Hugo Mudie a décidé de lâcher l’université pour partir en tournée non-stop avec The Sainte Catherines en 1999. Depuis ce temps, il a sorti 36 albums et il a brûlé plus de 10 moteurs de camions sur la route à travers le monde. Il est monté sur scène des milliers de fois, organisé des shows même en dormant, démarré des compagnies de disques, fondé des festivals, booké des rappers, géré des chanteuses, pogné deux fois la bactérie mangeuse de chaire, pleuré dans des loges, envoyé chier la moitié de la planète et faite le party avec l’autre moitié. Il veut aujourd’hui démystifier les dessous de l’industrie musicale telle qu’il l’a connue et la perçoit. Cette semaine, il nous parle du sexisme dissimulé dans l’ouverture d’esprit de la scène artistique québécoise.
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On essaie souvent de se faire croire que la scène artistique est une microsociété bien distincte de celle dans laquelle nous vivons tous. Avec une ouverture d’esprit hors du commun, de la paix, de l’amour, de la créativité qui coule à flots, sans malice, sans violence, sans préjugés.
Après presque 20 ans dans le sous-terrain et le terrain de jeux des stars du rock de la Belle Province, je dois avouer que c’est malheureusement faux. Je suis pas mal certain que c’est moins pire que dans d’autres microsociétés, mais disons qu’il y a un solide chemin à faire pour que les femmes soient traitées exactement pareil que les hommes.
Il y a beaucoup de squelettes dans le placard des organisations à vocation musicale de la pas si Belle Province.
Le sexisme est présent dans la musique au Québec.
La place des femmes dans l’industrie de la musique est pour l ’instant et à mon grand chagrin, celle d’assistante et de secrétaire. Du moins, c’est ce que les gars aimeraient croire. Dernièrement et à mon grand plaisir, une organisation du nom de F.E.M (pour Femmes En Musique) a vu le jour. Leur but est de dénoncer l’inégalité homme-femme dans l’industrie de la musique au Québec. Un groupe comme celui-ci est totalement nécessaire, car il y a beaucoup de squelettes dans le placard des compagnies de disques, salles de spectacles, festivals et autres organisations à vocation musicale de la pas si Belle Province.
L’assistante
Il y a 7 ans, moi et mon amie démarrions le Pouzza Fest, un festival de musique plus ou moins punk qui existe encore aujourd’hui et qui est plus fort que jamais. On avait aussi ensemble une compagnie de production, de disque, de booking qui se nommait L’ÉCURIE. Le nombre de fois qu’elle s’est fait appeler «l’assistante d’Hugo», «la secrétaire» et même «the girl that Hugo is fucking» (par un gros épais supposément très ouvert d’esprit de la chère communauté punk), est difficile à compter. Comme si une fille qui faisait de la business ne pouvait qu’être ta blonde, «la fille que tu fourres», ton assistante ou ta secrétaire.
En quoi est-ce que le fait d’avoir un pénis me donnerait un avantage pour avoir l’idée et les capacités d’avoir une business dans la musique?
Comment se fait-il qu’il y ait si peu de musiciennes dans les bands?
Roadie ou groupie?
Quand nous étions souvent en tournée avec nos groupes, nous amenions souvent des filles comme roadies. Nous en avons eu une criss de gang et certaines étaient vraiment meilleures que la tralée de gars que nous avons eu.
Par contre, une chose est sure, c’était beaucoup plus tough pour elles. Elles se faisaient niaiser par certains membres du band, se faisaient demander par les autres bands ; «elle était la blonde de qui?» Quand elles arrivaient pour se faire payer après un show, le promoteur venait me demander si c’était correct qu’il paye «la fille» alors que ça arrivait pas quand c’était un fucking bro sur la brosse ben raide qui demandait notre paye. Sans compter qu’elles devaient se faire cruiser non-stop par tout le monde. Ça peut être flatteur des fois, mais franchement gossant aussi, si tu veux juste faire ta job et boire une beer avec tes amis après le show.
Where are ma gurlz?
Comment se fait-il qu’il y ait si peu de musiciennes dans les bands?
Est-ce qu’il y en a moins de filles qui jouent de la musique tout court?
Me semble qu’au contraire, je connais plus de petites filles qui jouent du piano, du violon, de la guitare que de p’tits gars?
Est-ce elles veulent juste pas dealer avec les épais qui les trouvent «bonnes pour une fille» publiquement?
Personnellement j’ai toujours eu un faible pour les musiciennes, les voix féminines, mais j’ai très souvent entendu des dudes de mon entourage dire qu’ils n’aimaient pas les voix de filles (comme si elles étaient toutes pareilles) et que la drummeuse était pas pire, «pour une chick». Au Pouzza Fest justement, nous avons une politique de profilage positif envers les femmes. Dès que nous recevons des demandes de musiciennes pour jouer au festival, nous les acceptons. Depuis plusieurs années. Cette année, le pourcentage de groupes avec au moins une présence féminine était de 23%. Nous visons 50 d’ici deux ou trois ans.
Les sons n’ont pas testostérone pour vrai.
Récemment j’essayais de trouver une réalisatrice pour l’enregistrement d’un disque et j’en trouvais pas. Je ne connais pas de réalisatrice de disque. Pas une. J’aimerais pourtant travailler avec une femme derrière la console. J’aimerais la douceur et la sensibilité qu’une femme pourrait apporter en studio, et évidemment je ne parle pas de douceur musicale, car oui, une femme pourrait tout autant réaliser un album jazz qu’un album de défonce métal. Les sons n’ont pas testostérone pour vrai. Même si ça fait des années qu’on essaie de se faire à croire qu’un gros ampli joué très fort c’est masculin.
C’est juste un ampli joué très fort. Il n’y a pas de «balls» pour vrai dans ton criss de Marshall ti-coune.
La musique sans genre
J’ai tellement vu de dudes dire que telle fille ou telle fille est pas une bonne soundgirl, guitariste, driver, photographe de shows, réalisatrice de clips, etc. sans vraiment expliquer pourquoi. Comme si la jalousie les empêchait de voir et d’écouter pour vrai. J’ai jamais vraiment compris le sexisme à la base anyway. Comment tu peux vraiment penser qu’une femme mérite moins qu’un homme pour faire la même affaire? Tout peut s’apprendre. Le travail, le talent, la volonté sont toutes des choses qui sont nécessaires pour réussir dans l’industrie de la musique. Toutes des choses qu’une femme peut accomplir aussi bien qu’un dude.
Les filles peuvent être autre chose que des assistantes, des relationnistes de presse, des bookeuses et des fucking groupies.
Les filles peuvent être autre chose que des assistantes, des relationnistes de presse, des bookeuses et des fucking groupies. Mais pour ça, faudrait que les dudes arrêtent de se faire à croire qu’ils sont meilleurs juste parce qu’ils sont des hommes. J’ouvre la porte, mais j’suis un gars. J’essaie de faire ma part, mais j’ai pas le power d’une femme. Donc, pour finir, je rêve du jour ou les filles vont être en criss et prendront leur place de force, à coup de gros riff de Marshall din balls du masculinisme.
Pour lire un autre texte d’Hugo Mudie : «Comment expliquer la culture hip-hop à mes enfants ?»
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