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Méta snob à Saint-Pamphile

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Pour cette première chronique je me sens ici, par décence, obligé d’admettre que je ne suis pas snob : Je suis Méta snob. Comme dans la chanson de Vian : «Encore plus snob que tout à l’heure…»
Le Méta snob n’adhère pas aux modes car il se méfie du snobisme ordinaire, c’est-à-dire de ce que le peuple considère comme relevant de la prétention : écrire des poèmes dans les cafés, être à l’affût des tendances, s’habiller vintage, être invité à des vernissages, collectionner des disques introuvables, n’aimer que les bières importées, connaître les vins, citer des moralistes français entre deux poutines au foie gras, penser à l’échangisme ou au hockey en tant que phénomènes sociaux, reconsidérer les ritournelles de Passe-Partout comme s’il s’agissait de rock progressif, publier dans Urbania etc. Non! Malgré son air de s’en foutre, le Méta snob, équivalent postmoderne du dandy classique, est en quête de l’amour du vrai monde et des choses concrètes.
J’ai envie de parler ici, pour rien, d’un festival parfaitement régional qui, par son seul nom, fera rigoler les branchés du Plateau : le Festival du Bûcheux de Saint-Pamphile. Moi aussi j’ai rigolé : «Quoi, un festival de gars qui découpent du bois? On est loin de Osheaga». Très loin en effet : Saint-Pamphile est, aux yeux du Montréalais pur béton que je suis, un endroit presque exotique. Et ce festival présente effectivement des gars qui découpent du bois.
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J’ai traîné mon odeur de Gauloises bleues et de parfum cher une fois à Saint-Pamphile pour voir une bonne amie et sa famille qui vivent dans ce qu’on appellerait spontanément ici un trou perdu. Mon amie, qui y vit depuis des dizaines d’années avec son grand chum et ses deux enfants, parle en effet, et sans ambages, de Saint-Pamphile comme du «fin fond du trou du cul de la Terre.»
À la blague, croyant qu’il s’agissait d’une sorte d’épluchette de blé d’Inde, je me suis moqué de cet insolite Festival du Bûcheux et, sans penser du tout à mal, j’avais un peu vexé ma tendre amie, qui n’aime pas beaucoup la ville et se méfie, avec raison, du snobisme ordinaire des gens branchés. Par courriel à ma demande elle m’a récemment expliqué : «Ça en impressionne plus d’un de voir des bûcherons se livrer bataille dans des compétitions de vitesse et de précision. Ils abattent des arbres, les scient, les fendent, les cordent en un temps record. On y fait aussi la démonstration de la précision des opérateurs de machineries lourdes, tout cela se terminant par une fête et des chansons country. »
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Je ne me suis jamais senti aussi Montréalais qu’à Saint-Pamphile, en compagnie de ces gens adorables qui ne sont en rien de «simples ruraux», qui font semblant d’être «du vrai monde.» J’étais heureux d’être Méta snob. En fait, j’ai découvert à leur contact à quel point je suis maladroit dans ma manière d’être chiant, parce qu’être chiant est un art compliqué et que tout art mérite réflexion et travail. Je compte devenir encore plus chiant, encore plus montréalais, encore plus «Plateau», mais à un degré proche de l’extraordinaire et du jamais vu. Avec humour et clin d’œil, évidemment. Vive Montréal! Vive Saint Pamphile! Vive les bûcheux, quels qu’ils soient et quoi qu’ils bûchent!