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N’ayez plus honte, la lutte c’est redevenu cool

Comment le sport-spectacle a repris sa place dans la culture populaire?

Par
Stéphane Morneau
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Le Québec et la lutte professionnelle, c’est une longue histoire d’amour qui, souvent, s’est vécue dans la honte et la gêne. Tous les amateurs ont vécu une petite gêne d’avouer qu’ils allaient regarder de la lutte un soir de week-end au lieu, par exemple, d’aller fêter dans un bar ou un événement branché.

En effet, après les heures de gloire de nos pionniers qui sillonnaient les arénas et les stades de la province entre les années 50 et 80, une certaine baisse de régime s’est fait sentir, particulièrement dans la culture populaire, quand le côté mythique de la lutte a commencé à s’effriter de plus en plus.

Duper le public en conservant le mythe, c’était un art.

Longtemps, l’attrait de la lutte professionnelle était de jouer sur la ligne du vrai et du faux. Les spectateurs n’étaient jamais complètement convaincus que le tout était orchestré et scénarisé. Même que souvent, les meilleurs moments de la lutte d’antan puisaient dans l’abolition complète de cette fiction évidente.

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Duper le public en conservant le mythe (le kayfabe dans le jargon) était un art et, ainsi, les lutteurs ne sortaient pas de leurs personnages, même si le méchant Soviétique devant vous dans le ring a en fait grandi sur une ferme laitière canadienne.

Quand tout est faux dans une discipline, forcément, il faut le présenter comme tel, sinon le public quitte l’aventure.

La lutte, un téléroman pour homme avec des montagnes de muscles gonflées aux stéroïdes?

Avant l’explosion de l’internet à la fin des années 90, les promoteurs de lutte tentaient encore, trop souvent, d’entretenir ce mythe avec de l’information aux compte-gouttes et, souvent, carrément des mensonges. Vendre un spectacle et non la vérité.

C’est une des raisons pourquoi, quand j’étais plus jeune, la lutte n’était plus cool. C’était faux, fake, un téléroman pour homme avec des montagnes de muscles gonflées aux stéroïdes et rien de plus. Les courbes dramatiques et les grandes qualités du sport spectacle étaient balayées du revers de la main parce que la légitimité était envenimée. Si c’est faux – pourquoi perdre son temps avec ça?

Heureusement, il y a eu un virage vers l’ère de l’information, des sonneurs d’alertes et des infiltrateurs du web qui diffusent tout instantanément sur les réseaux sociaux.

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Depuis quelques années, la gargantuesque WWE a pris le contrôle du sport-spectacle et elle a fait un retour spectaculaire dans les médias traditionnels.

Hulk Hogan, déjà à l’époque, flirtait déjà avec les émissions de variétés.

Ça a commencé timidement avec des apparitions de lutteurs, comme John Cena, sur des plateaux d’émission du matin ou du soir sur les chaînes généralistes. Kevin Owens, un lutteur de Marieville, a fait un peu la même chose la semaine dernière avant Wrestlemania 33 en faisant la tournée des médias du Québec, dont Salut, Bonjour! et l’Antichambre de RDS. Signe que le retour de la lutte est réel dans notre paysage.

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Ceci dit, il y a un précédent et les grandes vedettes de la lutte comme Hulk Hogan, à l’époque, flirtaient déjà avec les émissions de variétés. Là où il y a une différence, c’est que les médias sportifs comme ESPN produisent du contenu en marge des grands événements de la WWE et, chaque semaine, un lutteur est de passage pour une entrevue sérieuse où il peut parler de sa vie à l’intérieur et à l’extérieur du ring.

La lutte est redevenue populaire, et cool, parce qu’elle ne se cache plus derrière sa propre théâtralité, c’est-à-dire ses histoires et ses personnages. Elle a rejoint les autres formes de divertissement artistique, comme le théâtre ou le cinéma, et les lutteurs sont aussi des agents de promotion d’une production, comme les acteurs vont venir nous parler de leur méthode pour habiter un personnage avant la sortie d’un film ou d’une pièce.

Le spectacle dans le ring n’est qu’une infime partie de tout ça.

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De nos jours, une blessure de lutteur est traitée comme celle d’un sportif par ESPN et des télé-réalités nous montrent les véritables couples en coulisse. La lutte, via la puissante WWE, est devenue une production télévisuelle en perpétuelle mouvance où le spectacle dans le ring n’est qu’une infime partie de ce que les gens suivent au quotidien.

En 2017, avec le divertissement à la carte, Netflix et la perte de vitesse évidente des chaînes câblées, la WWE est révolutionnaire avec sa chaîne en ligne (le WWE Network) et l’accès complet à quarante ans d’archives. C’est le modèle HBO qui s’est imposé comme une figure de proue dans la production télévisuelle de qualité.

La lutte c’est un divertissement à l’état brut, populaire et primitif.

La lutte, c’est cool, et je l’assume. J’en parle chaque semaine sur Balle Courbe, la petite sœur polissonne d’URBANIA et RDS, et je n’ai même plus peur de perdre un éventuel sex-appeal aux yeux de la gent féminine en raison de mon amour pour des hommes en bobettes qui se donnent des faux coups de poing devant une foule endiablée.

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En 2017, la lutte c’est un divertissement à l’état brut, pas moins noble que le théâtre ou le cinéma. C’est différent, populaire et alimenté par nos instincts primitifs. Les bons contre les méchants, les grands contre les petits et le vrai contre le faux.

Ne boudez plus votre plaisir et sortez du placard chers fans de lutte.

Pour continuer de lire sur la lutte: «De la lutte queer».