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Mon année à la télé

Par
Philippe Lamarre
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Qu’on se rasssure, Christiane Charette a beau être en sabbatique, elle ne s’est pas éloignée de la télévision pour autant. On peut même dire qu’elle s’en est rapprochée. Pendant la dernière année, la célèbre intervieweuse a photographié son écran cathodique. Exercice de style, analyse sémiotique ou simple hobby devenu une passion irrépressible? Elle-même se questionne sur ses motivations profondes.

Une chose est certaine, avec plus de 35 000 photos, cette expérience aura fait d’elle une apôtre du logiciel iPhoto, une application que “même un singe pourrait utiliser” dit-elle en rigolant. Voici une sélection de ses clichés du paysage télévisuel et des personnages qui le peuplent.

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Quand on est habitué d’être à la télé chaque semaine et que soudainement, on n’y est plus, ressent-on un grand vide? As-tu eu l’impression de “moins exister”?

Être à la télé, c’est un peu la preuve de notre existence: on se voit à l’écran et on se voit dans le regard des autres. C’est vrai qu’il y a quelque chose de perturbant dans le fait de ne plus y être, mais en même temps c’est libérateur et soulageant. Je vois ma sabbatique comme l’occasion de me redéfinir en tant qu’humain à l’extérieur de la sphère médiatique.

Es-tu capable de te regarder à la télé?

Je me le suis toujours imposé, car c’est essentiel pour s’améliorer. Mais c’est tellement pénible d’être confronté à tout ce qu’on n’aime pas de soi. La dernière année de C.C. en direct, je n’étais plus capable de me supporter!

J’ai déjà demandé à Marc Labrèche en entrevue s’il se regardait et il m’avait affirmé en être incapable. Si c’était à recommencer, peut-être que je ferais comme lui. Ça doit être extrêmemeent libérateur.

Parce qu’en se regardant, on devient trop conscient de son image?

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Non, non, non! Pas dans mon cas. Si j’avais absolument tenu à être en contrôle de mon image, je n’aurais jamais voulu faire du direct.

Tes photos sont-elles un hommage au média de la télé, une thérapie ou simplement un projet artistique?

Un peu des trois je crois. Quand j’ai décidé de prendre une sabbatique, mon chum m’a offert une caméra numérique et je me suis mis à documenter ma vie. Comme la télé y occupe une place importante, j’étais souvent rivée à l’écran des heures durant, à genoux en train de le photographier!

C’est comme si le cordon ombilical n’était pas coupé. Je sais que j’ai l’air folle quand je dis ça, mais c’est vrai. Je resssentais encore la vibration des réunions de production. J’imaginais leurs discussions à savoir quel invité devait passer avant qui. Je décortiquais tout. Ça me semble complètement irrationnel, mais c’était plus fort que moi. C’était comme voir l’envers du décor. Je comprends maintenant mieux le rôle du réalisateur, la mise en ondes. J’ai toujours eu le nez plongé dans le contenu et là, je découvre la forme, le contenant.

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J’ai aussi réalisé à quel point on s’expose. My God! On donne son image, on s’abandonne. J’étais là, à défigurer les gens, à faire des caricatures. Je n’ai pas l’habitude de ça. Je suis une intervieweuse! Voir à quel point on est vulnérable quand on est à la télé a amplifié mon blocage face à celle-ci. Mais comme tu peux voir, ça n’a pas amplifié le détachement.

Tu t’exposes beaucoup dans ces photos. On sent une réflexion par rapport à toi-même, à ce que tu as été à la télé et à ce que tu vas être. Tu te regardes à travers l’image des autres…

Tu viens de verbaliser quelque chose que je ressens. Je me cherche à travers ça, c’est un questionnement sur qui je suis. Tu as tout dit. J’espère que tu l’as enregistré!

Interview par Philippe Lamarre