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Montréal dans l’assiette du plus célèbre critique gastronomique de France

François-Régis Gaudry, co-animateur de « Top Chef France », déclare son amour à la « gastropole » québécoise.

Par
Billy Eff
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Béat et souriant comme une écolière, me voici dans le hall froid et bruyant du foyer de la Place des Arts. J’attends ce moment depuis plus d’une décennie, accroché comme plus de deux autres millions d’auditeurs à l’émission de radio française On va déguster. Dedans, François-Régis Gaudry et son équipe se concentrent sur un aliment, une recette, un chef ou un lieu qu’ils décryptent au maximum en une heure, du jardin à l’assiette.

Celui qui a déjà reçu à son micro des stars de notre gastronomie locale, comme Martin Juneau, ou encore notre Ricardo national, a fait le déplacement jusqu’au Québec pour un enregistrement public dans le cadre du festival Montréal en lumières accompagné au micro de Simon Mathys, chef du restaurant Mastard, et de Geneviève Vézina-Montplaisir, du magazine spécialisé Caribou.

On a attrapé l’animateur entre deux agapes pour qu’il nous parle de Montréal, tel qu’il l’imaginait auparavant et qu’il la conçoit aujourd’hui.

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Découvrir un nouveau Montréal…

« On commence à comprendre, depuis quelques années, qu’il se passe vraiment quelque chose à Montréal », explique celui qui anime On va déguster depuis ses débuts, il y a 12 ans. Incidemment, cela fait aussi 12 ans qu’il n’a pas planté sa fourchette dans un restaurant québécois.

Il faut dire que les choses ont pas mal changé, depuis : la plupart des établissements qu’il a pu visiter à l’époque ont fermé, nos menus se sont végétalisés et le vin nature a eu le temps de vivre un cycle de clout complet. De son côté, Gaudry est devenu l’un des journalistes culinaires et critiques gastronomiques les plus influents de la France en plus de co-animer l’émission à succès Top Chef France.

« À Montréal, il y a un cosmopolitisme qui fait qu’on trouve des spécialités étrangères vraiment super »

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De retour en terre montréalaise, Gaudry a plutôt entamé une tournée des adresses classiques. « On a vraiment fait la carte postale, mais moi j’assume! On est allé chez Schwartz’s, évidemment, pour un smoked meat, on a comparé les bagels de St-Viateur et Fairmount. On est aussi allé à la Banquise, et puis un tout petit restaurant de travailleurs: la Binerie Mont-Royal. »

Bon, un line-up assez touristique, mais rassurez-vous, il s’est aussi aventuré à l’extérieur des sentiers classiques. Entre autres, le critique s’est pris de passion pour les bières artisanales et le club sandwich « tout simple et bien fait » du Harricana, dans le Mile-Ex, mais aussi pour le filet de cerf maturé et grillé au barbecue « absolument extraordinaire ».

Cela fait d’ailleurs partie de la démarche de François-Régis Gaudry, qui ne tente pas de retrouver des saveurs françaises lors de ses périples, mais plutôt de s’intéresser aux communautés locales et à leurs cuisines, traditionnelles ou métissées.

« Quand je visite une ville, j’essaie d’en découvrir tous les aspects. À Montréal, il y a un cosmopolitisme qui fait qu’on trouve des spécialités étrangères vraiment super, il y a une vraie influence italienne qui est très intéressante. Montréal est aussi réputée pour sa communauté chinoise et vietnamienne. Pour moi, il y a trois volets quand on découvre une ville: les adresses ‘institutionnelles’, celles plus créatives, comme le Mastard, et puis après, j’adore toutes les cuisines étrangères! »

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Un amour qui transcende l’océan

Au fil de notre discussion, j’apprends que c’est notamment grâce à Instagram que les foodies d’outre-Atlantique suivent de loin ce qui se trame chez nous. François-Régis Gaudry confie d’ailleurs qu’après avoir publié sur la plateforme des photos de l’un de ses repas, il a été assailli par des chefs et acteurs du monde gastronomique français lui demandant si la hype autour de la scène gastronomique montréalaise était réelle et validée par le Big Boss lui-même.

« Ce qu’il y a de magique, c’est que grâce à internet, les chefs français sont connectés au monde entier et peuvent échanger, trouver des inspirations, et avec Montréal il n’y a pas de barrière de la langue », se réjouit le gastronome.

C’est l’emphase sur la (re)découverte de nos produits locaux et le désir des chefs de les sublimer qui plaît tant au journaliste culinaire. Les ingrédients, leur histoire et notre manière de les transmettre, avec toujours ce désir d’abordabilité et de transmission, font la magie de notre scène gastronomique.

« C’est très appréciable, qu’il y ait une décontraction et une convivialité. »

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« C’est très appréciable, qu’il y ait une décontraction et une convivialité. Et en même temps, j’ai observé que ce lien direct avec le client, il vient avec une vraie expertise. Par exemple, le niveau des sommeliers, dans les endroits qu’on a visités, est vraiment excellent. Même si le vin n’est pas forcément un patrimoine très ancien ici, du coup les gens qui s’occupent du service du vin ont vraiment travaillé dessus. »

Il évoquera plusieurs fois au cours de notre entretien le gâteau de topinambour, le sabayon au poivre, l’estragon ou encore le doré de lac, poisson peu commun dans l’Hexagone et prisé par les pêcheurs du Québec. Ayant bien documenté l’essor de la Nouvelle Cuisine Nordique pour le public français, Francois-Régis Gaudry abonde dans le même sens que le chef étoilé suédois Magnus Nilsson, qui me révélait il y a quelques années voir la gastronomie québécoise comme étant nordique, ou du moins nordiste, voire boréale.

« J’observe des choses dans le travail des produits sauvages, des gibiers, des produits de la mer. Ils ont beaucoup de goût, ce qui est dû à la qualité de l’eau du Saint-Laurent qui est très froide », dit-il avec des yeux qui pétillent lorsqu’il évoque les crevettes de Matane, les pétoncles des Îles-de-la-Madeleine ou le homard gaspésien.

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Partir pour mieux revenir

Habitué aux voyages « saut de puce », comme il les appelle, le journaliste n’aura été à Montréal que quelques jours, mais sera malgré tout subjugué par le repas à quatre mains préparé par Romain Meder, trois macarons Michelin au Plaza Athénée, et le chef Simon Mathys pour Montréal en lumières.

« Si je fais de petits séjours, c’est une façon d’en garder un peu pour revenir. »

Concernant la ville en elle-même, il ne lui en fallut pas plus pour laisser tomber son verdict et, tout comme plusieurs de ses pairs d’à travers le monde, réaffirmer Montréal comme une « gastropole » se joint à qu’il ne faut absolument pas perdre de vue. Il repart d’ailleurs avec une valise remplie de ses découvertes alimentaires, notamment le sumac québécois qui l’a pris par surprise, des épices des légendaires De Vienne et bien entendu, quelques bières de micro!

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« Si je fais de petits séjours, c’est une façon d’en garder un peu pour revenir. Je n’étais pas venu à Montréal depuis longtemps, j’ai vraiment trop tardé, regrette François-Régis Gaudry. Mais j’ai vraiment la nécessité de revenir […] parce que je sais qu’il y a autre chose à explorer. Ça m’arrive avec très peu de villes. »