La serveuse est venue nous avertir qu’il fallait changer de spot : « Le DJ s’en vient et il a un chien Mira, parce qu’il a la sclérose en plaque pis faut pas y toucher, pis il prend pas mal de place avec son setup, ça vous dérangerait-tu ben gros de vous déplacer? ».
On s’est déplacé. Il faisait à peu près -700 degrés Celsius dehors, rue Ste-Catherine Est, dans un bout de Hochelaga qui est très loin de la gentrification. J’étais assis avec deux membres du groupe Gazoline (Marc et Xavier) dans un bar qui reste probablement en vie en raison de la présence de quelques machines de vidéopoker. Les seuls clients présents à part nous ce soir là étaient d’ailleurs en train d’essayer de gagner de quoi devant ces écrans. Maroon 5 joue en background.
J’avais jamais remarqué à quel point le chanteur du groupe (Xavier) ressemblait à Julian Casablanca des Strokes, en version moins cernée.
Est-ce que ce nouvel EP (Yūgen, qui sera lancé ce vendredi 12 janvier à la Sala Rossa), qui est beaucoup plus keyboard/dance/électro, est une conséquence de la sombre rumeur que le rock serait mort? Suivez-vous le courant volontairement?
Xavier : Nos mentors ont toujours été les Strokes. Avant les Strokes ont disait que les bands de guitares étaient morts… que le rock était mort. Même les Strokes se sont tannés de faire du rock. On s’est jamais vraiment considéré comme un band rock. Led Zeppelin ou Black Sabbath, c’est pas ça qu’on aimait. On voulait faire de la musique au goût du jour… surtout qu’au Québec, le rock c’est Éric Lapointe, Jonas. Faut que ce soit cliché, Rock Of Ages la comédie musicale. Nous on était un band garage qui faisait la meilleure musique qu’on était capable de faire avec nos shitty guitares.
Trouvez-vous ça plate que le rock en arrache ces temps-ci?
Xavier : C’est poche… mais ça n’a jamais été quelque chose qu’on s’est retenu de faire volontairement. Probablement que le prochain album qu’on va faire va être le plus rock de tous nos albums. Peut-être que dans le temps qu’on a sorti le premier EP, si y’avait eu d’autres bands du genre on aurait pu créer une scène et faire le « rock de Montréal », mais on était un peu tout seuls à faire ça à ce moment-là. On a décidé d’être des loups solitaires.
Pensez-vous que c’est possible ici, dans un marché si petit, d’avoir une scène aussi identitaire et forte que dans d’autres villes américaines par exemple?
Xavier : En fait y’a plein de trucs qui se ressemblent ici et qui marchent bien ensemble. Pleins de trucs ultra Radio-Canadien que tout le monde va vouloir dire qu’ils aiment parce que ça les fait sentir comme des Québécois lettrés, éduqués, mais un peu fous-fous, comme Phil Brach par exemple (que Xavier a beaucoup aimé et dont il admire l’ambition)… pis d’un autre coté t’as toute la marde que TVA chie. Y’a aussi la barrière de la langue. Les Montréalais anglophones ont l’air d’avoir plus de fun que nous autres dans leur scène en ce moment.
Avez-vous déjà pensé faire de quoi en anglais d’abord?
Xavier : Non. D’habitude les gens font ça par ambition, mais pour nous l’ambition c’était de faire d’autres hits comme Ces Gens Qui Dansent qui a pas mal joué à la radio dès le début de notre carrière. On a reçu nos redevances et on s’est dit qu’on voulait en faire d’autres chansons comme ça pour que la musique ce soit notre job. Un succès radio et underground en même temps.
C’est tout un défi ça, un succès radio en restant cool et authentique ici au Québec… si vous aviez le choix aimeriez vous avoir un succès grand public, mais vivre de votre musique ou avoir un succès limité, mais directement avec le crowd que vous visez?
Xavier : Le but avec Gazoline, c’était de faire danser les filles.
Marc : Je pense qu’on aime mieux une salle plus petite avec moins de monde, mais qui trippe et qui danse.
Xavier : C’est ça le public de Gazoline… des filles du Cégep, qui viennent avec quelques gars qui nous disent « j’pensais que c’était fif Gazoline, mais finalement c’est cool » (rires).
(Je sentais que je devais insister)
Mais franchement aimeriez-vous mieux jouer devant 500 personnes qui catchent moins ce que vous essayez de faire comme musique?
Xavier : mmm ouin j’pense que oui! Si c’est la musique que j’aime, même si y’a du monde qui trouve que c’est crétin, mais que la majorité du monde aime ça, moi j’adorais ça. Le but c’est de vivre de la musique. C’était notre rêve. Là je travaille dans les bars. J’ai pas le goût de travailler dans les bars jusqu’à trente ans.
C’est encore votre but de vivre de Gazoline?
Xavier : Avec Gazoline j’ai de la misère à y croire… Moi j’ai jamais été un bon musicien, c’est ma seule place. Les autres du band sont super bons et je peux croire qu’ils pourraient jouer avec d’autre monde et être musicien dans la vie, mais moi c’est ma seule bouée de sauvetage.
Marc : On en a parlé il y a pas longtemps. On est rendu à 25-26 ans, moi je gagne pas assez avec ça, je pense retourner à l’école, mais c’est plus fort que moi… j’suis pas capable.
Xavier : C’est la meilleure job au monde (musicien) si tu vis de ça.
Pis le fait que votre toune passe à La Voix dans un duel ça aide ou pas, vous pensez? C’est quelle chanson qui a passé?
Xavier : C’est Ces Gens Qui Dansent… c’était malade que ça arrive, pis j’étais fier, mais c’était horrible (la perfo), j’me sentais mal après. J’ai vu sur internet après du monde qui disaient « les gars étaient bons, mais la chanson était pas bonne »… tsé c’était une toune à la Ramones… simple, garrochée… les gars étaient là avec leur Stratocaster à 45 000 $ à chanter CES GENS QUI DANSENT! (il imite un genre de Rémi Chassé) (rires). Le contraire de ce qu’on essaie de faire avec Gazoline, des genres de vocalises qui finissent pu, ça marchait zéro. Marc Dupré nous a donné cette chance, pis c’est super et j’suis ultra reconnaissant, mais on s’est rendu compte que ç’a rien à avoir avec ce qu’on essaie de faire. Y’a une barrière incroyable, on penserait que deux vrais bons chanteurs pourraient chanter une toune d’un pas si bon chanteur, mais non. C’est une autre école. On a ri. On a vraiment ri.
Le chien du DJ est venu nous voir, mais on ne l’a pas flatté. Dans le fond, on décide jamais vraiment où on s’assoit ni qui on touche. Dans un bar ghetto d’Hochelaga ou avec sa musique.
*********
Le lancement de l’albumYūgen aura lieu vendredi le 12 janvier à la Sala Rossa. Détails ici.
Prévente: 10$ – comprend un copie numérique du nouvel EP Yūgen directement à l’achat du billet
Porte: 15$
Billets en vente ici.
Nouvel EP disponible ici.
Présenté par URBANIA Musique. Allez suivre notre page, y’a des choses le fun qui se passent là-bas!