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Miser sur soi, ou comment atteindre le niveau de confiance de Grégory Charles

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Le vrai fléau se trouve à l’intérieur même de l’individu et prend de l’expansion à mesure que l’individu en rejoint d’autres pour former un groupe. Le vrai fléau, c’est la confiance en soi. Ou plutôt, le manque de, qui mène inévitablement à la déresponsabilisation des êtres, puis au chaos.

Un fait vécu, classique. Attention, ça fesse. Un groupe de collègues de bureau, pour se donner l’impression d’avoir une vie, se paye un voyage dans le sud. Pendant la saison des ouragans. L’agente de voyage les a bien avertis du risque mais c’est là qu’ils veulent aller, parce que la gang de la comptabilité y est allée l’année passée et que la jalousie, combinée à l’éclairage au néon, fait faire ce genre de conneries. Conditions météorologiques annoncées à 2 jours du départ : ben ben venteux. Les collègues déjà gréés en maillots depuis juillet partent quand même, sécurisés qu’ils sont par leur condition de groupe. Première nouvelle : ouragan. La secrétaire se prend un parasol en plein visage, le directeur des ventes se retrouve en speedo, emprisonné dans un cabinet de toilettes pendant 48 heures. Impossible de revenir, les avions ne décollent plus. Le cauchemar. Une fois de retour, les mêmes collègues, la mise en plis défaite mais toujours sécurisés par leur condition de groupe, s’empressent d’intenter une poursuite contre l’agente de voyage. Évidemment. Comme si la dame s’était rendue à l’aéroport le jour du départ pour les pousser un par un de l’autre côté du détecteur de métal. Déresponsabilisation, puis chaos.

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Le problème ici est dans l’individu. C’est le manque de confiance en soi qui fait que l’on se rallie à des groupes, pour ensuite se transformer en morons et blâmer les autres. Être morons en gang, c’est moins gênant. Élire des morons en gang, c’est moins gênant. Se faire fourrer en gang, c’est moins gênant que de se faire fourrer tout seul devant tout le monde. Si vous doutez, prenez la dernière phrase au sens littéral et comparez les deux images dans votre tête.

Pour ceux qui n’ont pas eu notre chance, à Grégory Charles et à moi, d’hériter d’une estime de soi béton, tout n’est pas perdu. Je vous offre ici quelques trucs afin de mieux miser sur vous, de prendre enfin des décisions pour vous, comme éviter un ouragan annoncé d’avance ou, je ne sais pas, placer un X dans une case appropriée.

• Choisissez d’exercer un métier sensé. C’est la base. J’entends par là un métier qui a été inventé au début des temps, parce qu’il était nécessaire au fonctionnement du monde. Infirmière, enseignant, pompier, épicière, troubadour, et tous leurs dérivés. Ça facilite le lever de comprendre pourquoi on se lève. Parce que, si vous avez choisi de faire une maîtrise en muséologie et que vous êtes devenu conservateur dans un musée, c’est-à-dire celui qui conserve les objets et les documents en bon état, ça ne va pas du tout. Vous avez la même définition de tâche que le musée lui-même. Et le concierge du lieu fait déjà votre job. Ne vous surprenez donc pas si votre confiance est à zéro et si vous avez envie de faire le fœtus dans un coin du musée plutôt que d’épousseter du papyrus. Retournez à l’école.

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• Ayez des idoles plus grandes que vous et choisissez-les par le potentiel qu’elles ont de ne pas vous décevoir. Bref, évitez de vous identifier à Tiger Woods, Lindsay Lohan ou Chantal Lacroix. La chute peut être brutale.

• Soyez vous-même et pour savoir qui est cette personne, revoyez les dessins que vous avez faits à la maternelle. Dépendamment de votre âge, jetez tous ceux qui mettent en scène des personnages de la Bible (ceux-là, vous avez été forcés de les faire) et concentrez-vous sur les autres. En plus d’y trouver qui vous êtes, il y a de fortes chances qu’il fasse souvent soleil.

• Évitez de répondre publiquement “C’est fait! J’ai voté!” lorsqu’un ami Facebook demande de voter pour sa cousine obèse dans un concours de mannequinat pour obèse. Croyez-moi, ces gestes ne sont pas suffisants pour vous bâtir un estime de soi et ni l’ami Facebook, ni la cousine ne déborderont de gratitude à votre égard. Dans cet exemple, vous n’êtes qu’un outil pour redonner confiance à la parenté de quelqu’un d’autre. Qu’en est-il de la vôtre?

Exercice pratique:

1. Votez pour la grosse cousine, par pure gentillesse.

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2. Gardez ça pour vous jusqu’à votre mort. Je sais, ce sera difficile.

3. Surtout, ne compensez pas le manque en allant écrire “Je te comprends tellement!” sous un statut de Véronique Cloutier en pensant qu’elle se souviendra de vous lorsque vous la croiserez chez Costco. Il se peut très bien que oui mais il se peut aussi que non, et alors vous retournerez dramatiquement à la case départ. En revanche, vous pouvez sans crainte la choisir comme idole à la place de Tiger. Elle est beaucoup plus fiable.

4. Participez vous-même à un concours. N’importe lequel. La meilleure omelette, si c’est là où vous excellez. Et demandez à vos amis de voter. S’il n’existe aucun concours que vous vous sentez susceptibles de gagner, inventez-le et inscrivez-vous-y. Car souvenez-vous : il n’y a pas de confiance sans fierté, et l’intégrité de sa provenance n’a aucune importance.

Finalement, ne prenez pas ces conseils trop personnel; ils ne s’adressent, enfin je l’espère, pas vraiment à vous. À moins que vous ne vous définissiez exclusivement par le groupe auquel vous appartenez. À moins que vous n’ayez récemment blâmé quelqu’un d’autre pour vous être fait défigurer par un parasol alors qu’on vous avait tellement prévenu qu’il s’en venait.

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