Comment faire une chronique musicale ce mois-ci sans parler de l’histoire foisonnante et épique de la musique noire? Depuis 1976, février célèbre les racines, la culture et l’excellence noire. Cette liste n’est pas un concours de popularité et je suis sûrement passé par-dessus de gros classiques qui auraient mérité une mention. Les possibilités de la musique noire sont infinies; ses facettes sont multiples et quand on s’y attarde un peu, on se rend compte qu’il y a beaucoup à raconter. La sélection qui suit est un minuscule échantillon de pièces vibrantes et cruciales, les premiers pas d’une aventure musicale que je vous invite fortement à entreprendre avant que mars ne se pointe le bout du nez.
Chevalier de Saint-Georges — Les concertos pour violon
Quelque part au milieu du 18e siècle, un escrimeur, figure active de la Révolution française et fier abolitionniste compose d’exquis concertos pour violon. Joseph Bologne de Saint-Georges, Guadeloupéen d’origine naturalisé français, bouscule les conventions voulant que la musique classique appartienne aux blancs. Né esclave, affranchi en foulant pied à Paris, se hissant colonel du premier régiment noir d’Europe, l’émancipation de Saint-Georges est marquée par la vie militaire. Sa carrière musicale n’en rayonne pas moins. Son talent le conduit aux portes de l’Académie Royale de Musique, que le racisme de cour tient malheureusement fermées.
The Staple Singers — Wade in The Water
J’ai choisi la version des Staples Singer, mais cette pièce de spiritual américain prend racine bien avant les années 50-60. Le spiritual, élaboré par les esclaves, est dominé par des airs qui au premier coup d’oreille expriment une foi bien chrétienne. En s’y penchant un peu, Wade in The Water raconte une autre histoire. La chanson de tradition orale (dont la première instance répertoriée date de 1901) utilise les symboles bibliques pour indiquer aux esclaves fugitifs comment s’échapper et survivre. L’ancêtre du gospel pullule de ce type de morceaux dont le sens profond fut littéralement vital pour la communauté afro-américaine.
Roy Ayers — Holiday
Les chansons sur Martin Luther King fourmillent. J’aurais pu, par exemple, parler de I Have A Dream, de Common. Mais ce qui m’intéresse ici, c’est le chapelet de chansons qui abordent spécifiquement Martin Luther King — le jour férié. Peu après la mort de l’activiste américain, des pourparlers ont lieu à la Maison-Blanche pour instaurer une journée nationale. Pendant les années 70, la discussion s’intensifie. La scène musicale afro-américaine s’éprend du débat. Stevie Wonder sort l’historique Happy Birthday en 1981. Moins connue, Holiday est un smooth funk signé par l’un des plus grands vibraphonistes américains, en faveur du MLK day.
Yvonne Chaka Chaka — Umqombothi
Oubliez TGIF de Katy Perry. La grosse toune du vendredi, c’est Umqombothi, un hymne sud-africain d’Yvonne Chaka Chaka à l’honneur d’une bière de maïs de malt et de sorghum, fierté locale bue lors d’événements spéciaux qui ont parfois une connotation spirituelle. Si la chanson se retrouve sur cette liste, c’est tout simplement que son nom revient sans cesse sur les palmarès de musique africaine. Même au-delà des frontières de l’Afrique du Sud, le refrain accrocheur et absolument gai a su se faire des adeptes. La chanson fut d’ailleurs en partie popularisée grâce à sa présence dans le film Hotel Rwanda.
Golden Sounds — (Zangaléwa) Zamina mina
Avant qu’elle ne connaisse une gloire planétaire en étant reprise pour la chanson thème de la FIFA 2010 par Shakira, la chanson d’origine camerounaise était en fait un chant de milice, également utilisé chez les gendarmes, les scouts et les athlètes comme un air de ralliement, ou simplement pour donner la cadence à des marches et autres activités physiques. Zamina Mina est perçue comme un symbole de la résistance africaine contre les forces coloniales pendant la Deuxième Guerre mondiale, d’où l’imagerie militaire entourant le vidéoclip original des Golden Sounds, les premiers à avoir popularisé l’inoubliable mélodie en 1986.
Et au Québec?
Le fidèle lectorat de la chronique musicale du vendredi sait que j’y dédie toujours un clin d’œil à la belle province. Question de célébrer plus amplement l’histoire de la musique noire et parler de ce qui se passe ici, la prochaine chronique sera entièrement dédiée au Québec noir. Et comme si un seul coup de théâtre n’était pas assez, la chronique du vendredi sera désormais les MARDIS. Qu’est-ce qui vous attend le 12? Allez-vous en savoir plus sur Boule Noire ou sur Mélanie Renault? À suivre…