Montréal en bataille

Des vitres fracassées, des biens publics détruits, abîmés. Des manifestants tabassés, poivrés, plaqués au sol. Le compte Twitter du SPVM qui excelle dans les communications, Youtube qui se remplit de vidéos violentes où l’on voit des jeunes remplis d’espoir se faire claquer la gueule. Que se passe-t-il et qui doit-on blâmer?

Je suis né à Montréal et j’y ai grandi. J’adore ma ville et je la trouve jolie. Je considère qu’elle n’est pas mieux, ni moins bonne, qu’aucune autre ville québécoise. Elle n’est pas parfaite mais je m’y sens bien et en 26 ans, jamais je ne l’avais vue aussi agitée. Ce qui se passe présentement me fait rager, comme à peu près tout le monde.

J’enrage à cause des casseurs et aussi à cause des policiers qui manquent de sang-froid.

Commençons par les casseurs.

Vous brisez des vitres de banques, vous renversez des cônes et des poubelles, vous vandalisez ma ville. C’est violent et agressif. Vous dites que c’est moins pire qu’ailleurs. Je vous réponds que ce n’est pas ailleurs qu’on vit, mais bien ici. C’est vous et moi qui payons pour votre “démocratie directe”. D’ailleurs, elle est où la démocratie quand vous êtes une centaine à accepter vos gestes alors que des milliers refusent de les cautionner?

Vous dites que la casse est nécessaire et qu’elle fait progresser la cause en coûtant de l’argent au gouvernement (et aux contribuables) qui se verra donc dans l’obligation de trouver une solution rapidement pour que ça cesse. Malheureusement, ce que vous semblez oublier, c’est que le gouvernement possède les moyens nécessaires et quasi illimités pour répondre à la force. Chaque coup que vous donnez vous sera remis dix fois plus fort et ce, jusqu’à ce que vous perdiez, malheureusement. C’est vraiment frustrant mais c’est la réalité.

Depuis le début du conflit, plus la force est employée de notre côté, plus le gouvernement recule. A-t-on vraiment besoin de le faire reculer encore plus? À la base, il est déjà très très loin derrière l’époque actuelle, nul besoin de lui signifier par des gestes barbares.

Les dirigeants veulent nous faire converser dans une langue qu’ils se sont appropriés il y a longtemps et nous nous devons d’y répondre par notre propre langage de paix jusqu’à c’qu’ils s’y conforment. Ça fait partie d’une des étapes dans le but d’être “plus brillants qu’eux autres”.

Oh, aussi, les chasseurs de casseurs, justiciers-improvisés-répondant-à-la-violence-faite-à-du-matériel-par-l’agression-physique-sur-une-personne, avez-vous besoin d’un dessin ou ma phrase est assez claire pour vous faire comprendre que vous êtes encore plus caves que ceux que vous trouvez caves?

Cela dit, chers amis, parlons de la police maintenant. J’ai beaucoup de fascination pour le métier, beaucoup de respect pour les policiers mais ce que je vois dans les rues me dépasse. Déclarer une manifestation illégale après 10 minutes et demander aux gens de partir en les prenant au piège, c’est lâche. C’est stupide aussi. Comment s’en aller d’une manif si on est encerclé? Aux dernières nouvelles, personne n’est capable de se pousser d’un lieu en ligne droite par en haut, comme le monde dans Dragon Ball ou Sailormoon.

Aussi, quand vous foncez sur nous avec vos boucliers, vos matraques et votre armure, on comprend. Des fois, certaines personnes tombent et tout ce que vous trouvez à faire, c’est de les frapper et de vous jeter dessus comme s’ils représentaient une menace. Je le sais parce que je l’ai vu et que Youtube est rempli de vos bavures.

Votre job, corrigez-moi si je me trompe, est de disperser les gens, pas de les écraser. J’ai vu une jeune fille d’environ 120 livres se faire pilonner par 3 agents et leurs boucliers devant la Grande Bibliothèque. Elle débarrait son vélo à 20 mètres de vous quand vous avez décidé de charger. Résultat : la yeule en sang, couchée sur son vélo, elle criait “arrêtez”.

Là où la loi dicte qu’il s’agit de “force nécessaire”, le commun des mortels voit de l’abus et un manque de jugement. À quand des explications, un point de presse, un compte rendu? Je crois que le SPVM se doit d’informer la population, à travers un communiqué très simple, de la marche à suivre lors d’une manifestation pour ne pas se faire traiter comme une vulgaire bête que l’on veut voir retourner à l’abattoir. Je veux bien que vous puissiez faire votre travail, mais je crois qu’il n’y a pas de place pour la colère derrière vos casques renforcés.

Vous êtes tannés, fatigués et frustrés mais vous êtes payés. Nous sommes frustrés, tannés, sans défense et sans malice, pour la grande majorité.

Heureusement, la situation semble s’être améliorée. Jeudi soir, les manifestants aidaient les policiers à trouver les casseurs en se dispersant rapidement lorsqu’il y avait acte de casse. On pouvait aussi voir des jeunes échanger avec la police qui encadrait la marche. J’en ai même fait rire quelques-uns en me plaçant devant eux et en leur demandant de se “coller plus” pour qu’ils puissent tous rentrer dans ma photo. Mention honorable aussi au SPVM qui communique de l’information sur les manifs de façon excellente sur son compte Twitter (@SPVM), tout en répondant le mieux possible aux questions lui étant posées.

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Après réflexion, je me suis demandé quel était LA chose qui me dérangeait le plus depuis le début du conflit et je crois que rien ne bat le cynisme des gérants d’estrades n’ayant jamais mis le pied à Montréal pour la voir souffrir. Ce qui se passe ici est historique. Si ça vous dérange de le lire ou de le voir à la télé, imaginez ce que c’est de le vivre quand ça se passe à 800 mètres de sa propre maison, dans la ville qui vous a vu grandir. Imaginez un instant que les rues qui composent la majeure partie de vos meilleurs souvenirs se retrouvent remplies de violence et d’abus.

J’ose espérer que vous seriez plus respectueux de la cause et des gens qui la portent sur leurs épaules.

En espérant que les prochaines manifs se dérouleront dans le calme et non l’oppression. En espérant que les policiers se tanneront que Charest les utilisent pour sa guerre civile. En espérant que ce soit tout le monde, rouge ou vert, qui comprenne que nous en avons plus qu’assez de la corruption, du mépris et de la mauvaise gestion du fruit de la sueur de notre front.

En attendant, moi j’espère qu’un jour j’vais vraiment être capable de me pousser d’un lieu par en haut, en ligne droite. C’est quand même fucking nice.