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Né un 13 mars: quand son anniversaire rime avec « urgence sanitaire »
Il y a certaines dates de naissance qui sont moins l’fun à partager que d’autres. Quand son anniversaire se fait upstager par une fête avec plus de clout (on pense à Noël ou au jour de l’an) au moins il y aura toujours un party quelque part. Mais quand elle tombe un 11 septembre, on dirait que personne n’a vraiment le coeur dans les paillettes.
Entre les deux extrêmes s’ajoute maintenant le 13 mars, date à laquelle le Québec est officiellement tombé dans un univers parallèle en 2020 où les high fives, les frenchs entre inconnus dans les bars et les partys du vendredi soir sont devenus littéralement illégaux et impensables en raison de la pandémie.
Un an après cette journée marquante, on s’est demandé comment les personnes nées un 13 mars vivent avec le fait que désormais, « anniversaire » rime avec « urgence sanitaire ».
Au propre comme au figuré.
Les derniers becs sur les joues de la province
Située à plus de 400 kilomètres du premier cas de COVID-19 déclarée dans la province à Montréal, Sophie Châteauneuf ne s’imaginait pas du tout qu’elle serait «l’une des dernières personnes à pouvoir faire des becs sur les joues» à ses proches au moment de souffler ses 28 bougies l’an dernier. «On savait que ça n’allait pas bien à Montréal et dans quelques autres villes, mais ici, ça a pris du temps avant qu’on réalise ce qui se passait», explique la Saguenéenne.
Elle ne s’est pas fait prier pour célébrer son anniversaire avec ses collègues, ses amis et sa famille au lendemain des annonces du premier ministre François Legault, qui révélait les premières mesures de confinement pour freiner le virus (pas pantoute à deux mètres de ses ministres, d’ailleurs, comme on peut le voir ici).
«On savait que ça n’allait pas bien à Montréal et dans quelques autres villes, mais ici, ça a pris du temps avant qu’on réalise ce qui se passait»
«J’avais reçu un chèque cadeau pour aller voir un show le 13 mars 2021. Je pense pas que ça va se passer», admet l’énergique employée de Rouge FM Saguenay en riant.
Bien que sa région soit l’une des rares situées en zone orange dans la province et qu’il y ait un certain assouplissement des mesures sanitaires, Sophie essaie de ne pas trop se faire d’attentes pour sa fête cette année. «Ça évolue tellement vite. Si c’est permis, j’aimerais bien aller au resto avec ma famille et mes amis en petite gang ou voir des gens dehors. Sinon, on fera ça sur Zoom comme pour toutes les autres fêtes!» lance-t-elle, se disant «pas trop écoeurée» d’utiliser l’app de visioconférence pour voir ses proches. «Tant que je peux voir mon monde, moi, j’suis contente».
«Tant que je peux voir mon monde, moi, j’suis contente».
Quand on lui demande si le 13 mars est devenu une date maudite comme le 11 septembre pour célébrer son anniversaire, Sophie éclate de rire. «Non, pas vraiment. C’est plus comme être né un 24 décembre: tu te fais voler la vedette par quelque chose de plus gros que toi, mais c’est pas aussi dark que ça».
Il faut dire que «l’éternelle optimiste» n’en est pas à son premier BBQ de date «damnée». «Je suis née un vendredi 13 tout comme ma mère. On forme une grande lignée de sorcières!»
Même si le 13 mars risque de marquer l’imaginaire québécois pendant un certain temps, Sophie espère qu’on dissociera sa fête de cet événement tragique qu’est la pandémie dans les prochaines années et qu’on pourra «tirer du positif» de cette expérience.
«Je suis née un vendredi 13 tout comme ma mère. On forme une grande lignée de sorcières!»
Pour ses 29 ans, elle ne souhaite que de pouvoir continuer de voir ses proches et d’être en santé. Ah et aussi d’avoir un «petit quelque chose» relié à l’univers d’Harry Potter, son «obsession» personnelle. «Je reçois un petit truc lié à ça chaque année. Je suis une fan inconditionnelle. Je suis en train de lire les livres pour la huitième fois!».
Célébrer la malchance
Tout comme Sophie, Allan MacDonald est né un vendredi 13. «Toute ma vie, j’ai associé ma date de fête à la malchance d’une manière un peu comique. Je me suis même fait tatouer des symboles de chance pour m’aider un peu», confie-t-il en riant au bout du fil.
L’an dernier, sa copine s’est dit qu’elle pousserait encore plus le concept de naissance malchanceuse en organisant un party avec cette thématique. «Il y avait une grosse pinata et pour y accéder, on devait passer sous une échelle. C’était vraiment un beau gros party pour mes 28 ans», explique-t-il.
