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Métier : poush-poushteur de Purell

Par
Hugo Meunier
Hugo Meunier
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Vous les avez vu apparaître ces derniers jours à l’entrée des commerces, discrètement, comme des ninjas, puis, un matin, ils étaient partout et faisaient officiellement partie de notre paysage pandémique : les poush-poushteurs de Purell. Exerçant un des rares métiers nés de la crise, nous sommes allés rencontrer quelques-uns de ces spécimens dans leur habitat naturel.

Mais avant, quelques informations pertinentes à leur sujet.

Le poush-poushteur de Purell est jeune ou relativement âgé. Il travaille seul à l’entrée de son commerce, sorte de rempart entre le monde extérieur et l’entreprise qu’il représente, obligeant sans relâche les clients à se frotter les mains avec une solution désinfectante s’ils veulent mener à bien leurs projets mercantiles. Certains clients rechignent, d’autres forcent les files d’attente, mais toujours, le PPP veille au grain, se métamorphosant au besoin en bouncer sanitaire.

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Ah et si on les nomme ici grossièrement « poush-poushteurs de Purell », c’est seulement parce que leur job est encore tellement neuve, que personne n’a encore eu l’idée de leur trouver un nom. On vit une pandémie mondiale après tout, le baptême peut attendre.

C’était la moindre des choses d’aller voir en premier Cédrick, le tout premier prototype de « poush-poushteur de Purell » que nous avons vu de nos vies, en poste depuis deux semaines devant le marché Tradition à un jet de pierre de nos bureaux. « Je travaille 42 heures cette semaine et c’est ce que je fais à temps plein », raconte l’adolescent de 16 ans, qui s’assure aussi qu’un minimum de civisme soit respecté dans la file d’attente s’étirant contre le mur de l’épicerie de quartier. « La plupart des gens sont gentils et me disent merci. Certains refusent, mais je dois les laisser passer. Je ne peux pas utiliser la violence », confesse Cédrick, qui avoue candidement trouver parfois le temps long debout toute la journée, avec son vaporisateur rempli de solution désinfectante pour les mains. « Je commence à reconnaître les clients. Certains sont jasants, d’autres ont leurs écouteurs et je les laisse tranquilles », analyse Cédrick, qui célèbrera ses 17 ans en confinement vendredi.

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Pour l’heure, cet élève de secondaire V demeure fidèle au poste, sans savoir quel est son titre exact. « Gestionnaire du contrôle sanitaire? », suggère-t-on, au bonheur du principal intéressé.

De rien. Et bonne fête Cédrick.

Les gens sont cools

À quelques rues de là, sur l’avenue Mont-Royal, Allisson se dresse dans l’entrée du Dollorama, armée de sa bouteille de gel hydroalcoolique. La jeune femme se tient debout derrière une petite table, sur laquelle se trouvent des rouleaux d’essuie-tout et un produit pour désinfecter les paniers et les portes, une autre portion de son travail. « Les gens sont cools et acceptent tous, c’est important pour eux », constate Allisson, en poste depuis la fin mars.

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Avouant être un peu stressée pour sa propre santé, l’employée porte des gants en permanence et dit prendre ses précautions. « Je fais les matins et une collègue me remplace les après-midi. Il y a toujours des gens », résume la poush-poushteuse, qui a la chance d’avoir un vrai titre d’emploi : coordonnatrice.

À la SAQ de l’autre côté de la rue, un gardien de sécurité veille à ce que tous les clients prennent eux-mêmes une petite dose de Purell avec la bouteille laissée à leur attention sur une petite table. Même chose dans plusieurs commerces en fait.

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Si le push-push en libre service est aussi très tendance à l’entrée des commerces, on préfère le professionnel du push-pushtage, dont le contact humain à distance est aussi soyeux que celui du gel désinfectant déposé au creux des mains.

Normand et son attirail

La preuve de l’importance de l’expertise humaine est personnifiée par Normand, posté avec son impressionnant attirail dans l’entrée de la succursale Métro un peu plus loin. Sur une table, Normand a plusieurs bouteilles de Purell et un autre produit au nom inconnu qu’il vaporise sur tous les paniers utilisés par les clients.

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Lors de notre passage, une longue file s’étirait dehors au soleil. « Les gens sont contents et me remercient d’être là. Je suis ici de 8h à 16h chaque jour », explique le sympathique Normand, à l’emploi du supermarché depuis 14 ans, mais qui occupera cette fonction durant la crise. « J’accepte pas les couples et je laisse entrer les gens un à la fois. Lorsqu’ils s’opposent aux consignes, je tiens mon bout », assure Normand, qui demande aussi à ses clients s’ils ont voyagé dernièrement ou s’ils ont des symptômes de la COVID-19.

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Lorsqu’on demande à Normand c’est quoi le nom de sa job au juste, il s’exclame en riant n’en avoir aucune idée.

Pourquoi ne pas prêter main-forte à Normand et les autres en contribuant à définir leur tâche? Poush-poushteur de Purell, c’est pas mal, mais n’hésitez pas à nous faire part de vos idées. Vaporisateur de quiétude? Badigeonneur d’armure liquide? Chevalier du virus?

Si ce métier est là pour rester quelques mois, aussi bien lui trouver un joli nom. Quelque chose qui témoignera du sentiment de gratitude qui nous habite lorsqu’on arrive face à ces êtres de bienveillance qui fleurent bon l’alcool à 70%.