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La mixologie, c’est out. Ce qui est dans le vent, c’est la bière de microbrasserie (et définitivement pas l’expression « dans le vent »). C’est pour ça qu’URBANIA a décidé de s’y intéresser en faisant des portraits de microbrasseries d’ici. Parce que de plus en plus de gens en parlent, mais aussi parce que c’est un bon prétexte pour boire sur la job.
Quand on pense aux pionniers qui ont mis la table au boom actuel des microbrasseries québécoises, Unibroue, Charlevoix, Cheval Blanc et autres Dieu du Ciel! font immanquablement partie de la discussion. Pourtant, Les Trois Mousquetaires fait aussi partie du paysage brassicole québécois depuis un bon moment. Et la brasserie brossardoise n’est pas près de disparaître.
Discussion avec Christian Marcil, copropriétaire et chef des opérations des Trois Mousquetaires.
IPA : entre tradition et innovation
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Les Trois Mousquetaires a beaucoup changé depuis 2004, année de sa fondation par trois anciens collègues d’Imperial Tobacco. Au tout début, comme pour bien des jeunes microbrasseries de l’époque, on y brassait la gamme de « couleurs » : blonde, blanche, rousse, noire. Quatorze ans plus tard, le portrait est bien différent.
D’abord, aucun des trois associés originaux ne fait encore partie de l’entreprise, l’un d’entre eux ayant pris sa retraite il y a deux ans alors que les deux autres étaient partis vers 2006 et 2009. C’est maintenant Christian Marcil et sa partenaire Vicky Ouellet, arrivés en 2012, qui tiennent les rênes.
Et si l’on en croit le chef des opérations, le duo s’est pointé à un moment charnière. « On est arrivés dans une période où le marché était changeant. Le monde de la micro commençait sa croissance exponentielle. Les clients se sont mis à chercher la nouveauté, l’innovation. »
Si Les Trois Mousquetaires s’est bâti une réputation enviable avec son expertise pour les styles allemands classiques, c’est donc surtout grâce à son flair pour les nouvelles tendances qu’elle se taille aujourd’hui une place de choix chez les beer geeks. Et c’est souvent en sortant du Québec que l’équipe trouve son inspiration. « On essaie de ne pas trop suivre les modes. En fait, on tente plutôt de les devancer. Ça vient entre autres des voyages que je fais. Je ramène des idées de ce qu’on pourrait faire chez nous. »
C’est grâce à cette philosophie que Les Trois Mousquetaires a été parmi les premières au Québec à proposer une gose, bière aux saveurs acidulée, salée et de coriandre. Même son de cloche pour sa IPA d’inspiration Nouvelle-Angleterre, un style aujourd’hui omniprésent, mais qui ne l’a pas toujours été. « Quand on l’a sortie, les IPA hazy n’existaient pas vraiment en bouteille au Québec. Au début, il a même fallu qu’on la rende moins hazy parce que le monde n’était pas habitué. On a sorti la nôtre, Boréale a sorti la sienne 4-5 mois plus tard et maintenant, on en voit partout. »
Notre appréciation
India pale ale
Alcool : 6 % | IBU : 40
D’un jaune voilé tirant légèrement sur l’orangé, l’IPA présente un col blanc abondant. Au nez, les arômes tropicaux (ananas) et d’agrumes (citron confit) dominent, sur un fond subtilement malté. En bouche, la texture est soyeuse et les saveurs penchent vers le pamplemousse et la résine herbacée. En finale, une amertume modérée et sucrée se dissipe lentement.
Porter Baltique Édition Spéciale : savoir ce qu’il y a dans la bouteille
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En 2012, Les Trois Mousquetaires procède à la refonte complète de son image. Et pas question de prendre toutes les décisions dans un petit bureau hermétique. « On s’est assis tous ensemble pour réfléchir à ça, ça a vraiment été un travail d’équipe. Toute l’image a été faite ici à l’interne. On a même demandé l’avis des livreurs et des représentants. »
C’est à ce moment-là qu’apparaissent les étiquettes ultra détaillées que les fans ont appris à reconnaître. Tout y est : saveurs, malts et houblons utilisés, accords mets et bière, potentiel de vieillissement, température de service… L’équipe décide même d’inclure des informations plus techniques comme le SRM et l’IBU.
