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La mixologie, c’est out. Ce qui est dans le vent, c’est la bière de microbrasserie (et définitivement pas l’expression « dans le vent »). C’est pour ça qu’URBANIA a décidé de s’y intéresser en faisant des portraits de microbrasseries d’ici. Parce que de plus en plus de gens en parlent, mais aussi parce que c’est un bon prétexte pour boire sur la job.
Si vous vous intéressez le moindrement aux microbrasseries québécoises, vous avez déjà entendu parler de la Bièrerie Shelton. Ou du moins, vous avez vu l’une de ses canettes aux couleurs éclatantes sur les tablettes.
L’équipe a inventé le mot bièrerie pour définir Shelton.
Arrivées sur le marché il y a à peine un an, les bières Shelton se sont rapidement frayé un chemin parmi les favorites des amateurs québécois. Pourtant, Shelton n’est pas réellement une microbrasserie. Elle fait plutôt partie de cette tendance grandissante de brasseurs amateurs qui s’associent à des joueurs plus gros pour produire leurs brassins.
Rencontre avec Darryl Shelton, sympathique fondateur de la bièrerie qui porte son nom.
NEIPA
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Darryl Shelton a commencé à brasser de façon artisanale chez lui il y a huit ans, mais ce n’est que l’année dernière que son rêve de mettre ses bières sur le marché est devenu réalité.
« En 2016, j’ai participé à IronAlers, une compétition de brasseurs amateurs organisée par MontreAlers. Quand j’ai gagné le 1er prix et le choix du public, ça m’a donné la crédibilité dont j’avais besoin pour aller cogner à des portes. »
Mais avant de rencontrer des partenaires potentiels, Darryl tenait à être prêt. Avec l’Aide de sa conjointe, il a donc monté un plan d’affaires et a contacté l’agence K72 pour l’aider à bâtir son image de marque.
« On a voulu se démarquer avec notre packaging très coloré. Mon but, c’était de capter l’œil du consommateur sur les tablettes. Après ça, je me disais que si le produit était de qualité, j’allais pouvoir conserver ces clients-là. »
L’équipe a aussi inventé le mot bièrerie pour définir Shelton. « Même si l’appellation “microbrasserie” n’est pas contrôlée au Québec, on ne voulait pas s’identifier comme ça parce qu’on n’en est pas une en ce moment. »
Force est d’admettre que tout ça a fonctionné puisque la NEIPA, premier produit de Shelton à être apparu sur les tablettes, a été l’une des bières les plus en demande auprès des amateurs québécois l’été dernier. Un succès qui ne s’essouffle pas, puisqu’elle vient tout juste de remporter une médaille d’or au Mondial de la bière.
Notre appréciation
Alcool : 7,5 % | IBU : 56
D’un jaune foncé tirant sur l’orange, la NEIPA présente un col blanc moyen laissant un mince filet. La bière est voilée, mais moins opaque que ce à quoi le style nous a habitués. Au nez, des arômes intenses de fruits tropicaux (ananas, mangue) prennent toute la place. En bouche, on retrouve les saveurs détectées au nez, auxquelles s’ajoutent un soupçon d’agrumes et une touche résineuse trop souvent absente des autres NEIPA. La texture est veloutée et la finale légèrement amère.
Grätzer
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Puisque démarrer une microbrasserie peut être très coûteux, la production à contrat est un modèle de plus en plus répandu dans le milieu brassicole. Oshlag, par exemple, brasse les bières de plus petits joueurs qui n’ont pas encore leurs propres installations comme Matera, Vox Populi ou Avant-Garde.
Darryl Shelton voit plusieurs avantages à ce modèle. « D’abord, la mise en marché se fait plus rapidement. Ça me permet de tester ma marque et mes produits, comme ça, quand je vais être prêt à ouvrir ma propre brasserie, je serai déjà connu, le risque sera moins grand. »
Il en profite d’ailleurs pour tester des styles moins communs, comme la grätzer et la blonde espresso, qu’il élabore d’abord chez lui. « Une recette, c’est jamais final. Après le premier brassin, il y a toujours des ajustements à faire.
