La mixologie, c’est out. Ce qui est dans le vent, c’est la bière de microbrasserie (et définitivement pas l’expression « dans le vent »). C’est pour ça qu’URBANIA a décidé de s’y intéresser en faisant des portraits de microbrasseries d’ici. Parce que de plus en plus de gens en parlent, mais aussi parce que c’est un bon prétexte pour boire sur la job.
Oubliez les IPA, les sures et les sauvages : dans Rosemont, l’avenir est à la noirceur! Du moins, c’est le pari qu’a décidé de faire Beauregard, une toute jeune microbrasserie apparue dans le quartier montréalais il n’y a même pas un an et qui ne brasse que des bières foncées. Comment se démarquer quand on investit un marché aussi niché?
Discussion avec Jonathan Coutu, cofondateur de Beauregard Brasserie Distillerie.
Framboise noire : le côté obscur de la bière
.jpg)
Beauregard Brasserie Distillerie, c’est le projet, né il y a à peine un an, des frères Jonathan et Sébastien… Coutu. Alors pourquoi le nom Beauregard? « C’est le nom de ma mère! Coutu, ça sonne tellement pharmaceutique que la question ne s’est pas vraiment posée. »
Et ne vous fiez pas aux émissions américaines à la Dallas et Dynastie, où la bisbille est la norme au sein des entreprises familiales : chez Beauregard, l’harmonie règne. « Le but du projet, c’était avant tout de travailler avec mon frère. Lui s’occupe de tout le côté opérations, moi je gère tout ce qui est marketing. On est très complémentaires, on a énormément de respect pour les compétences de l’autre. »
« Il ne se vend pas assez de bière noire au Québec pour en faire une spécialité et le faire mal. »
Alors que la plupart des microbrasseries se battent pour le titre de NEIPA la plus juteuse ou de sour la plus funky, les frères Coutu ont choisi d’aller à contre-courant : ils ne brassent que des noires. Au-delà du désir de se démarquer, c’est aussi une manière, pour Jonathan Coutu, de s’imposer des standards de qualité. « Opérer dans une petite niche, ça nous force à avoir une qualité vraiment top notch. Si on sortait un ou deux produits plus faibles, ça affecterait notre réputation. Il ne se vend pas assez de bières noires au Québec pour en faire une spécialité et le faire mal. »
Bien que leur intention initiale ait été de ne brasser que des stouts et des porters, les frères Coutu se sont vite rendu compte qu’il serait avantageux de donner un peu d’élasticité au terme « bières noires ». « On travaille beaucoup avec la macération à froid de grains de spécialité. En gros, on va foncir l’eau, ce qui donne une particularité sur le plan du goût qui fitte super bien avec les sour. C’est notre seul petit écart avec le branding stouts et porter, mais ça reste quand même des bières noires.
À leurs débuts, plusieurs gens du milieu leur disaient qu’ils auraient du mal à se démarquer durant l’été avec leurs bières noires. Au terme d’une première saison chaude, Jonathan Coutu est heureux de pouvoir répliquer : « On n’a jamais vendu autant de bière! Le noir, c’est vraiment juste une couleur. On réussit à avoir assez de variété dans nos produits pour que tout le monde y trouve son compte. »
On y a justement trouvé notre compte avec la Framboise noire, plus gros vendeur et succès surprise de l’été.
Notre appréciation
Sure aux fruits
Alcool : 5,7% | IBU : 10
D’un mauve profond presque noir surmonté d’un col rose éclatant, la Framboise noire présente un nez très fruité où se mêlent framboise, jus de raisin et une impression subtile de mangue et de pêche. En bouche, le fruit se fait moins dominant, laissant plus de place au côté sur. On goûte aussi davantage les saveurs tropicales des houblons Citra et Azacca. La finale est plutôt sèche, avec des relents surs et sucrés. Une bière à essayer absolument, ne serait-ce que pour sa couleur exceptionnelle!
