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Mes fantasmes me perturbent

Mes fantasmes me mettent mal à l’aise

Ou quand le cerveau s’offre toute une virée dans l’imaginaire érotique. 

Par
Myriam Daguzan Bernier
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L’autrice est sexologue. Pour encore plus de conseils éclairés, visitez son compte Instagram et son blogue La Tête dans le cul.

TW : mention de viol

Réveil en sueur, cœur qui palpite, excitation sexuelle perceptible dans tout le corps et, en prime, peut-être même un orgasme nocturne (oui, c’est possible!).

Vous émergez de votre lit avec, toujours en tête, ce rêve qui vous a tenu en haleine une partie de la nuit. Même si c’était hyper excitant, vous pensez : oui c’était l’fun, mais quand même… vraiment weird!

Suis-je normal.e, docteur.e? 😬

RÊVE OU FANTASME?

Beaucoup de gens se questionnent après avoir eu des rêves érotiques plutôt troublants et se demandent si leurs fantasmes sont normaux.

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Mais est-ce que le rêve et le fantasme, c’est pareil? Eh bien, pas tout à fait. Le premier est totalement inconscient, alors que le second est souvent conscient… mais peut être aussi inconscient et, par exemple, décodé au terme d’une psychanalyse (on salue Freud!). Le rêve offre à l’esprit une évasion, une exploration des territoires inconnus de l’imaginaire (érotique ou non), sans contraintes. Le fantasme, quant à lui, permet de naviguer délibérément à travers des désirs et des fantasmes sexuels que l’on souhaite (ou non) approfondir ou simplement explorer pour le plaisir.

Le rêve et le fantasme ont cependant ceci en commun qu’ils sont des espaces de liberté, des territoires d’exploration sans censure. L’un et l’autre sont importants pour permettre de s’évader et, dans certains cas, d’apprendre à mieux se connaître en apportant un nouvel éclairage sur ce qui est excitant et nous allume. Si le rêve peut parfois nous transporter dans des scénarios complètement inédits, voire impensables (faire l’amour avec une libellule géante, mettons) et aléatoires, le fantasme permet, quant à lui, de choisir les éléments que l’on veut explorer et de jouer avec ceux-ci de toutes les manières possibles. Bref, vous êtes maître ou maîtresse à bord*.

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FANTASMER SANS LIMITES (OU PRESQUE)

Donc, si l’on en revient à notre question initiale, on peut dire que oui, c’est normal d’avoir des fantasmes qui détonnent et nous laissent parfois perplexes. Parce que l’espace fantasmatique est libre de toute contrainte. On peut donc y mettre ce que l’on veut, même si c’est inquiétant, voire carrément perturbant (je sais, une libellule, ça surprend).

Et c’est ici qu’entre en scène une nuance importante : le fantasme n’est pas la réalité.

Thanks, Captain Obvious, me direz-vous. Je m’explique : ce qui est fantasmé peut demeurer du domaine du fantasme et ne pas être acté dans la vie. Cela fait partie de l’imaginaire érotique. Par exemple, on peut avoir un fantasme de viol (ce qui est courant, tant chez les hommes que chez les femmes) et, en aucun cas, ne vouloir que cela se produise dans la réalité. Mais on peut aussi décider de le vivre via le principe du CNC (consensual non consent) en participant à une simulation de viol consenti (rape play). Ce n’est donc pas un viol en soi, mais plutôt sa reproduction « adaptée », si l’on veut. Parce que ce n’est souvent pas la violence du geste qui est fantasmée, mais plutôt l’idée de contrainte.

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On comprendra que ce n’est pas parce qu’on a un fantasme X que l’on souhaite nécessairement qu’il se produise dans la « vraie vie » ou qu’il doit être exécuté exactement comme on l’imagine pour être satisfaisant/intéressant. D’ailleurs, une étude de 2014 dirigée par le professeur Christian Joyal de l’UQTR et menée auprès de plus de 1500 adultes québécois révèle que de nombreuses personnes nourrissent des fantasmes variés, allant des plus communs aux plus rares, en passant par les plus insolites. On y découvre aussi que les femmes sont plus enclines à faire la différence entre un souhait et un fantasme (ex. : le viol mentionné ci-haut), tandis que les hommes sont plus enclins à passer à l’action (ex. : faire un trip à trois). On constate qu’il y a une différence marquée entre la mise en pratique réelle du fantasme et l’imagination qui s’amuse simplement avec différents éléments, sans volonté d’agir.

50 SHADES OF FANTASMES

Les fantasmes sont aussi influencés par ce qui se passe autour de nous. La porno en est un excellent exemple. Elle carbure aux scénarios anodins (ex.: l’attente d’une livraison de pizza qui se transforme en baise effrénée sur le pas de la porte), mais aussi aux sujets qui peuvent frapper l’imaginaire.

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Pendant la pandémie, il y a eu une éclosion de coronavirus porn. La guerre en Ukraine? La tendance « Ukrainian girl » a explosé sur les sites de porno en 2022. L’année suivante, des mots-clés comme « military uniform » ainsi que « robot » ou « machine » ont plafonné sur PornHub. Le très populaire site de contenu pour adultes a aussi compilé les termes de recherche utilisés lors des récentes élections américaines, révélant que la catégorie la plus recherchée par les Floridiens était MAGA (Make America Great Again).

Cet espace d’exploration personnelle est libre, oui. Mais il demeure teinté de ce qui ponctue notre quotidien que par le contexte historique, politique, économique et culturel dans lequel on évolue. Il se construit en parallèle à notre vision du monde, à nos valeurs, à nos événements de vie, etc.

En somme, il nous appartient totalement, mais il demeure perméable à ce qui se passe autour de nous. Et en nous. De là l’importance de s’occuper de son imaginaire érotique comme d’un lieu vivant et fluide.

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JARDINER DANS SA TÊTE

Parce que oui, les fantasmes, ça se cultive. On peut jardiner avec. Hein? Bear with me : ils font partie de ce qui construit notre imaginaire érotique que je compare souvent à un petit (ou grand, yo do you) jardin personnel, qu’on entretient selon ses envies, besoins et limites. Cet espace mental peut intégrer des images, des sons, des odeurs, des couleurs, des ambiances, des accessoires MAGA (moi, je vous juge pas!🙆), etc. Tout cela permet de nourrir les rêveries érotiques, conscientes ou non, éveillées ou non.

Fantasmer, que ce soit sur des sujets étranges ou tabous (j’ai dit que je jugeais pas!), est parfaitement acceptable, mais c’est aussi une belle façon d’élargir le répertoire de ses désirs. On entretient alors la vitalité de notre imaginaire érotique tout en conservant une fluidité dans l’agir sexuel. Parce que divers scénarios ont pu être (re)visités maintes et maintes fois dans la tête avant de passer – si c’est ce qui est souhaité – à la concrétisation du fantasme. Ou à quelque chose lui ressemblant.

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Bref, à moins que cela ne devienne problématique*, on peut se rappeler que les fantasmes (5 points si vous avez compté le nombre exact de fois où j’ai utilisé ce mot ou ses synonymes**) demeurent l’expression d’une certaine liberté d’être et d’agir dans un espace qui n’appartient qu’à vous. Aussi bien en profiter et… enjoy the ride! 🎢

*Évidemment, on parle ici de fantasmes positifs. Autrement dit, ce ne sont pas des comportements qui entraînent de la souffrance, du stress, une dépendance ou un dysfonctionnement, à l’instar de certaines paraphilies, telles que la pédophilie.

** La réponse est 25. Bravo!