« D’abord, la mise en marché se fait plus rapidement. Ça me permet de tester ma marque et mes produits, comme ça, quand je vais être prêt à ouvrir ma propre brasserie, je serai déjà connu, le risque sera moins grand. »
Justement, pour procéder à ces ajustements, Darryl a accès à l’expertise des brasseurs d’Oshlag. « Je discute souvent avec le brasseur en chef pour adapter mes recettes à un gros système. J’apprends beaucoup avec eux, surtout que je n’avais jamais brassé en aussi grande quantité. »
Mais il y a aussi des inconvénients. « Comme je ne suis pas le seul à brasser chez Oshlag, on rentre tous dans un horaire de brassage et on doit essayer de planifier d’avance les volumes dont on va avoir besoin. Ça donne moins de flexibilité. »
Évidemment, la tendance ne fait pas l’affaire de tout le monde. Plusieurs brasseurs voient d’un mauvais œil cette façon de faire, déplorant que n’importe quel brasseur amateur puisse venir gruger des parts de marché sans prendre de gros risques financiers.
S’il comprend ce point de vue, Darryl Shelton voit évidemment les choses d’un autre œil. « Sans Oshlag, je n’aurais pas pu me lancer en affaires. Ma conjointe retournait aux études, on a trois enfants… Si ce n’était pas de ce modèle-là, il n’y aurait pas de bière Shelton sur le marché aujourd’hui. »
Notre appréciation
Alcool : 4,2 % | IBU : 25
D’un jaune pâle bien voilé, la Grätzer présente un col blanc assez dense qui s’estompe tranquillement. Au nez, on sent des arômes de fumée (qui ne sont pas sans rappeler les saucisses Hygrade), suivis de notes de blé et d’une pointe citronnée. En bouche, la fumée est toujours présente, quoique davantage boisée. On note aussi quelque chose d’animal, de céréalier et d’un peu salé. La finale est légèrement amère et présente un goût fumé persistant qui s’amplifie au fil des gorgées.
Stout impérial
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Vous aurez beau avoir le plus beau packaging et le modèle d’affaires le plus efficace, si votre bière n’est pas bonne, vous ne serez pas plus avancé. C’est pourquoi Darryl Shelton met beaucoup de sérieux dans le choix et la confection de ses recettes.
« Ça me prend beaucoup de temps pour développer une recette. Je prends le temps d’y réfléchir, je fais beaucoup de tests à la maison. Je vais toujours brasser quelque chose que j’aime boire, mais en même temps, je ne sortirai pas un style que je sais qui ne marchera pas. »
Le brasseur commence aussi à regarder du côté du vieillissement en barriques. « C’est quelque chose qui m’intéresse de plus en plus. Je trouve ça super stimulant parce qu’il y a tellement de trucs qu’on peut faire avec ça, des mélanges, des assemblages… Je suis un autodidacte, j’ai hâte d’essayer ça, d’apprendre en faisant des tests. »
Avec déjà une trentaine de fûts en vieillissement présentement, Darryl Shelton prévoit lancer quelques produits barriqués dans la prochaine année, notamment une nouvelle version de son stout impérial.
Et si la bièrerie Shelton n’existe que depuis à peine un an, Darryl se sent déjà à la croisée des chemins. « On est en train de réfléchir vers quel modèle on veut aller. C’est sûr que je veux éventuellement avoir ma brasserie à moi. Peut-être pas pour faire le volume que j’ai aujourd’hui, mais pour faire des brassins plus spécialisés, avoir plus de contrôle. »
Une chose est sûre : peu importe où sera rendue Shelton dans cinq ans, nos yeux continueront toujours à chercher ses canettes colorées sur les tablettes.
Notre appréciation
Alcool : 10,5 % | IBU : 66
D’un noir profond et opaque, ce Stout impérial est surmonté d’un col moka dense qui disparaît rapidement. Le nez est plutôt discret : les fruits secs dominent, accompagnés d’un soupçon vanillé. En bouche, la texture est épaisse et onctueuse. L’attaque est intense et portée sur le sucre. On découvre ensuite des notes de café, de chocolat noir et de noix grillées. La finale est étonnamment (mais agréablement) amère, davantage que la plupart des stouts.
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Si vous voulez rencontrer Darryl Shelton en personne, il sera au Festibière de Lévis du 28 juin au 1er juillet et au Festival des bières de Laval du 13 au 15 juillet.