Le p’tit bonheur, dessus) et, tenez-vous bien, le premier album de Noir Silence et leur malheureux album Noël he Nous!, dont le commun des mortels a déjà oublié l’existence. Je m’excuse de vous l’avoir rappelée, d’ailleurs.
C’est Carlos Ponte qui s’était chargé, à l’époque, de rassembler les groupes pour le projet. Ça s’est fait très vite, le tout dans la bonne humeur. « On a enregistré plusieurs des chansons à Beloeil, au studio de Marc-André Thibert (NDLR: un membre de Groovy Aardvark, à l’époque) », précise-t-il.
Pour tout le monde impliqué, l’idée même d’un album de Noël allait de pair avec celle de redonner au suivant.
Aucun métalleux ne roule sur l’or (à part peut-être les gars de Metallica), mais le plaisir et l’esprit de gang étaient au cœur du projet, pas l’argent. « Tout ce qu’on voulait, c’était arriver kif-kif. Le reste, on l’a tout remis à Dans la rue. L’apothéose de ce projet, ça a été le spectacle au Métropolis. Ça, c’est un maudit beau souvenir, » continue Ponte.
Oscar Souto abonde dans le même sens que son acolyte. « On a fini ça en chantant Minuit Chrétien tout le monde ensemble. C’est tellement majestueux cette chanson-là. C’était phénoménal. Tout le monde chantait avec le poing dans les airs, » raconte-t-il.
Refaire Noël
Il y a eu trois éditions de Noël dans la rue: en 1996,1998 et 2000.
Les disques MPV ont toutefois arrêté leurs activités en 2004 et Noël dans la rue est disparu avec.
Finalement, c’est 19 ans après la dernière parution de Noël dans la rue que Carlos Ponte a décidé de la faire revivre. « Une compilation comme ça a essentiellement deux buts. Oui, ça sert à faire un album de Noël, mais ça sert aussi à faire rayonner des nouveaux talents. Des groupes de notre étiquette de disques, mais d’autres groupes qu’on aime, aussi », m’explique-t-il.
L’esprit de party de gang anime encore les organisateurs, mais l’énergie est quand même différente : « J’ai eu mon écœurantite des Fêtes en travaillant pendant 15 ans dans le commerce au détail, » me raconte le producteur exécutif de Noël In Extremis II, Alexandre Gagnon. « C’est le fun, de participer aux festivités en fournissant un produit plutôt qu’en le vendant ou en le conseillant. »
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Même son de cloche du côté d’Oscar Souto qui vit une première, cette année: une période de vacances de deux semaines, pendant les Fêtes. « On dirait que les Fêtes, ça commence de plus en plus tôt, chaque année. C’est rendu que ça commence en septembre. J’ai souvent travaillé jusqu’au 24 décembre et chaque fois, c’est la folie. J’aime l’esprit de Nöel, le party, l’entraide et tout ce que ça implique quand même, là. C’est pour ça que je participe à des projets comme Noël In Extremis, » me confie-t-il en riant.
Même si Noël In Extremis a pas mal moins de vécu que Noël dans la rue, les beaux moments sont toujours au rendez-vous. « Quand on a ré-enregistré Minuit Chrétien, pour Noël In Extremis, on a emmené plein de monde en studio pour faire un chœur. Des vieux de la vieille, mais aussi des jeunes groupes et crois-moi, y avait des yeux qui brillaient, cette journée-là, c’était le fun à voir », se souvient Carlos Ponte.
« Quelque chose qui m’a marqué, c’est que les groupes se surprenaient eux-mêmes, à l’enregistrement, » m’explique Alexandre Gagnon, impliqué dans le projet depuis quelques mois seulement. « Les conditions d’enregistrement n’étaient pas toujours idéales. Parfois, on faisait deux groupes par jour, mais tout le monde a réussi à entrer dans les délais. Le guitariste de Vantablack Warship, Thierry Hivon, a enregistré son solo en une prise seulement. Il était fier de lui. »
« Ces amitiés-là, c’est pr écieux pour moi. Elles existaient déjà dans le temps, mais elles ne sont que plus fortes, aujourd’hui », conclut Oscar Souto.
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Pour la gang de la Boîte à Musique et de Noël In Extremis, l’amitié et le plaisir d’être ensemble auront triomphé du capitalisme, et même, de cette « réalité crue qui fait rentrer dans le moule », comme le chantait si bien feu Karl Tremblay.
Si c’est pas un beau conte de Noël, ça, je sais pas ce que c’est!