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Les minimaisons, au-delà du trip minimaliste

On risque d'en voir de plus en plus au Québec.

Par
Camille Dauphinais-Pelletier
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Un peu partout sur Pinterest ou Instagram, on trouve des photos de maisons miniatures absolument charmantes, où tout s’emboîte comme des blocs Tetris (et dont les occupants semblent posséder presque aucun objet personnel).

Leur esthétique minimaliste fait rêver. Après tout, qui n’aimerait pas avoir une maison qui coûte moins cher, qui contient juste le minimum, et dont le ménage se fait en 30 minutes maximum? Mais dès qu’on s’imagine vraiment habiter là, on se demande où est-ce qu’on mettrait notre linge d’hiver, nos livres et nos 20 types de thés différents (et combien de temps ça nous prendrait avant de faire une crise de claustrophobie).

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Crédit photo : Lenara Verle

On aura bientôt les réponses à ces questions, avec la construction d’un premier quartier de minimaisons en milieu urbain au Québec, qui devrait voir le jour cette année à Sherbrooke. Un quartier qui comptera un concept qui peut sembler surprenant : des minimaisons de deux étages, dans lesquelles les meubles ne sont pas rétractables et empilés les uns sur les autres.

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Une minimaison de deux étages entièrement meublée a fait fureur à l’Expo habitat Estrie en février dernier.

Parce qu’entre les tinyhouses de 300 pieds carrés (environ la taille d’une roulotte) et une maison avec garage double, il y a un monde de compromis. Par exemple, une maison de 750 pieds carrés. « C’est environ la taille d’une maison de vétéran construite au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale ou d’une maison ancestrale québécoise. Quand on pense à ces maisons, on n’imagine pas que c’est mini. Tout le mobilier conventionnel y entre facilement et on n’y est pas à l’étroit, même avec un enfant », affirme Guillaume Lessard, chargé de projet pour la firme d’urbanisme à but non lucratif l’Arpent.

Ça ne vous dit pas grand-chose, 750 pieds carrés? En guise de comparaison, la taille moyenne d’une maison en 1980 était de 2000 pieds carrés, et aujourd’hui, c’est de plus de 2500 pieds carrés. « C’est ironique, car les maisons sont de plus en plus grandes et les ménages sont de plus en plus petits », poursuit Guillaume Lessard.

L’avenir est mini?

En plus de coûter moins cher au propriétaire qu’une maison traditionnelle (les maisons du développement sherbrookois devraient coûter entre 105 000 et 140 000 $), une minimaison offre des avantages assez intéressants pour une ville, entre autres en permettant de créer ce que Guillaume Lessard appelle la « densification douce ».

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Le quartier projeté à Sherbrooke est particulier dans sa forme : il s’agira d’un secteur comportant juste des minimaisons, achetées avec un mode de propriété coopératif. Mais d’autres façons de faire sont possibles.

« Pour les municipalités, c’est démontré que c’est plus rentable que l’étalement urbain, puisque ça génère des revenus fonciers supplémentaires sans qu’elles aient à construire sur des milieux naturels ou agricoles et surtout, à entretenir de nouvelles infrastructures.»

On pourrait, par exemple, décider de construire une minimaison dans la cour d’un terrain déjà occupé par une maison. « On peut ainsi éviter l’étalement urbain en canalisant la croissance vers les quartiers existants au lieu de continuer à empiéter sur les zones vertes et les terres agricoles. Ce faisant, on augmente aussi la densité dans ces quartiers et si c’est bien fait, ça peut générer de nombreux bénéfices », soutient Guillaume Lessard. « Pour les municipalités, c’est démontré que c’est plus rentable que l’étalement urbain, puisque ça génère des revenus fonciers supplémentaires sans qu’elles aient à construire sur des milieux naturels ou agricoles et surtout, à entretenir de nouvelles infrastructures (aqueduc, égout, voirie, etc.). On optimise ainsi ces infrastructures coûteuses et on canalise les investissements vers les quartiers existants. »

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Une minimaison pour les vieux jours?

