.jpg)
La mixologie, c’est out. Ce qui est dans le vent, c’est la bière de microbrasserie (et définitivement pas l’expression « dans le vent »). C’est pour ça qu’URBANIA a décidé de s’y intéresser en faisant des portraits de microbrasseries d’ici. Parce que de plus en plus de gens en parlent, mais aussi parce que c’est un bon prétexte pour boire sur la job.
Dans le monde de la bière, un fort pourcentage d’alcool est souvent synonyme de qualité et de succès. Il suffit de faire un tour sur le site Ratebeer, la référence en la matière, pour le constater : sur les 20 bières les mieux cotées au monde, une seule titre moins de 9,5% d’alcool.
Pourtant, la microbrasserie Le BockAle, installée à Drummondville depuis un peu plus de trois ans, a choisi de faire le pari contraire : investir le marché québécois de la bière artisanale… sans alcool. Et le pari a payé.
Entretien avec Michael Jean, cofondateur et président-directeur général du BockAle.
Drummond : quête de défis
.png)
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Michael Jean n’a pas peur de l’inconnu. À preuve : avant de cofonder Le BockAle en 2015, l’Almatois d’origine n’avait jamais brassé de bière. « C’est plus le côté entrepreneurial qui m’attirait là-dedans. J’avais une petite boîte d’ingénierie et je voulais retrouver le feeling d’être en entreprise, mais dans un domaine vraiment passionnant. »
Il s’est donc mis à suivre des cours pour apprendre à brasser, développant de fil en aiguille les recettes qui allaient constituer sa gamme de base à l’ouverture du BockAle en 2015.
Mais au-delà des blondes, rousses et blanches offertes par à peu près toutes les brasseries, Michael Jean tenait à sonder des terrains encore peu défrichés. « On veut être en avant des tendances. Cette semaine, quelqu’un me proposait de faire une brut IPA. J’ai dit “Non, on est en retard, y en a déjà 3-4 sur le marché. Faut penser à la prochaine, essayer de prévoir ce qui s’en vient, créer des nouveaux trucs.” »
« On veut être en avant des tendances, prévoir ce qui s’en vient, créer des nouveaux trucs. »
Fidèle à cette philosophie, Le BockAle a été parmi les premières au Québec à brasser une blanche IPA. Mais évidemment, innover vient avec certains défis. « Au début, les détaillants la plaçaient avec les blanches. Donc ceux qui voulaient une blanche faisaient le saut et ceux qui voulaient une IPA ne la trouvaient pas. Il a fallu la renommer “IPA blanche” plutôt que “Blanche IPA” pour qu’elle se retrouve dans le bon rack. »
Notre appréciation
Alcool : 6 % | IBU : 60
D’un jaune doré trouble coiffé d’un col blanc et dense, la Drummond présente un nez étonnamment discret, avec des arômes d’agrumes (surtout du citron) et un petit côté floral. La bouche contraste avec le nez, avec ses saveurs franches de zeste d’orange et son amertume tranchante et herbacée qui s’attarde en finale. La texture est soyeuse, portée par le blé.
Découverte : réinventer la bière sans alcool
.png)
Si Le BockAle a su se tailler une place de choix dès son ouverture sur le marché québécois, c’est depuis le lancement de sa gamme sans alcool que la microbrasserie a véritablement pris son envol.
Pour Michael Jean, ce secteur sous-exploité du marché représentait une opportunité de taille. « Si tu fais la meilleure IPA du Québec, ça reste une IPA parmi des centaines d’autres. Mais si tu fais les meilleures sans alcool dans un marché où il n’y en a pratiquement pas, les gens vont naturellement aller vers toi. »
Fidèle à ses habitudes, alors que le marché des sans alcool comprenait surtout des blondes et des rousses, l’entrepreneur a choisi d’aller à contre-courant en brassant une IPA : la Découverte. La recette a d’ailleurs nécessité près d’un an de développement.
Le pari semble avoir été payant puisque Le BockAle a depuis fait le choix de consacrer l’essentiel de sa production à la bière sans alcool. Aujourd’hui, cette gamme, qui comprend également un stout et une Berliner Weiss, compte pour environ 75% du chiffre d’affaire de la brasserie.
