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Microagressions : conversation avec Debbie Lynch-White sur la réalité des personnes grosses

Microagressions : conversation avec Debbie Lynch-White sur la réalité des personnes grosses

Lumière sur la grossophobie.

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Parce que l’ouverture à l’autre est la clé d’une société plus tolérante, URBANIA et ÉquiLibre joignent leurs forces pour changer le regard qu’on pose sur les corps.

Une chaise de resto qui serre les cuisses, des commentaires non sollicités sur le poids… Autant de petites choses qui, mises bout à bout, pèsent lourd. Bien qu’elles partent rarement d’une mauvaise intention, ces microagressions n’en sont pas moins de la grossophobie puisqu’elles véhiculent toujours cette même fausse idée selon laquelle la minceur est synonyme de beauté et de santé.

Souvent, elles passent inaperçues aux yeux de ceux et celles qui ne vivent pas dans un corps gros. Mais pour les personnes concernées, elles s’accumulent au quotidien et laissent des traces profondes. L’actrice et militante Debbie Lynch-White en sait quelque chose. Ambassadrice de la campagne «La grossophobie, ça suffit! » de l’organisme ÉquiLibre, elle a accepté de nous parler de sa propre expérience et de l’importance de rendre l’invisible visible.

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Une microagression grossophobe, qu’est-ce que ça mange en hiver?

Ça peut être un tourniquet de métro où on n’arrive pas à passer, un siège de théâtre trop étroit, un pantalon de sport introuvable à sa taille. Ça peut aussi être une remarque qui semble anodine : « Wow, t’as perdu du poids, ça te va bien! » Derrière le compliment, il y a une association claire entre minceur et beauté, et donc entre grosseur et laideur.

« C’est un biais super dur à déconstruire », souligne en entrevue Debbie Lynch-White. « Je me souviens encore de la première fois où j’ai vu la photo d’une mannequin grosse avec un chandail rentré dans son pantalon : j’ai trouvé ça laid. Parce qu’on m’a toujours dit de cacher cette partie de mon corps. C’était confrontant, sur le coup, de réaliser ça, mais ça m’a aidée à déconstruire mes propres réflexes. »

Même les encouragements peuvent cacher une microagression. « Une fois, je faisais du vélo, et un homme m’a encouragée dans une côte. Ça venait d’une bonne place, mais ma blonde, plus mince, m’a avoué qu’on ne l’aurait jamais “encouragée” comme ça. On présumait que c’était un gros effort pour moi, parce que je suis grosse. »

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Bref, les microagressions sont ces petits affronts récurrents que vivent des groupes marginalisés et qui prennent toutes sortes de formes.

Quand le monde est mal taillé

Selon un sondage Léger commandé par ÉquiLibre en septembre 2025, au Québec, plus d’une personne sur deux (53 %) dit avoir déjà été témoin ou victime de microagressions grossophobes. Mais peu reconnaissent qu’elles vont au-delà des insultes. Par exemple, seuls 32 % des répondant.e.s décrivent l’offre limitée de tailles de vêtements comme une forme de microagression, et à peine 26 % considèrent qu’un « félicitations pour ta perte de poids » peut être problématique1.

Pour Debbie, ces exemples ne sont pas théoriques. Ils font partie de son quotidien. Elle raconte l’angoisse qui précède parfois une simple sortie au restaurant : « Avant d’y aller, je me demande toujours : est-ce que je vais rentrer dans les chaises? Il m’est arrivé de faire la rencontre de gens de ma belle-famille sur une terrasse de restaurant et qu’après une heure, j’aie des fourmis dans les jambes parce que la chaise était trop étroite. Maintenant, j’ose demander une autre chaise, souvent en lançant une petite blague du genre : “Ben oui, j’ai des grosses fesses, haha!” Mais je ne sais pas si les gens réalisent comment on se sent dans ces moments-là. »

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L’accumulation qui use

Les statistiques le confirment : ces cas ne sont pas isolés. Le tiers des Québécois.es (33 %) estiment encore que les personnes grosses sont responsables de leur état, et presque autant qu’elles manquent de volonté (25 %) ou ne prennent pas soin d’elles (30 %). Résultat : les microagressions deviennent une toile de fond constante, difficile à éviter1.

« Ce qui est le plus dur, c’est l’accumulation. C’est partout, tout le temps », dit Debbie. Et ça a des conséquences bien réelles.

Une majorité de Québécois.es reconnaissent les nombreuses conséquences de la grossophobie : la baisse de l’estime de soi (79 %), la détresse psychologique (70 %), l’anxiété (68 %) et même la diminution de l’activité physique (49 %)1. « Quand bouger devient compliqué parce que tu ne trouves pas de vêtements adaptés, forcément, ça décourage », explique Debbie, qui nous raconte qu’elle adore la randonnée, mais que trop peu de boutiques sportives offrent des vêtements à sa taille. « Mon Dieu qu’on est bien dans du linge qui respire et qui nous fait! », lance-t-elle en riant.

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Devenir de meilleur.e.s allié.e.s

Alors, que faire pour rendre le quotidien plus inclusif? « Tout part de l’écoute et de l’empathie », répond Debbie, qui ajoute que « croire les personnes quand elles disent que quelque chose les blesse, ça change tout! ». Elle nous suggère aussi d’éviter de commenter le corps des gens en général.

Grand, petit, mince ou gros, nos corps sont tous différents et tout le monde a ses complexes.

ÉquiLibre propose aussi des pistes très concrètes : que les entreprises et organismes offrent des uniformes de toutes les tailles à leur personnel, que les restaurants repensent leur mobilier, que les professionnel.le.s de la santé adaptent leur pratique, etc. Bref, qu’on crée des environnements qui cessent de marginaliser, volontairement ou pas, les corps gros.

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Voir les corps avec bienveillance

Debbie aimerait que les plus jeunes reçoivent un message clair : « Ton corps est valide, peu importe sa forme. Tu n’es pas obligé.e de toujours l’aimer, mais sois en équipe avec lui. Il te permet de danser, de travailler, de prendre tes ami.e.s dans tes bras. Ça lui vaut du respect. »

Et si les gens devaient retenir une seule chose de la campagne? Debbie prend une grande inspiration avant de répondre : « Ce n’est pas une question de se victimiser. C’est juste qu’on n’a pas la même réalité. S’ouvrir à cette idée-là, ça change tout. »

Bref, les microagressions grossophobes ne sont pas toujours visibles, mais elles sont partout. Cumulées, ça fait beaucoup, et la honte qu’elles font ressentir empêche souvent de les dénoncer. Et moins on en parle, plus elles continuent d’exister. Comme le rappelle la campagne « La grossophobie, ça suffit! » d’ÉquiLibre, le changement commence par le fait de voir ce qu’on ne voyait pas et d’agir avec bienveillance. Cette prise de conscience fait toute la différence!

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Pour participer à alléger le poids des microagressions, rendez-vous sur les pages Instagram et TikTok d’ÉquiLibre.

1 Léger pour le compte d’ÉquiLibre. (2025) Perception des Québécois.es à l’égard des microagressions grossophobes. Sondage réalisé du 12 au 14 septembre 2025 auprès de 1 072 Québécois.es de 18 ans ou plus.

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