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Montreal Oi! Fest : incursion dans le monde des skinheads montréalais
Si je vous parle d’un festival mettant en vedette des groupes tels que Warrior Kids, Chron Gen, Legion 76 et Alternate Action, ça vous dit quoi ? Pas grand-chose ? C’est bien normal puisque pour le commun des mortels, la musique oi !, le punk rock des skinhead, est relativement méconnue. Or, à Montréal, on retrouve de nombreux adeptes de ce genre.
Pour la septième fois en autant d’années, durant le week-end de la Saint-Patrick, la Coopérative Katacombes accueillait le Montreal Oi ! Fest, cette espèce de pèlerinage annuel pour personnes chauves qui trippent bottes de cuir, bière et classe ouvrière.
Montréal, La Mecque des skinheads canadiens
Aussi surprenant que ça puisse paraître, Montréal occupe une place importante au sein de la galaxie skinhead en Amérique du Nord. C’est certainement la scène la plus imposante au Canada dans le genre, mais probablement la plus claire politiquement.
Ici, vous ne verrez pas de croix gammées ni de fanatiques de l’Allemagne nazie. Dans la métropole, les crânes rasés sont antiracistes et antifascistes et bien malheureux serait celui qui essaierait de les convaincre du contraire.
C’est que comme leurs ennemis jurés qui se cantonnent à l’extrême droite, les skinheads antiracistes ont un faible pour la violence et la culture de bandes. À une exception près, à la place de diriger cette violence vers les immigrants ou les personnes de la communauté LGBTQ+, ils préfèrent avoir comme cibles fascistes, néonazis et autres racistes de tout acabit.
« Non seulement la scène skinhead montréalaise est sans ambiguïté face à la question du racisme, mais il existe également une cohabitation harmonieuse entre les différents crews qui la compose, c’est-à-dire entre les éléments politisés à gauche et ceux qui s’intéresse à la culture sans afficher de position politique », souligne Chloé, une skinhead girl de la métropole. « Il n’y a pas beaucoup de villes dans le monde où une telle unité existe », ajoute celle qui se targue d’avoir assisté à toutes les éditions du Oi ! Fest depuis ses débuts.
Oi ! Oi ! Oi !
Riffs punk, batterie lente, chant particulièrement agressif avec beaucoup de chœurs, voilà qui pourrait décrire le style musical qu’est la oi ! Ce sous-genre du punk est reconnu pour ses paroles faisant l’apologie de la classe ouvrière, de l’irrévérence de la jeunesse, du mode de vie skinhead et de la haine de la police, le tout avec des refrains rappelant les chants de supporters de soccer.
Le concept du Montreal Oi ! Fest est le même chaque année. 10 bands, dont une majorité provenant de l’extérieur de la ville, sont à l’affiche. Cette année, on avait droit à 3 groupes locaux, 4 groupes américains, un groupe britannique, un groupe de France et un groupe de l’Ouest canadien.
Si j’ai particulièrement apprécié les prestations de Legion 76 et Battalion Zośka, deux bands de Philadelphie, ainsi que celle d’Alternate Action qui effectuait un retour sur scène après une bonne décennie de pause, j’ai été un peu plus déçu de celle des vétérans de Warrior Kids.
A way of life
Si pour plusieurs, le passage au sein d’une contre-culture est surtout une affaire de jeunesse, ça ne semble pas être le cas pour les skinheads, du moins si on se fie au Montreal Oi ! Fest. « À 31 ans je suis dans les plus jeunes dans la place, c’est ça la beauté de cette fin de semaine là ! » explique Mathieu Stakh, qui se considère comme skinhead depuis 16 ans.
Le Montréalais, un habitué du Oi ! Fest, poursuit : « Ce que j’aime, c’est de voir des têtes rasées blanches, mais avec un gros sourire d’enfants qui sont fous comme de la marde d’entendre une toune qu’ils n’ont pas écouté depuis 20 ans. » En effet, si la moyenne d’âge devait osciller autour de 35 ans dans la salle de spectacle, on pouvait toutefois retrouver des spectateurs de 18 à 65 ans parmi les quelque 300 personnes venues assister au festival.
Pour Karl, membre des groupes locaux King Cans et Force Majeure tous deux à l’affiche du Oi ! Fest cette année, « être skinhead, c’est être conscient que tu es de la classe ouvrière et que la personne qui te paie ton salaire touche en un mois ce que tu fais en une année », même si « en surface, c’est d’abord une question de look et de musique. »
Party de famille
La scène skinhead demeure, somme toute, plutôt marginale, qu’elle soit de droite ou de gauche. Cela fait en sorte que la plupart du temps, dans une même ville, tout le monde se connaît. Ce phénomène s’applique aussi, dans une moindre mesure, au niveau international.
Le Montreal Oi ! Fest et d’autres événements du genre qui rassemblent des gens d’un peu partout dans le monde prennent donc souvent des airs de party de famille. Les gens y viennent parfois davantage pour cet aspect que pour la musique. On fraternise, on se raconte de vieilles histoires, on prend des nouvelles des autres et on s’enivre. S’il y a bien une chose que les skinheads aiment par-dessus tout, c’est la bière !
Au final, la fin de semaine dans son ensemble a été incroyable, de l’ouverture des portes jusqu’à la bière du dimanche après-midi servant de cure à la gueule de bois du week-end, en passant par les afterpartys. Même si ce n’était pas de tout repos, j’ai déjà hâte à l’année prochaine pour un autre de ces skinhead wonderlands !