Aujourd’hui, la gamme sans alcool compte pour environ 75% du chiffre d’affaire de la brasserie.
Mais qu’est-ce qui explique cet engouement soudain pour les bières sans alcool ? Michael Jean hasarde une hypothèse : « Je pense qu’il y a 5-6 ans, le mode de vie plus sain n’était pas encore à l’avant-plan. Mais les gens sont de plus en plus sensibilisés à consommer intelligemment, à manger moins, à boire moins, mais mieux. On est arrivé avec un concept qui permettait de boire autant, mais bien. »
Depuis le lancement de la Découverte, plusieurs brasseries tentent d’emboîter le pas en lançant des bières faibles en alcool. Mais qu’elles ne comptent pas sur Michael Jean pour révéler ses secrets ! « On préfère ne pas identifier notre procédé parce que c’est ce qui nous donne une valeur ajoutée. On va laisser ceux qui veulent en développer travailler comme on l’a fait. »
Notre appréciation
Alcool : < 0,5 % | IBU : 72
D’un jaune paille trouble, la Découverte présente un col blanc aéré qui laisse un mince filet. Au nez, on jurerait avoir affaire à une IPA régulière avec ses arômes tropicaux et sucrés rappelant l’ananas et la mangue. En bouche, on retrouve les arômes identifiés au nez, mais en version atténuée, en plus de la céréale et d’une amertume terreuse, un brin résineuse. Le corps est un peu mince, comme on peut s’y attendre d’une bière sans alcool.
Garde la pêche : place à la créativité
.png)
Le BockAle a beau être principalement associé à la bière sans alcool, la brasserie continue de créer des produits alcoolisés sur une base régulière. Et Michael Jean y tient mordicus : « On est une microbrasserie. On ne veut pas devenir une fabrique de boisson quelconque. On va toujours continuer à faire de la bière alcoolisée. »
Le PDG considère par ailleurs que sa production de bière « normale » bénéficie du volet sans alcool. « Ça nous donne des technologies différentes pour brasser. Ce qu’on apprend à faire avec la sans alcool nous fait pousser plus loin les procédés et la façon de penser la bière. »
Le succès de la gamme sans alcool permet aussi plus de liberté dans le 25% de production restant en enlevant la pression de produire quelque chose pour répondre au marché ou pour suivre les modes.
« On ne veut pas devenir une fabrique de boisson quelconque. On va toujours continuer à faire de la bière alcoolisée. »
Cette liberté, on la retrouve notamment dans la gamme « Employé du mois », qui permet à n’importe quel employé du BockAle, qu’il soit familier ou non avec le brassage, de proposer une nouvelle bière. « On encourage notre monde à s’amuser avec ça. On paie tous les ingrédients, ils s’en vont chez eux avec ça et nous ramènent leurs créations. Si c’est assez bon, ça va se ramasser dans la série. »
Pour Michael Jean, c’est une façon de valoriser et de remercier ses employés. « Je trouvais ça important de mettre l’équipe de l’avant parce que si j’avais pas tout ce monde-là qui mettait de l’effort plus que j’en demande, on ne serait pas ce qu’on est aujourd’hui. »
Quant à ce qui s’en vient pour Le BockAle dans les prochaines années, Michael Jean souhaite continuer sur sa lancée. « On veut solidifier encore plus notre position dans le sans alcool au pays en augmentant notre production, en étendant notre territoire et en sortant encore plus de nouvelles bières sans alcool pour avoir une gamme vraiment complète et intéressante pour tous les goûts. »
Notre appréciation
Alcool : 5,6 % | IBU : 48
De couleur ambrée et voilée, cette IPA au thym et pêche est surmontée d’un col blanc moyen. Le nez est assez discret, dévoilant des arômes de pêche et d’abricot (le thym se laisse désirer). En bouche, on retrouve les pêches, accompagnées d’une amertume herbeuse et maltée, et de subtils effluves de thym. Une interprétation intéressante et différente du style IPA.