Impériale choco noisette : l’obsession de la perfection
.jpg)
Avez-vous déjà répondu, lors d’une entrevue d’embauche, que votre plus grand défaut était d’être perfectionniste? Pas les frères Coutu. Pour eux, le perfectionnisme est une qualité. « Pour chaque bière qu’on brasse, on fait au moins une trentaine de tests. Chacun de nos brasseurs apporte ses idées, sa vision. Après, c’est mon frère et moi qui décidons des grandes orientations, du style et des caractéristiques de la bière. »
Ce perfectionnisme s’étend même jusqu’à la recette… de l’eau! Beauregard travaille avec une machine qui retire tous les minéraux de l’eau pour ensuite en réintroduire certains. « Dépendamment du style de bière, il y a vraiment un équilibre idéal au niveau des minéraux. Donc on va faire une recette d’eau avant même de commencer la bière. »
Les frères Coutu sont si perfectionnistes qu’ils n’hésiteront pas à ne pas lancer une bière si elle ne correspond pas à leurs standards de qualité. Ç’a été récemment le cas pour le Stout forêt noire. « C’en est une qui n’a pas passé le test. On était supposés la lancer au début du mois. La bière était bonne, mais elle ne respectait pas notre vision des choses. On a décidé de ne pas la sortir. »
« Pour chaque bière qu’on brasse, on fait au moins une trentaine de tests. »
Comme si le marché des bières noires n’était pas assez niché, Beauregard se spécialise aussi dans un autre créneau : le vieillissement en barriques. « C’est vraiment le dada de mon frère. Quand t’es brasseur amateur, c’est difficile de travailler avec des barils. Ça coûte cher, ça prend beaucoup d’espace, ça se fait difficilement à la maison. »
La brasserie a donc aménagé un chai avec une centaine de barils pour affiner ses produits. Elle va d’ailleurs lancer en octobre un trio de bières vieillies en fûts de bourbon, en format 355 ml : un porter baltique, une impériale choco-noisette (déjà disponible en bouteilles de 750 ml) et une impériale bourbon.
Jonathan Coutu a hâte de faire découvrir ces nouveaux produits aux amateurs. « Les bières qui vont vraiment faire connaître Beauregard, ça va être celles qui viennent du travail de barils. On veut développer une spécialisation dans nos techniques de rotation de barils. On travaille surtout avec le bourbon présentement, et on commence aussi à travailler le rhum. »
Et devinez quoi? On a eu la chance de goûter au plus récent brassin de l’Impériale choco noisette, qui arrivera bientôt sur les tablettes des dépanneurs spécialisés.
Notre appréciation
Stout impérial
Alcool : 10,3% | IBU : 40
D’un brun foncé presque noir surmonté d’un col beige laissant un mince anneau, l’Impériale choco noisette présente un nez plutôt sucré. Le bourbon est omniprésent, accompagné de notes de caramel, de tire éponge, de dattes et, après un certain moment, de chocolat au lait et de noisettes. En bouche, le bourbon s’atténue quelque peu pour laisser la place au chocolat noir et aux noisettes torréfiées, portés par une texture ronde et presque collante. La finale est à la fois amère et sucrée. À déguster tempérée pour bien laisser les arômes s’exprimer.
Lager noire : belle dehors, bonne dedans
.jpg)
Quand Beauregard a lancé ses premiers produits en novembre 2018, notre première impression en était une de luxe : un coffret de trois bouteilles au design léché, dans un emballage élégant que l’on pouvait transporter avec une poignée. « Le but avec le design, c’était de donner un peu de prestige. Que les gens, en voyant nos bouteilles, ne soient pas choqués que ça soit quelques sous plus cher que les autres, mais que ça vienne avec des attentes de qualité. »
Mais quand le branding est aussi prestigieux, est-ce que ça vient avec des attentes plus élevées quant à ce qui se trouve dans la bouteille? « Oui. Ça, et notre positionnement de niche, ça met beaucoup de pression. On ne peut pas sortir une bière qui ne serait pas de notre calibre. Ça nous force à une quasi perfection. »
« On ne peut pas sortir une bière qui ne serait pas de notre calibre. Ça nous force à une quasi perfection. »
Cela dit, Beauregard offre également ses produits en formats plus accessibles, soit des canettes de 355 ml et 500 ml. La brasserie aime d’ailleurs proposer ses bières en trios, dans une approche axée davantage sur l’expérience de dégustation. « Cette année, on a lancé un trio de soif. L’année prochaine, on aura aussi quelques trios de bières barriquées, un trio de pastry stouts et des sours noires. »
En attendant, Beauregard tient à ne pas précipiter les choses. La brasserie souhaite d’abord consolider ses acquis. « Dans les prochains mois, l’objectif est vraiment d’asseoir notre spécialité, de devenir encore meilleurs dans notre niche. Ce qu’on est en train de faire avec les techniques de rotation de barils, c’est selon moi quelque chose qui est assez unique. On a encore beaucoup à apprendre. Et ça prend du temps : tu ne peux pas forcer un baril à vieillir! »
Ça tombe bien, parce que quand on sirote une Lager noire, la dernière chose dont on a envie, c’est que le temps avance plus vite.
Notre appréciation
Lager noire
Alcool : 5,4% | IBU : 30
D’un brun foncé surmonté d’un mince col beige, la Lager noire présente des arômes de noisettes torréfiés, de café moka et de pain rôti. En bouche, le tout s’adoucit agréablement. Des notes de torréfactions sont toujours présentes, accompagnées par le côté herbacé et floral du houblon Saaz. La finale est assez sèche, avec des relents fruités et torréfiés. Étonnamment rafraîchissant, pour une bière aussi foncée!
*** Les installations de Beauregard Brasserie Distillerie sont ouvertes au public tous les samedis entre 13h et 18h. ***