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Mon profil droit, celui que vous ne voyez jamais

Et celui qui me rappelle que la vie c'est pas toujours rose.

Par
Kim Lizotte
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C’est l’été, je fais des shows, j’écris, je décore mon appart, je travaille comme une folle et je m’amuse.

Soudain, je sursaute : mon billet URBANIA ! Je dois écrire quelque chose, bordel !

La saison estivale est une période creuse où l’on n’écrit pas de grande littérature. Et où on n’en lit pas non plus. C’est peut-être bien, d’ailleurs. Trop de gens oublient parfois de vivre. Vivons mes amis, vivons ! Sautons dans un bol à punch rempli de sangria royale!

Dans ma banque d’idées

Donc, pour m’inspirer, j’ai agrippé mon iPhone, appuyé sur la touche « Notes », là où, en pleine nuit, telle une fille possédée, je couche mes pensées, mon inspiration soudaine, mes idées farfelues et où je passe, parfois, ma détresse psychologique et mes grandes euphories. Donc, en voilà une, de ces notes-là !

Voici ma note « Réponse à ceux qui me demandent pourquoi sur les photos, j’affiche toujours le même profil, le même sourire, le même côté gauche. »

Parce que. J’aime mon profil gauche.

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L’œil ouvert, vif, éveillé, le sourcil droit, le nez fin, la bouche pulpeuse avec une rangée de dents bien droite. Mon côté gauche, celui qui rayonne, celui qui transpire la joie, l’allégresse… celui qui fait rire, qui attendrit, qui charme, parfois.

Mon côté droit, je le garde pour moi. Ou pour toi. Toi qui vois au-delà de mon côté ingrat.

C’est comme si les marques de mon passé ne s’acharnaient que sur un seul côté de mon visage, pour en épargner l’autre. Comme si Dieu m’avait dessiné une face, voulant qu’on voie bien mon côté lumineux et mon côté sombre, tout de suite, sans avoir à poser de question. Un visage qui dévoile d’emblée tous mes paradoxes, qui fait toute ma transparence et lève le voile sur mes expériences de vie.

Mon profil droit

Une cicatrice traverse mon sourcil. Blessure due à 8 points de suture. Ça durcit mon regard, fait tomber ma paupière, on voit ma fatigue et ma colère passer dans le fond de mon œil bleu vert. Mon œil amoché, qui en a trop vu, qui a trop pleuré, celui qui a tout encaissé. Les jours de travaux acharnés. Les deuils, les départs, les nuits trop courtes, les longs silences.

Dans mon œil droit se révèlent à la fois une femme trop forte et une petite fille qui tremble, au moindre coup de vent.

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Le nez pointu, à pique, sévère, mais frondeur. Une bouche qui sourit vers le bas, les dents de travers. Une grosse joue surmontée d’une mâchoire carrée, solide, droite, résistante, presque masculine, prête à écoper. Mon côté droit, celui qui est là pour tous les jours où je mange des coups.

Parce qu’il y a de ces jours…

Il y a de ces jours où on se sent laide. Même lorsqu’on est bombardé de compliments. On aura beau me couvrir de flatteries, la haine elle, reste collée à ma peau blanche.

Il y a de ces jours où on ne voit que le laid en soi, ce qui est tout croche, ce qui ne marche pas, tous ses travers et ses côtés maladroits, y’a de ces jours où on ne voit que son profil droit.

Il y a de ces jours où notre mauvais profil trahit notre fausse joie. Le fait qu’on est une supercherie, une fraude, une erreur, un imposteur…y’a de ces jours où rien ne se cache, où tout ce voit.

Il y a de ces jours qu’on n’est pas si belle, pas si bonne. Qu’on n’est pas si aimable, si magistrale, si grande. Ces jours où on fait semblant. Il y a de ces jours où tout est trahi par ce côté maladroit, où on se sent nue, quand tout le monde s’en aperçoit.

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Il y a de ces jours où l’on voudrait être quelqu’un d’autre, se demander à qui la faute, sans avoir à se pointer du doigt. Il y a de ces jours où l’on voudrait sortir de sa peau. Il y a de ces jours où l’on se promènerait caché derrière ses lunettes, coiffé d’un chapeau.

Il y a de ces jours où nous ne sommes pas drôles. Il y a de ces jours où on force un sourire sur son profil gauche.

Il y a de ces jours qui nous ramènent à nous. Il y a de ces jours où on ne sait plus vers quoi on court. Il y a de ces jours où on ne sait plus ce qu’est l’amour.

Il y a de ces jours où on voudrait se cacher dans un trou. Dormir des heures, longer les murs jusqu’à se convaincre qu’on est devenu fous.

Il y a de ces jours où le mauvais l’emporte, où le disgracieux ressort. Il y a de ces jours où le mauvais côté prend toute la place et s’étend comme une tumeur au visage. Ces jours où on ne se sent pas assez. Ni adéquat. Ces jours où on est si déçu de soi. Et qu’on se demande à quoi ça sert tout ça. À quoi bon garder la cadence quand dans le vide, on se dirige tout droit.

Il y a de ces jours où on ne veut plus être soi.

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Il y a de ces jours où on accepte d’être battue, knock-out, immobile, au matelas.

Il y a de ces jours où l’on prendrait toutes nos décisions à pile ou face.

Il y a de ces jours où la vie nous glisse entre les doigts et nous échappe.

Il y a de ces jours où l’envie de partir et d’abandonner nous rattrape.

Il y a de ces jours où la vieillesse frappe alors qu’on se sent aussi démuni qu’un enfant. Il y a de ces jours où on sent le poids des siècles qui nous précèdent. Sachant que ce n’est pas nous qui feront la différence sur ceux à venir.

Il y a de ces jours où on perd pied dans sa quête vers la réussite. Il y a de ces jours où on a l’impression que le monde entier nous trouve inutile.

Il est là mon côté sombre, mes jours de pluie, mes nuits blanches. Mon côté droit, ma paupière lourde, mon regard triste et froid, telle une espionne russe en pleine mission qui s’apprête à tuer pour la première fois.

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Ce côté-là, sinistre et sombre, je le garde pour toi. Car celui qui profite de ma lumière ne m’aimera véritablement qu’en sachant regarder au fond de mon œil droit.

À toi.

Alors voilà, les fables nocturnes de mon iPhone. Ceci dit, ces temps-ci, mon profil gauche s’en donne à cœur joie ! Ce qui explique probablement le syndrome de la page blanche des derniers temps…