Dans le jargon des urbanistes et des architectes, quand on construit une minimaison dans la cour d’une autre maison, ça en fait une « unité d’habitation accessoire » (UHA). Les UHA ne sont pas nécessairement des minimaisons; elles peuvent aussi être un semi-sous-sol aménagé en logement ou une annexe latérale, par exemple. Dans tous les cas, elles permettent une densification modérée d’une ville, et elles pourraient favoriser la cohabitation intergénérationnelle…

Les retraités veulent vieillir dans leur quartier; les jeunes ont de la misère à s’acheter une maison et ont besoin d’aide avec leurs jeunes enfants. Mais qui a vraiment envie de partager son intimité avec ses parents? Par contre, s’ils habitent un beau pavillon dans la cour et qu’ils payent une partie de l’hypothèque… ça change la donne.

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Ottawa est en avance sur nous

Si c’est si génial que ça, comment ça on n’a pas déjà plein de minimaisons dans nos villes?

Eh bien, au Québec, en ce moment, c’est assez compliqué d’avoir une minimaison, notamment parce que le Code de la construction ne prévoit pas qu’on veuille construire des maisons de moins de 700 pieds carrés : c’est donc difficile de faire autoriser un projet puisqu’il ne fitte pas dans les demandes standards. Une ville peut toutefois modifier son Règlement de construction municipal, et Guillaume Lessard fait d’ailleurs remarquer que Sherbrooke, Dixville, L’Isle-Verte et Saint-Nazaire ont déjà pris des mesures pour les autoriser sur leur territoire.

Pour ce qui est des constructions d’UHA, comme elles impliquent que deux unités soient construites sur un même lot, il faut modifier le zonage en vigueur, ce qui relève aussi des villes.

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Ça s’est toutefois déjà fait, notamment à Vancouver, Edmonton et Calgary. Même qu’en Ontario, on est allés plus loin : le gouvernement provincial a obligé les municipalités à autoriser les UHA. « Si vous me demandez quelle ville a les meilleurs règlements pour encadrer la construction de minimaisons en milieu urbain au Canada, je vous dirais sans hésiter que c’est Ottawa », affirme Guillaume Lessard. « Ça s’inscrit pour eux dans un plan plus vaste d’amélioration de l’offre en transport collectif avec la construction du train léger sur rail. Finalement, ils ont aussi prévu qu’avec la hausse de la densité dans les quartiers résidentiels, les commerces de proximité finiront par revenir. Aussi, ils ont modifié leur zonage pour permettre l’établissement de commerces dans ces quartiers », ajoute-t-il.

Le Mouvement des minimaisons, né au Québec à la fin du mois de janvier dernier, regroupe des élus municipaux, des promoteurs et des citoyens qui ont à cœur le développement des minimaisons et qui veulent faire changer les lois.

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Le Mouvement des minimaisons, né au Québec à la fin du mois de janvier dernier, regroupe des élus municipaux, des promoteurs et des citoyens qui ont à cœur le développement des minimaisons et qui veulent faire changer les lois. Guillaume Lessard s’y implique à titre personnel, et constate que de plus en plus de municipalités sont ouvertes à l’idée, tout particulièrement aux UHA. « Néanmoins, si on se fie au cas de l’Ontario, il faudrait éventuellement que le provincial s’investisse davantage dans la question. Si le gouvernement québécois décidait de modifier la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, les UHA pourraient être autorisées à l’échelle du Québec en quelques années. Ça changerait complètement le paysage de l’habitation au Québec et ça serait une excellente occasion pour réfléchir, comme Ottawa, à comment tout ça s’articule avec les questions de transport collectif et d’offre en services et en commerces locaux. »

Et vous, habiter une minimaison (ou en louer une dans votre cour pour faire baisser votre hypothèque), ça vous tenterait?

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