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N’ayez pas honte, soyez furieux

Par
Valérie Duhaime
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Lorsque les premiers échos de l’attentat au Centre Culturel Islamique de Québec se sont faufilés jusqu’à moi, j’ai d’abord eu honte.

On ignorait alors l’ampleur du bilan, qui s’est depuis stabilisé à six morts.

J’ai eu honte que mon peuple, en général pacifique, souvent même passif, se fonde dans ceux qui ont peur et n’ont pas les outils nécessaires pour comprendre la richesse humaine. Puis, je me suis ravisée. Je refuse d’avoir honte.

Je refuse d’avoir honte pour les actions malades d’un individu isolé dans son action, mais sans doute bien accompagné dans sa pensée. Je refuse que l’on m’amalgame à lui, parce que je refuse que les musulmans aient honte lorsque c’est l’un des leurs qui appuie sur la gâchette.

Nous sommes en Amérique, où tous les Caucasiens sont immigrants.

Je refuse qu’Hamza soit blâmé lorsqu’un Omar, tout aussi malade et ignorant qu’un Alexandre ou qu’un Dylan, vole la vie d’innocents sur des bases complètement farfelues. Je refuse qu’une femme voilée soit vue comme cachant quelque chose de plus grave qu’une femme portant des lunettes soleil et une tuque. Je refuse qu’une mosquée soit perçue comme plus dangereuse qu’une église.

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Je refuse aussi que l’on remette en doute la détresse de ceux qui cherchent le refuge chez nous. Nous avons la place, nous avons les ressources. Et nous sommes en Amérique, où tous les Caucasiens sont immigrants. Ce territoire, nous l’avons déjà envahi, pris à d’autres. Nous n’avons pas de leçon d’hospitalité à donner.

Le truc, c’est que même si je ressemble au tireur, parce que je suis blanche et Québécoise, personne ne me pointera du doigt dans les prochaines semaines. Personne n’aura peur de moi, les musulmans que je croiserai ne chuchoteront pas dans l’oreille de leur voisin en me voyant passer. Donald Trump n’ajoutera pas le Canada à son horrible liste des pays dont les réfugiés sont bannis. Mes droits ne seront pas bafoués lorsque je passerai la frontière, lorsque je ferai la file au magasin, lorsque je voudrai déménager ou obtenir un nouvel emploi.

Refusons cette route où les musulmans sont deux fois victimes.

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Pour moi, rien ne va changer parce qu’un Alexandre a ouvert le feu. Mais si c’était un Omar, tout changerait pour Hamza, pourtant athée et installé ici depuis sa petite enfance, Québécois un peu foncé. Tout changerait pour Mohammed, musulman et père de deux petites merveilles dont la maman est chrétienne. Tout changerait pour ces deux hommes différents et pareils, comme nous le sommes tous.

À ceux qui croient que le terrorisme a une religion, une couleur, une orientation sexuelle, un pays, vous êtes le principal vecteur de cette terreur, comme Alexandre et Omar.

Mais pas comme Hamza, Mohammed, ou moi, qui savons que les gens ne se mesurent pas au pire de leurs semblables.

N’ayons pas honte, mais soyons fâchés. Refusons cette route où les musulmans sont deux fois victimes : à la fois de la peur et de la violence.

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