Hugo Mudie a décidé de lâcher l’université pour partir en tournée non-stop avec The Sainte Catherines en 1999. Depuis ce temps, il a sorti 36 albums et il a brulé plus de 10 moteurs de camions sur la route à travers le monde. Il est monté sur scène des milliers de fois, organisé des shows même en dormant, démarré des compagnies de disques, fondé des festivals, booké des rappers, géré des chanteuses, pogné deux fois la bactérie mangeuse de chaire, pleuré dans des loges, envoyé chier la moitié de la planète et faite le party avec l’autre moitié. Il veut aujourd’hui démystifier les dessous de l’industrie musicale telle qu’il l’a connue et la perçoit. Cette semaine, il nous explique ce qui se passe véritablement backstage, soir de shows.
Backstage or die
Quand j’étais plus jeune et que j’allais voir des shows au Métropolis, je me demandais vraiment ce qui se passait en backstage. Est-ce que tout le monde se fait des high fives et rit très fort des meilleures jokes de la planète? Est-ce que c’est rempli de célébrités qui sniffent de la coke en buvant du champagne? Y’a-t-il plein de gens nus qui frenchent d’un bord pis d’l’autre?
Pendant des années, avoir une loge était presque ridicule.
La réponse est… OUI! À tout ça, mais vraiment très rarement.
À une époque, le backstage était totalement inexistant lors de mes shows, et même mal vu par une certaine élite, dont je faisais partie:
«Ayoye, ce band-là se pense vraiment bon, genre il passe toute la soirée backstage pis ils écoutent aucun des autres bands.»
Tout est une affaire d’individus et de momentum durant la tournée.
Pendant des années et des années, avoir une loge était presque ridicule. Souvent, on restait en arrière de la table de marchandise (sorte de refuge premier, campement, zone neutre ) avant d’aller jouer sur scène, suer comme des imbéciles et revenir au même spot avec la satisfaction (ou le malaise) de la performance toute fraîche encore étampée dans le front. Quand on a commencé à faire des plus gros shows, le backstage est devenu une confortable maison temporaire de repos ou encore un excitant party… des fois plus le fun que celui dans la salle.
Je dirais que tout est une affaire d’individus et de momentum durant la tournée. Je suis pas mal certain que le backstage d’un show de Loud Lary Ajust est plus explosif que celui de Maxim Landry. Quoique je me suis déjà fait expulser d’un backstage de Loud Lary, juste parce que je portais un gros chapeau rouge. Anyway, y’avait juste trois personnes qui ne faisaient rien pantoute. Finalement c’était plate en criss… mais vous comprenez la différence.
Une chose est sure, c’est plus souvent plate que nice.
Même chose si tu pognes une tournée (je ne parle pas d’une tournée québécoise ?) qui roule depuis déjà un mois, un mardi soir à Ottawa, ça risque d’être moins sicko qu’un vendredi à Brooklyn quand le band vient juste de savoir qu’ils vont jouer à Jimmy Fallon dans trois semaines. C’est inégal comme expérience, mais une chose est sure, c’est plus souvent plate que nice.
La sueur de Dany Bédard VS Sadomaso avec des joueurs de la NFL
Je pense qu’au Québec, la défonce backstage est un peu moins répandue qu’ailleurs. Je dirais qu’aujourd’hui en 2017, 80% des loges que je fréquente sont constituées ainsi: une table pliante avec quelques fruits et légumes (avec sa trempette bien sûr), des grignotines sucrées salées de type «proche de la caisse» au Dépanneur, de l’eau température pièce, d’la bière pas buvable, quelques linges à vaisselle en guise de serviette, un vieux divan rempli de Syphillis et deux chaises pas à niveau qui sentent la sueur de Dany Bédard, qui en a «reviré une criss là une fois, ça aurait l’air».
Sur ce couch bancal se retrouvent des individus un à côté de l’autre, le dos en demi-lune regardant passionnément un écran, swipant de gauche à droite et de bas en haut. Sans jamais rentrer en contact avec les autres, jusqu’à ce qu’ils reçoivent la notification suivante «It’s a match». À ce moment, il montre l’écran aux autres qui réagissent avec leur face tel un émoji humain.
