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Noël forcé et plasteures sur le cœur

(la quasi suite aux Fleurs sur la neige. Mais n'ayez pas d'attentes)

Par
Catherine Ethier
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Mes hommages.

À trois jours du réveillon et ses accessoires, certains ont sans doute le ventricule à spin. Et les raisons de la tachycardie sont tout aussi variables que légitimes.

La hâte aux aspics.
La fébrilité des retrouvailles.
L’angoisse de ne pas offrir le bon agencement de tables gigognes.

Je sais. Vous savez.

Et par les partages qui courent, les articles où l’on fait la promotion de la rapetissette de la poche du Père Noël pour privilégier les cadeaux “en temps” plutôt qu’en quantité et en “j’me servirai jamais de t’ça, mais merci d’avoir investi” abondent.

Passez du temps avec ceux que vous aimez. Courez observer les oiseaux entre chums de gars. Virez su’l top en regardant des albums photo et regardez-vous dans les prunes chaque fois que mamie y figure.

Je suis d’avis qu’est là exquise proposition. Et qu’à force d’être transmise, elle entrera dans les mœurs des plus transis consommateurs.

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Hélas, nous sommes, je crois, à une couple de miles de ne plus voir s’entretuer des ménagères dans l’allée des PlayDoh pour mettre la patte sur le dernier kit pour faire des cupcakes en pâte à modeler (un vrai kit qui existe, accompagné d’une grand’ roue à manivelle pour exposer les œuvres des touts-petits, parce que tout ce qui est façonné avec des petites mains préscolaires relève du domaine du De Vinci et du Hervieux. Ça gradue de la garderie avec des diplômes roulés pis des mortiers sua noix, ce petit monde-là. EXPOSONS, HILARES), à grands coups de sac à mini-croissants Little Debbie et mots d’églises mal maîtrisés.

Chaque Noël, même mal de crâne (et œdèmes de viennoiseries).

Et chaque Noël me rappelle aussi cette douce époque où je travaillais dans le rayon pour hommes de ce grand magasin, angle Sainte-Catherine et Mansfield.

Le 24 décembre.

Une fantastique date où chaque employé encore ivre de fatigue d’avoir remis son dernier travail universitaire à une minute de l’échéance était tout de même sur le gun, prêt à recevoir ces clients PANIQUÉS à l’idée de trouver cinq cadeaux à treize minutes de la fermeture.

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Quoiqu’exaspérée, c’était – et c’est sans doute pas fin fin – l’un de mes moments favoris. De les voir entrer en trébuchant dans le grand hall. D’observer leur petite veine frontale gonflée par le stress de plaire et de faire bien aux douze coups de minuit. Ces gens-là n’attendaient pas à la dernière minute faute de temps. Ils attendaient à la dernière minute faute d’intérêt. Parce qu’acheter des affaires pour acheter des affaires ne fait turgescer personne.

Et c’était le cas de cet élégant monsieur. Appelons-le André.

Ce 24 décembre-là, 16h48, André redoutait sa mère.

Mi-quarantaine, bonne tête d’informaticien ou de responsable de la vie étudiante d’une vibrante polyvalente de Saint-Anselme, André ÉMANAIT L’EFFROI.

Comme elle avait sans doute passé sa vie à lui rappeler à quel point il n’avait pour qualité que l’échec au badminton et la chiure à côté de la bolle, la mère d’André suscitait chez lui cette furieuse envie de s’embarrer dans le placard du concierge, à côté du bucket de bran de scie qui servait à couvrir les vomissures des élèves à la petite école (au Collège Français, c’était le modus operandi) jusqu’à l’Épiphanie.

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Un homme terrorisé par les pubs de Ferrero Rocher et les standards de magie qu’elles imposent au petit monde.

Toujours est-il que cet André en nage est venu à ma rencontre, suppliant, pour qu’en 10 minutes, je trouve un kit de Noël pour une septuagénaire qui avait des goûts bien précis, mais dont André ignorait l’essentiel des grandes lignes.

LA BELLE IDÉE.

Mais comme j’ai toujours eu beaucoup de tendresse pour ceuzécelles qui osent encore prendre le risque d’acheter des vêtements à des gens qui, sans exception aucune, les détesteront avec passion, j’ai illico volé au secours de l’oisillon quarantenaire qui, à visu de pâleur de derme, avait sérieusement besoin d’un renvoyou de tendresse dans le bec.

À l’aide des mensurations mentales d’André (qui n’avait évidemment aucune taille en tête, mais seulement ses petites mains qui définissaient une largeur approximative de bassin maternel dans les airs), je lui ai déniché un formidable chemisier festif ainsi qu’une immense, IMMENSE jupe de matrone, un kit qui ferait nul doute honneur à cette femme qui semblait être à la tendresse maternelle ce que Marie-Chantal Toupin est aux déclarations pondérées.

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Étonnamment, André semblait ravi; ce qui m’amena à croire que je lui aurais apporté un abat-jour et un tonneau avec des bretelles qu’il aurait été soulagé par la seule perspective d’arriver avec un paquet serti d’un gros chou pour maman.

Mais l’Iliade d’André ne faisait que débuter.

C’est que le simple fait d’avoir trouvé ne suffisait pas.
IL LUI FALLAIT ESSAYER LES VÊTEMENTS DE SA MÈRE.

“Pour tester”

Devant les cinq minutes de jeu restantes, je me suis secrètement réjouie d’être la témoin privilégiée de ce grand moment des Fêtes. C’est ainsi que j’ai ouvert, dans un geste qu’Alfred seul aurait fait pour Bruce, la cabine d’essayage à l’homme qui allait tester la blouse de sa mère.

Et quel test.

C’est qu’André avait son propre barème d’évaluation. Le vêtement ne devait pas qu’être seyant (fort heureusement, puisque du XXL sur un frame de chat ne rend hommage à personne). Il devait être CONFORTABLE.

Et selon André, le confort se mesurait à la flexion des genoux, tout en étirant les bras loin devant lui, comme s’il s’apprêtait à exécuter un plongeon au trois mètres ou à laisser tomber une pêche, tout dépendant du point de vue.

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André procéda au contrôle de qualité, d’élasticité et de flexibilité d’une blouse en satinette et de la grand’ jupe de sa mère pendant QUINZE MINUTES. À croire que cette femme ne déambulait pas. Elle répétait la routine de la petite Comaneci à chaque enjambée.

Tremblant et pas sûr pantoute de se mériter d’être fils, André procéda à la transaction avec le calme de Michael J Fox, sans doute comme des milliers de quidams dernière minute, aussi gagnés par la frayeur de donner forcé.

Ce Noël, payez-vous donc la traite. N’offrez rien.

ET SEMEZ L’ÉMOI.

La bise.

PS TENDRESSE :: cheap!!

***

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