S’il savait que «quelque chose de gros» se tramait, il ne se doutait toutefois pas que sa fête serait le dernier événement du genre avant un bon bout de temps. «Finalement, on a vraiment célébré le jour le plus malchanceux ever sans le savoir».
«Finalement, on a vraiment célébré le jour le plus malchanceux ever sans le savoir».
Contrairement à beaucoup de Québécois, l’année d’Allan a été bien remplie en matière de défis. Il a d’abord quitté son emploi chez Braindate, une entreprise qui se spécialise en réseautage lors d’événements, pour se lancer à la pige comme designer de produit juste avant le début de la pandémie, une décision qu’il ne regrette pas du tout vu le contexte actuel. «C’est déjà épeurant de se lancer à la pige à la base, mais ce l’est encore plus quand c’est la fin du monde. Je m’en suis quand même bien tiré», avoue Allan à la blague.
En plus de sa nouvelle situation professionnelle, le vingtenaire a tenté de lancer un studio de design de produits avec des amis, un projet finalement «mort dans l’oeuf», et a emménagé avec sa copine en plein milieu de la pandémie.
«C’est déjà épeurant de se lancer à la pige à la base, mais ce l’est encore plus quand c’est la fin du monde».
Pour ses 29 ans, elle lui prépare d’ailleurs une surprise. «C’est clair que ça ne sera pas un gros party comme l’année dernière, mais c’est pas grave, je suis sûr que ça va être cool pareil. Je me reprendrai à mes 30 ans pour faire un méga party» prévoit Allan.
Et pas question de faire un appel Zoom avec ses amis le jour de son anniversaire cette année. «Ça doit tellement être bizarre d’avoir plein de gens qui chantent Joyeux Anniversaire pas en même temps à cause des bogues. Je vais éviter un tel fiasco».
Son seul souhait pour sa fête est d’ailleurs bien simple: pouvoir se réunir en gang sans que ça soit «weird» dans les prochains mois. «Si on sort de cette situation, j’aimerais que le 13 mars devienne une date cathartique, où on en profitera pour faire la fête entre amis en se rappelant qu’à la même date en 2020, la Terre a arrêté de tourner et que plusieurs privilèges qu’on croyait acquis ont disparu».
Anniversaire relax, mais année mouvementée
Les gros rassemblements pour célébrer sa naissance n’ont jamais été le fort de Myriam de Verger. «J’ai toujours fait des petits soupers entre amis callés à la dernière minute au Bombay Mahal», confie l’actrice, qui ne souhaite pas révéler son âge.
Mais l’année passée, la pandémie lui a coupé l’herbe sous le pied. Elle a dû dire adieu à sa fidèle tradition d’aller se délecter de pain naan avec ses «chums». Avec du recul, regrette-t-elle de ne pas avoir organisé son souper avant le début des mesures sanitaires? «Honnêtement, pas vraiment. La pandémie a pris toute la place et c’est ben correct», répond tout simplement Myriam, qui avoue avoir été une fidèle téléspectatrice des premiers points de presse du trio Arruda, Legault, McCann.
«La pandémie a pris toute la place et c’est ben correct»
«Je pense qu’on va se rappeler longtemps de ces moments et que le 13 mars sera toujours une date qui va rester dans les esprits des Québécois un peu comme le 11 septembre, mais en moins tragique», estime-t-elle.
Si sa fête n’a pas été très marquante sur le plan personnel en 2020, son année, elle, a été faste en apprentissages. «La mort de George Floyd et l’essor de Black Lives Matter ont été des événements super importants pour moi. Je me suis sentie galvanisée et ça m’a permis de me centrer sur mes valeurs personnelles», confie l’actrice noire originaire de l’Abitibi.
«La mort de George Floyd et l’essor de Black Lives Matter ont été des événements super importants pour moi. Je me suis sentie galvanisée».
Elle a notamment profité de ce bouleversement de société pour avoir des conversations avec ses proches sur le racisme systémique et les privilèges «blancs» et a pu cerner ses «vrais alliés» dans cette cause.
Sinon, en ce qui a trait à son parcours professionnel, l’actrice a essuyé quelques revers avec l’annulation de contrats au début de la pandémie, mais elle s’est dégotée un rôle à l’automne dernier dans une série qui sera diffusée à TVA prochainement.
Qu’est-ce qu’on peut souhaiter à Myriam pour son anniversaire cette année? «Qu’il y ait une résolution à cette pandémie et qu’on puisse aller chiller dans les parcs entre chums. That’s it».