J’suis devenu snob en matière de confort de concerts.
J’ai par contre déjà aussi vécu la scène suivante dans un backstage à Londres, lors d’une tournée avec le groupe de covers Me First & The Gimme Gimmes: deux membres du groupe The Pogues qui parlent de l’Halloween avec un dude de Foo Fighters, plusieurs joueurs de la NFL, des roches de cocaïne grosse comme le poing de Louis Cyr, toutes les sortes d’alcool du monde, des Suicide Girls avec pas trop de linge, des sandwichs à l’agneau et à la menthe fraîche, des conversations sur le sadomasochisme et le golf.
Personnellement j’ai un petit faible pour ce genre de soirée. Tu viens de faire un show, y’avait plein de monde qui tripaient, mais veut, veut pas, un show ça ne dure pas super longtemps. Même si tu ne tripes pas tant sur les menottes, la menthe, y’a moyen de juste rester dans un coin, sur le divan diseaseless, pis de regarder aller ce total zoo, pendant que les gens dans la salle achètent des t-shirts et repartent en métro.
Les rats de loges. Ils trouvent toujours un moyen de s’infiltrer.
Les rats des loges
Je dois avouer que je ne vais plus vraiment dans les shows si je n’ai pas de passes All Access. J’suis devenu snob en matière de confort de concerts. Par contre, quand c’est un gros band et qu’il y a juste du monde que je ne connais pas qui joue, je vais dans la foule comme la plèbe. Anyway, j’aurais aucun fucking rapport d’hanger out dans un coin pendant que Nick Cave et Warren Ellis parlent de littérature japonaise. Mais il y a une classe de gens qui s’en foutent de ne pas connaître personne et de ne pas avoir rapport là. Ils vivent pour ça. Ils sont les rats de loges. Ils trouvent toujours un moyen de s’infiltrer: devenir meilleur ami avec le bassiste de la première partie, offrir de loader l’équipement juste avant le show, se déguiser en concierge avec un balai et tout pour rentrer par le backdoor.
Je suis certain que ces rats se disent aussi: «c’est plus plate que ça en à l’air finalement».
Une fois dans la loge, je me demande toujours ce qu’ils vont chercher. D’la bière gratos? Fallait juste me le dire j’taurais amené la caisse au complet dans ruelle. Des conversations avec des légendes du rock? En général non, ils n’ont pas vraiment le guts, ils se tiennent pas loin en sirotant leur bouteille de pisse. Donc, pourquoi? Une relation sexuelle rapide avec le fantasme de jeunesse? Je pense que dans certains cas oui. J’ai déjà vu des filles rentrer dans une loge et réussir en moins de 30 secondes à être embarrées dans les toilettes avec le chanteur de leurs rêves d’ados. Mais un gros dude hétéro dans un show punk avec juste des dudes backstage… c’est un mystère. Une chose est sûre, je suis certain que ces rats se disent aussi: «c’est plus plate que ça en à l’air finalement». Surtout habillé en concierge.
Quoi dire à qui
Pour terminer, je dirais que peu importe ce qui se passe backstage, ça doit rester backstage. Un peu comme la fameuse phrase pour Vegas (il ne se passe jamais rien là-bas non plus, fucking ville plate). C’est une espèce de 4e dimension où tout peut arriver, mais que bien souvent rien n’arrive pantoute.
Si tes amis demandent, dis que c’est fucking nice, mais que c’est vraiment strict et qu’ils n’auraient pas rapport là.
Si ta mère te demande, dis que tu fais des vocalises et une petite pratique italienne avant de jouer. Si ton amoureux te demande, dis que tu jases avec les autres membres du band et que vous vous montrez des photos de vos vacances, en vous hydratant convenablement. Si tes amis demandent, dis que c’est fucking nice, mais que c’est vraiment strict et qu’ils n’auraient pas rapport là. Si un autre band qui n’était pas là demande, dis que c’était le fucking party du siècle et que vous étiez surpris de ne pas les voir parce toutes leurs blondes, leurs meilleurs amis, leurs idoles et Jean Leloup étaient là. Perpétuons le mythe.
Pour lire un autre texte d’Hugo Mudie: «Musique : La vérité sur la place des femmes dans l’industrie».