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Mettre un N95 sur les arguments des anti-masques
À partir de samedi, le port du masque dans les endroits publics fermés sera obligatoire pour contrer la propagation de l’infâme COVID-19. Un move sécuritaire et responsable du gouvernement Legault pour certains, une supercherie inefficace et dictatoriale pour d’autres.
Dans cet océan tumultueux d’opinions divergentes, les deux camps font valoir leur position à l’aide de statuts ponctués de majuscules, d’emojis et parfois même d’informations impressionnantes, qui peuvent donner le vertige à un indécis.
On a voulu tester la véracité scientifique de quelques arguments trouvés dans des groupes Facebook et des vidéos YouYube anti-masque avec l’aide de Chantal Sauvageau, médecin-conseil en maladies infectieuses à l’Institut national de santé publique du Québec.
Argument #1: Quelqu’un avec le virus sans masque peut contaminer quelqu’un avec un masque. Dans cette logique, si le virus peut entrer par les fibres du masque, il peut aussi en sortir, donc il est inefficace.
Chantal Sauvageau: Le but premier d’un masque est d’agir comme barrière entre soi-même et une autre personne afin d’empêcher qu’on l’infecte avec nos gouttelettes. Maintenant, il existe plusieurs types de masques qui offrent différents degrés de protection. Le fameux N95 est au sommet de la pyramide de protection. Il est spécifiquement conçu pour laisser passer le moins de particules possible et il est équipé d’une membrane extérieure électrostatique, qui fait en sorte que les particules se collent dessus et ne pénètrent pas à l’intérieur. Même respirer avec ça est laborieux tellement les orifices sont petits.
Le but premier d’un masque est d’agir comme barrière entre soi-même et une autre personne afin d’empêcher qu’on l’infecte avec nos gouttelettes.
Ensuite, les professionnels de la santé qui les portent doivent passer un «fit test» pour s’assurer que le modelage avec leur visage soit parfait et qu’il n’y ait pas de brèches qui laisse passer le virus. Par exemple, aucun poil de barbe ne doit dépasser des pourtours du masque pour ne pas créer une route au virus jusqu’aux narines ou à la bouche.
Pour ce qui est des masques jetables en papier, les masques bleus ou blancs qu’on voit un peu partout, ils répondent aussi à certaines normes de protection, mais sont principalement conçus pour empêcher les gouttelettes de sortir. Contrairement aux N95, l’ajustement sur le visage n’est pas idéal et donc certaines particules peuvent se faufiler jusqu’aux narines ou à la bouche.
Les masques «maisons» sont peut-être les moins safe en termes de protection. Une partie des gouttelettes vont être arrêtées dans leur course lors de l’expiration, mais le virus est plus susceptible d’entrer par le tissu que dans le cas d’un N95. Un bandana avec un gros espace sous le menton, c’est pas très étanche, disons.
Argument #2: En mars dernier, on disait que le masque n’était pas efficace pour se protéger du virus. Pourquoi est-ce qu’on devrait écouter les experts maintenant qu’ils ont changé d’avis?
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Chantal Sauvageau: La science évolue. Étant donné que c’est un nouveau virus, ce qui était vrai hier n’est pas forc ément vrai aujourd’hui.
À l’époque, on se basait sur des données recueillies sur d’autres virus respiratoires comme l’influenza, qui nous laissaient croire que porter un masque n’était pas garant d’une protection du virus. Maintenant qu’il y a plusieurs études sur la COVID-19, on sait que le virus est différent de l’influenza et que le masque a de fortes chances de réduire le risque d’infection communautaire.
La situation sociale a elle aussi beaucoup évolué. Au départ, le gouvernement martelait que le meilleur moyen d’endiguer la pandémie était de rester chez nous et de pratiquer la distanciation, mais pas de se procurer un masque. On avait peur qu’il y ait une pénurie pour le personnel médical et les intervenants de premières lignes donc le message était différent. Avec le déconfinement, on juge que c’est dorénavant primordial de se couvrir le visage dans un lieu public fermé.
Cela dit, je comprends que les gens soient mêlés. Certains pays imposent le masque, d’autres le rendent optionnel ou le méprisent, les sources d’information se multiplient de jour en jour, c’est dur de s’y retrouver. La réalité, c’est que la science derrière le port du masque n’est pas béton. Mais je crois que dans le doute, il vaut mieux respecter les consignes du gouvernement plutôt que d’écouter des gens sans formation professionnelle.
Argument #3: Certains experts médicaux ont indiqué que les masques peuvent créer des risques pour la santé en diminuant la quantité d’oxygène dans le sang et en créant un excès de CO2 si porté trop longtemps.
Chantal Sauvageau: Des professionnels de la santé ont fait des tests avec des N95 portés plusieurs heures pour voir si leur taux d’oxygène avait diminué et il n’y avait aucune indication de carence d’oxygène ou de quelconque intoxication au CO2.
On peut éprouver un certain malaise à respirer avec un masque lorsqu’on est pas habitué, mais rien ne prouve que c’est dangereux pour la santé.
Si porter des masques pendant plusieurs heures était vraiment dangereux, je connais des dizaines de médecins qui n’auraient pas toughé 25-30 ans dans le métier.
Argument #4: Les masques commandés en ligne arrivent emballés dans des paquets non stérilisés qui ont passé entre plusieurs mains. Ils sont donc potentiellement porteurs du virus.
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Chantal Sauvageau: C’est vrai que le virus peut survivre sur des surfaces pendant quelques heures tout dépendamment de la porosité de celle-ci. Par contre, le potentiel de transmission est très limité.
La très grande majorité des études faites sur le sujet démontrent que la première cause de transmission est l’échange de gouttelettes de personne à personne d’où l’importance de mettre un masque.
Il faudrait que la personne infectée touche à ses yeux, son nez ou sa bouche pendant plusieurs secondes pour avoir assez de muqueuses afin que le virus puisse se reproduire une fois sur la surface. Ensuite, l’autre personne non infectée doit toucher précisément l’endroit contaminé plusieurs secondes et porter ses mains vers sa bouche, son nez ou ses yeux pour qu’il y ait une chance d’infection.
La très grande majorité des études faites sur le sujet démontrent que la première cause de transmission est l’échange de gouttelettes de personne à personne d’où l’importance de mettre un masque.
Donc oui il y a des chances de contamination au toucher, mais toute proportion gardée, ça reste très mince.
Argument #5: Il faudrait laver son masque toutes les 20 minutes et ne jamais y toucher si on veut que ça soit véritablement efficace, ce que la plupart des gens ne feront jamais.
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Chantal Sauvageau: C’est clair que si on touche à notre masque pour le replacer, il faut être vigilant et se laver les mains tout de suite après, sinon on risque d’avoir des particules infectieuses sur les doigts. Mais le fait de toucher le masque ne le rend pas inefficace pour autant.
Pour ce qui est de le laver, idéalement, il faudrait le mettre à la laveuse après chaque utilisation pour être 100% certain que rien ne subsiste dessus. Ce qu’on recommande, c’est d’avoir un sac avec quelques masques propres et un autre avec des masques sales. Comme ça on ne se trompe jamais et on est sûr d’en avoir toujours sous la main.