Un retour au bercail plus dur que prévu
2020 s’annonçait comme une année remplie de promesses et de beaux défis pour Sophie Nepton. «J’avais accepté un emploi comme conseillère politique aux relations gouvernementales et stratégiques à Mashteuiatsh au Lac-Saint-Jean, mon lieu de naissance, qui devait commencer à la mi-mars. C’était un gros move pour moi parce que je quittais Montréal, une ville que j’adore, pour retourner aux sources. Je me disais que je retournerais dans la métropole une fois par mois pour assouvir mon besoin de ville», confie la trentenaire au bout du fil.
«C’était un gros move pour moi parce que je quittais Montréal, une ville que j’adore. Je me disais que je retournerais à la métropole une fois par mois».
Quelques semaines avant que toute la province tombe en mode panique, Sophie a entrepris un premier voyage de Montréal à Mashteuiatsh pour s’installer tranquillement avant sa première journée à son nouveau travail le 12 mars, la veille de son anniversaire. «J’avais encore mon appartement et je n’ai pas pris le temps de déménager tout d’une shot. On commençait à parler pas mal du coronavirus, mais il n’y avait encore rien de concret en termes de mesures».
Le 12 mars, la jeune professionnelle se pointe au bureau du conseil de bande de sa communauté pour démarrer son nouvel emploi. «J’étais toute fébrile et excitée de pouvoir commencer un nouveau chapitre de ma vie et de contribuer au bon fonctionnement de ma communauté. Je ne m’attendais pas du tout à ce qui s’est passé».
Alors que François Legault déclare «l’état d’urgence», le conseil de bande de Mashteuiatsh décide d’annuler ses activités pour une durée indéterminée. «J’ai littéralement travaillé un avant-midi avant qu’on tire la plug», raconte Sophie en riant un peu jaune.
«J’ai littéralement travaillé un avant-midi avant qu’on tire la plug».
Qu’à cela ne tienne, cette mauvaise nouvelle n’a pas empêché cette «fille de party» autoproclamée de 33 ans de célébrer son anniversaire en bonne et due forme. «On était une quinzaine de personnes au restaurant à Roberval et on a fêté ça jusqu’aux petites heures du matin. Je ne me doutais pas que ça serait le dernier party auquel j’aurais droit pendant au moins un an», confie-t-elle.
Les semaines suivant son anniversaire se sont avérées plutôt dures pour Sophie. «J’avais encore beaucoup de choses à Montréal que je devais ramener à Mashteuiatsh et c’était devenu très compliqué puisqu’il y avait des barrages routiers pour empêcher les gens de voyager entre les régions et que la communauté était “fermée” aux contacts extérieurs».
«on a fêté ça jusqu’aux petites heures du matin. Je ne me doutais pas que ça serait le dernier party auquel j’aurais droit pendant au moins un an».
De peine et de misère, elle et sa cousine ont réussi à se dégoter un camion de déménagement à la fin mars pour faire un déménagement express en une journée de son appart de Montréal jusqu’à sa communauté au Lac-Saint-Jean.
Comme une malchance n’en attend pas une autre, les deux femmes se sont cogné le nez aux portes de leur communauté au retour. «On nous a dit qu’on devait s’isoler pendant 2 semaines avant de pouvoir rentrer. J’ai dû aller rester chez une amie à Roberval avec ma cousine pendant tout ce temps avant de pouvoir retourner chez moi», explique Sophie.
Les choses se sont tranquillement placées pour la conseillère politique aux relations gouvernementales et stratégiques. Elle a pu retrouver son emploi au bout de quelques semaines, en mode télétravail, et s’installer comme il faut.
«On nous a dit qu’on devait s’isoler pendant 2 semaines avant de pouvoir rentrer. J’ai dû aller rester chez une amie à Roberval».
Même si elle ne regrette pas d’avoir fait ce retour vers ses racines, Sophie ne cache pas qu’elle s’ennuie «pas mal» de sa vie montréalaise et qu’elle a «des bonnes et des moins bonnes journées» depuis 1 an. «On est en zone orange ici, mais ça ne change pas grand-chose. J’ai hâte d’aller à Montréal et de prendre mes amis dans mes bras, de manger au resto matin, midi et soir et d’aller voir des shows».
En attendant qu’elle puisse combler son «craving de ville», la femme d’origine innue qui soufflera ses 34 bougies dans quelques semaines célébra son anniversaire avec son amoureux au Germain de Charlevoix, un «set up» pas mal plus tranquille que l’an dernier.
Si pour certains le 13 mars restera une journée à connotation négative, pour Sophie, ça restera d’abord et avant tout son anniversaire. «Je veux pas que ça soit associé à ça (la pandémie). Je vais toujours rappeler à mes amis que cette date-là, elle est spéciale justement parce que c’est ma fête».