Au-delà du désir de faire plaisir aux beer geeks, Christian Marcil y voit un exercice d’éducation, en particulier au niveau des saveurs. « On voulait dire aux gens que oui, comme pour le vin, il y a des saveurs que tu peux goûter dans ta bière. En décrivant celles que nous, on a goûtées, ça aide les gens à se faire un palais en identifiant ce qu’ils goûtent aussi. »
Les bières des Trois Mousquetaires se caractérisent également par le format de 750 ml. « On voulait se démarquer avec une bouteille un peu différente. À l’époque, il n’y avait pas beaucoup de brasseries qui embouteillaient dans ce format-là, avec le bouchon de liège et le muselet. Ça donne un petit côté prestigieux au produit. »
Parlons-en, du bouchon. C’est connu, à moins d’être Hugo Girard, les bières des Trois Mousquetaires sont presque impossibles à déboucher. Christian Marcil est conscient du problème. « On les voit passer, les photos de gens avec leurs vise-grips! On a déjà eu des problèmes avec des goulots qui fendaient et on a dû mettre nos bouchons plus creux pour éviter ça. En même temps, t’as l’impression d’avoir vraiment mérité ta bière. Et c’est child proof! »
Même s’il comprend ceux qui trouvent peu pratique le format 750 ml, le dirigeant persiste et signe. « La grosse bouteille sur la table, ça fait plus beau. Arriver dans un apportez votre vin avec ton six-pack versus deux grosses bouteilles, c’est pas la même chose. De toute façon, une porter baltique, c’est fait pour partager! »
Notre appréciation
Porter baltique vieilli en fûts de bourbon et brandy
Alcool : 10,5 % | IBU : 27
D’un noir opaque surmonté d’un col beige qui s’estompe rapidement, la Porter Baltique présente des arômes (sublimes!) de café, vanille, noix grillées et crème brûlée. En bouche, c’est crémeux avec des saveurs de fruit foncés (dattes, figues), de bourbon, de brandy et de chocolat noir. La finale est sucrée avec une légère pointe d’amertume. Aisément parmi ce qui se fait de mieux au Québec.
Réserve de Noël : boire le Québec
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Un des chevaux de bataille des Trois Mousquetaires, c’est l’utilisation d’ingrédients locaux. En effet, on pense souvent que « bière québécoise = ingrédients québécois ». Pourtant, peu de brasseries font affaire avec des producteurs de grains de chez nous. Pourquoi? Christian Marcil a des pistes de réponses. « Parce qu’il est produit et malté en moins grandes quantités, le grain québécois est plus dur à travailler, il est moins stable. C’est plus difficile de masquer les défauts quand il y en a. Ça donne plus de paramètres à vérifier et auxquels s’adapter. »
Pour Les Trois Mousquetaires, brasser local est donc avant tout une question de principes. « C’est important pour nous depuis plusieurs années. On brasse presque exclusivement avec des grains québécois. Il y a seulement deux ou trois de nos produits qu’on ne fait pas entièrement avec des grains locaux parce qu’on n’a pas accès à des grains torréfiés ou fumés qui viennent d’ici. Sinon, toutes nos bières sont faites à 100% avec du grain québécois. On est fiers de ça et on y tient. »
Cette volonté de faire local se reflète aussi dans l’interprétation que la brasserie fait de certains styles de bière. Pour la Réserve de Noël, par exemple, les artisans des Trois Mousquetaires tenaient à lui donner des saveurs bien de chez nous. « En France et en Belgique, la bière de Noël va souvent goûter l’anis, mais c’est pas une saveur qui se retrouve ici à Noël. Nous, c’est les épices à tourtière, le gâteau aux fruits, le pain d’épices… On est donc allés avec des saveurs de gingembre, d’orange, de cannelle. On voulait aller chercher le côté Noël du Québec. »
Et une fois Noël passé, qu’est-ce qui attend Les Trois Mousquetaires? Christian Marcil mentionne d’abord la nouvelle embouteilleuse qui permettra d’augmenter la production pour mieux fournir à la demande et régler le problème de bouchons. À plus long terme, le dirigeant souhaite continuer d’innover et explorer de nouvelles façons de penser la bière.
Une nouvelle boutique vient justement d’ouvrir à la brasserie et permettra aux Trois Mousquetaires de sortir des produits un peu plus spéciaux qui seront vendus seulement sur place, comme la Porter Baltique Porto et la Dessert Framboise.
D’ailleurs, quelqu’un peut nous faire un lift à Brossard cette semaine ?
Notre appréciation
Lager rouge aux épices
Alcool : 10,5 % | IBU : 33
D’un orange ambré légèrement voilé surmonté d’un mince col beige éphémère, la Réserve de Noël présente des arômes d’oranges confites, d’épices (cannelle, girofle, cardamome) et de chêne. En bouche, on goûte le sucre d’orge, le pain d’épices, les fruits confits et une pointe de sapin baumier. La texture est étonnamment mince, considérant les 10,5% d’alcool. Un conseil : buvez-la en mangeant (l’étiquette recommande bavette, foie gras ou fromages) pour atténuer les saveurs parfois intenses.