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Militer pour un parti politique, c’est aussi parler à des citoyen.ne.s weird
En tant qu’ex-militante politique, j’ai participé à 3 campagnes électorales (municipale, provinciale et fédérale). Pour quels partis? Je n’ai jamais porté les mêmes couleurs que François Legault ou Maxime Bernier, c’est tout ce que je dirai. Ce n’est de toute façon pas de mes allégeances politiques dont il sera question ici, mais plutôt de mon expérience comme téléphoniste de campagne et surtout, surtout, des conversations surréalistes que j’ai eues avec des inconnu.e.s.
Porte-à-porte, pose de pancartes, sollicitation téléphonique figurent parmi les activités de campagnes électorales. Cette campagne-ci ne fait pas exception. Il y a plusieurs années, je voulais m’impliquer politiquement. J’ai exclu le porte-à-porte (j’allais être incapable de garder ma concentration si un dude poilu et bedonnant se pointait à la porte en bobettes bleues délavées) et la pose de pancartes n’était pas envisageable non plus avec mes talents manuels limités (elles auraient été aussi solides que feu ma bibliothèque Kallax décédée sous le poids d’un dictionnaire). J’allais donc faire du pointage téléphonique. Ça, c’est quand un.e bénévole d’un parti vous appelle et vous demande si vous allez voter pour eux. J’allais être cette personne et sans le savoir, j’allais me frotter à plusieurs conversations étranges. Voici quelques extraits choisis.
Les contraintes pour ne pas aller voter
Les partis veulent faire sortir le vote. Si un « partisan » a un problème de transport, des bénévoles le reconduiront à son pôle de scrutin. Si un électeur est absent de la ville le jour de l’élection, on lui suggérera d’aller voter par anticipation. Certains ont toutefois d’autres contraintes plus complexes, mais on trouve toujours des solutions…
« Je ne pourrai pas voter, car j’entre en prison la semaine prochaine. »
- – Un futur bénéficiaire du système carcéral
Un cas de figure qui nous rappelle qu’en tant que détenu, on peut participer à cette élection fédérale.
Les gens pas du tout informés
Des gens profitent de ces appels pour communiquer leurs préoccupations sur des enjeux. Certains sont juste très mal informés.
« Je ne voterai pas pour ton parti s’il ne s’engage pas à réduire mon bill d’Hydro. »
- – Un monsieur préoccupé par l’augmentation de sa facture d’Hydro-Québec
Il s’agissait d’une élection fédérale et Hydro-Québec relève du provincial. J’ai bien tenté de lui expliquer que peu importe le parti qui allait former le gouvernement, aucun n’avait de pouvoir sur la société d’État. Il n’en démordait pas et aucun autre enjeu ne semblait avoir d’importance pour lui.
« Je vais voter pour Barack Obama, le seul président noir. »
- – Une admiratrice de Barack Obama très sérieuse, lors d’une élection provinciale
Pour rejoindre le plus grand nombre de gens, on devait être brefs. Elle n’avait toujours pas compris qu’on était Québec et pas aux États-Unis, je ne pouvais pas grand-chose pour elle, malheureusement.
La barrière linguistique
Certains interlocuteurs ne maîtrisent pas suffisamment l’une ou l’autre des langues officielles pour engager une conversation politique. Souvent, ce sont de nouveaux arrivants qui sont encore en apprentissage.
Un jour, j’ai cru avoir affaire à un cas de ce type. L’homme au bout du fil m’a d’abord répondu dans un anglais approximatif quelque chose comme :
« Me not talk english. »
Croyant avoir raccroché, il s’est adressé à sa blonde avec un accent québécois digne d’Éric Lapointe.
« Heille Bebé, c’t’était encore une crisse d’épaisse pour un parti politique. J’lui ai dit que j’parlais pas anglais. »
– Monsieur, vous avez oublié de raccrocher votre téléphone. Je vous souhaite une excellente journée à vous et à votre conjointe.
Les demandes originales
Certains espèrent que le téléphoniste soit la courroie de transmission entre eux et le.la candidat.e.
« Je vais voter pour votre parti si votre candidat vient passer la tondeuse chez moi.»
- – Un électeur recherchant de la main-d’œuvre à domicile gratuite
« Tu diras au premier ministre d’avertir le voisin que son chien doit arrêter de pisser dans mes fleurs. »
- – Une électrice qui croyait qu’en tant que simple militante politique, j’étais en contact direct avec le premier ministre.
Le parti pour lequel je militais n’a jamais été au pouvoir. C’était un vendredi soir et de son propre aveu, la dame entamait sa deuxième bouteille de vin.
Autres catégories
« Le candidat de l’autre parti a des plus belles p’tites fesses que le vôtre. Je ne voterai pas pour vous. »
- – Une autre madame saoule
« Comment ça se fait que tu connais mon nom? T’es une voleuse d’identité. J’ai vu sur internet qu’ils utilisent ça pour récolter des informations personnelles. »
- – Un paranoïaque
P.S. Les partis utilisent la liste électorale. Son nom et numéro y figuraient.
« Maman est dans le bain.»
- – Un enfant dont la mère ne voulait pas prendre l’appel
Je lui ai demandé s’il y avait un meilleur moment pour rejoindre Maman. Il m’a dit qu’elle allait être dans le bain toute la semaine. J’aurais voulu le prévenir que si elle était encore là dans une heure, d’aller vérifier si elle n’était pas morte.
« Ma petite fille, tu es en train de me faire manquer Top Modèles. »
- – Une gentille grand-mère
Je me suis excusée pour ce manque de respect.
Je parlais à des gens qui à la fois, possédaient une ligne fixe et avaient du temps pour discuter. Beaucoup de personnes âgées. Notes aux partis : en après-midi, vous devriez établir l’horaire des téléphonistes en fonction de la diffusion de Top Modèles et Les feux de l’amour.