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J’ai fait de la musique toute ma vie, mais jamais de façon professionnelle. Je n’ai pas eu la discipline et, il faut le dire, quand on veut être musicien dans la vie, faut se donner corps et âme, sinon laisse faire ça, tu joueras la fin d’semaine pis c’est ben correct.
Mais y’a 2 ans j’ai découvert un endroit fantastique qui m’a redonné le goût de m’investir dans la musique. C’est la Casa Obscura.
La Casa, c’est un atelier d’artistes qui existe depuis plus de 20 ans. C’est un lieu privé où transige toute sorte de monde, entre autres les meilleurs musiciens de Montréal, j’te l’jure. J’y ai rencontré des gens extraordinaires, avec qui j’ai joué d’la musique de malade, indescriptible, et ce, des nuits durant. On le fait encore et on le fera toujours. Les moments de grâce que j’ai vécus dans cette place, dans ma vie y’a absolument rien qui accote ça.
Et puis bon, ça m’a inspiré beaucoup.
Alors voilà, une ode aux musiciens.
Mes amis musiciens, je vous lève mon chapeau. J’échapperai pas votre maigre cachet qui s’y trouve à l’intérieur, promis. C’est vrai qu’vous êtes les artistes les plus pauvres de la société, mais vous êtes riches en tabarnak. Vous aimez c’que vous faites, c’est pour ça que vous acceptez souvent de jouer pour des pinottes. Vous devriez pas, mais c’est pas moi qui va vous l’dire, c’est la Guilde! Haha! C’t’une joke! T’a pognes-tu, la Guilde, c’est une joke.
Vous êtes riches, que j’disais. Vous êtes capables de faire rire vos instruments, vous faites vibrer mes cordes sensibles. C’est impressionnant d’vous voir œuvrer avec une telle facilité, comme si votre instrument n’était qu’une prolongation de votre corps et de votre pensée, un (pipe) organe vital de plus, qui fonctionne tout seul, sans même que vous y réfléchissiez.
Tout c’que vous exprimez sur votre instrument, c’est des couleurs que j’avais jamais vues avant. Vous êtes même capables de faire des motifs. À grands coups de pizzicato, ou de pédale, vous me faites imaginer les plus beaux tableaux. Et vous réussissez à vous renouveler sans cesse.
Vous exprimez tellement avec pas de mots, que j’me demande pourquoi vous trouvez pas ça super plate, parler.
Non, mais c’est vrai, est-ce que ça vous arrive, quand vous vous chicanez avec votre blonde ou votre chum, d’être incapables d’exprimer c’que vous ressentez pis d’vous dire que ce serait ben plus facile si vous pouviez juste y blower un esti d’gros solo d’sax dans la gueule?
J’aime tellement ça vous regarder jouer. D’une part parce que vous jouez, justement (pas toujours juste, mais on s’en fout). Vous vous amusez, vous vous faites des jokes de musiciens en plein milieu d’une toune, et vous vous gênez jamais pour sourire.
Et aussi parce que vous changez de personnalité on dirait.
Quand vous jouez, vous êtes focus. Tout à coup, vous n’avez plus aucun scrupule, c’est comme si vous êtes tous nus. Votre corps ne vous appartient plus, vous vous en libérez et vous laissez simplement la musique couler à travers vos veines. C’est là que tous vos tics ressortent pis j’ai du fun en esti à observer ça. Des haussements de sourcils opinés, des grimaces, du mordage de lèvres, des balancements louches qui pourraient crissement vous amener à l’asile si c’était pas justifié par l’instrument que vous tenez entre vos divines mains.
Vous maîtrisez le lyrisme, sans jamais tomber dans le quétaine. Et même le quétaine, vous lui redonnez ses lettres de noblesse. Vous avez un tel pouvoir sur l’esprit des gens, c’est incroyable. Vous pouvez les faire danser comme pleurer. Le gouvernement vous envie sans doute.
Vous avez du time comme ça s’peut pas. Vous vous trompez d’notes? Pas grave, la toune must go on, on lâche pas l’time, jamais. Et vos rythmes sont parfois ensorcelants. Vous réveillez la sensualité chez les gens, vous pouvez être sexy sur un moyen temps. Vous créez du “oumpf” et procurez carrément des orgasmes artistiques et des transes.
Vous composez même des tounes pour fourrer pis toute.
J’admire beaucoup votre discipline et votre acharnement. J’me dis que ça prend quand même une bonne dose de courage pour passer plusieurs heures par jour, seul avec un instrument. Des fois j’imagine vos combats, votre persévérance à réussir cette petite calisse de mesure-là. Vous avez réussi j’en suis sûre, parce que vous êtes fucking bons.
Oui je sais, comme n’importe quel artisan, vous vous faites remplacer peu à peu par des DJ, qui sont payés 100 fois votre salaire. Y’a pu grand monde pour recruter un Big Band pour son mariage. Des fois, vous êtes obligés d’faire des gigs qui vous tentent plus ou moins, déguisés en Oscar dans Tintin, devant l’allée des pommes Jazz chez Loblaws. Qu’est-ce tu veux, c’est la vie!
Ça vous empêche pas d’être un genre de service essentiel dans notre société. On aura toujours besoin de musique, d’la vraie, jouée par du vrâ monde. Parce qu’y’a pas un tabarnak de DJ au monde qui arrive à la cheville de l’émerveillement qu’on peut ressentir à la vue de virtuoses comme vous, mes chers amis musiciens. D’ailleurs, vous êtes les seuls à pouvoir vous targuer de ce valeureux titre “la virtuosité”.
Vous êtes pas mal sharp.
Je vous souhaite de continuer à nous éblouir et de remplir nos cœurs de félicité, comme vous savez si bien le faire. Tout est encore à créer, c’est ça qui est beau de la musique, c’est que les possibilités sont infinies. Les seules choses qui finissent, c’est les tounes. La mienne est finie, j’vous laisse sur une tierce de Picardie parce que j’trouve ça drôle en esti.
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Pour lire un autre texte de Mad Amesti : “Aventure de bouffe à St-Léonard”
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