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Merci, mon brave

Par
Catherine Ethier
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Tu aurais sans doute trouvé ce billet ringard. Mais comme Susan Sarandon est en en-tête, je sais que ça t’aurait plu.

Vendredi dernier, on se parlait pour la toute dernière fois. Il était question de mon billet Urbania. Oh, nous n’avons certes pas abordé la théorie quantique des champs; que du badinage. Du badinage empreint de sa chaleur habituelle. Ses bons mots (EN CAPS).

La fin de semaine dernière, une personne que j’aime beaucoup est partie. Comme ça, en un battement de cils; il était là et la seconde qui suivit, il n’y était plus. Il paraît que c’est comme ça, la vie; une minute plus tôt, tu passes le petit verrat de rouleau collant sur le kit plein de petits morceaux blancs que tu as vaillamment sacré dans la laveuse avec un kleenex, en te disant que cette soirée à laquelle t’as pas tant envie d’assister en vaut la peine. Et la minute d’après, c’est terminé. Tout ce souci pour une chemise que tu porteras jamais.

Richard est brièvement passé dans ma vie. Et cette mise en contexte de pauvre avec la blouse aux kleenex ne lui rend certes pas hommage. Mais je sais que ça l’aurait fait rire.

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J’avais simplement envie de lui écrire une dernière fois. De le saluer, ici.
Et je ne suis pas certaine qu’il aurait fait la split devant tant de cérémonie ou de larmoyance. Par chance, Richard, Susan (DÉGUISÉE EN GOMME BALLOUNE COLLÉE SOUS UNE CHAUSSURE SPORT) sauve la mise.

Richard lisait tout, absolument tout ce que j’écrivais.
De mes billets mondains sur les stars qui se fendent le fond de culottes dans un bistro, des billets que j’ai parfois honte d’écrire, aux papiers inspirés que je publie avec l’assurance d’une Oprah couchée en sirène pour un shooting photo de panty liners, il les parcourait tous. Avec une attention, une chaleur et un regard amusé que je ne méritais pas toujours.

Mais qu’importe; même dans le bourbier de l’infinie minceur syntaxique, il y était. Prêt à souligner le seul passage qui avait du sens, ou cette torride référence à Danny DeVito qui lui avait déployé les orteils en éventail. Un gentleman.

Il est de ces gens qui passent dans notre vie et qui, sans le savoir, la transforment.

OH HELLO, LE CLICHÉ.
Qu’on le coiffe immédiatement d’un très petit chapeau en cône et qu’on lui souffle des flûtes en papier qui retrousse dans le visage, à ce cliché. Parce que j’ai envie de le célébrer.

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De célébrer le passage d’une personne qui m’a, en quelque sorte, sauvé la plume. La plume et la peau (il aurait trouvé que ça ferait un excellent titre d’album. NOTE ÇA, TI-CUIR). Et ce qui est terrible, c’est qu’il n’avait certainement pas la mesure de tout le bien qu’il me faisait, même à distance. Même sans qu’on se côtoie le derme. Comme ça, gratis, par jours de pluie et de grands vents.

C’est souvent ainsi que ces gens de passage nous saucent, sans le savoir, dans la grâce. Avec ce sens inouï du timing. J’ai eu cette chance. D’être burinée du bas de la croupe par ses certitudes. Par son approbation et ses thumbs-up incessants. Des thumbs-up que je ne saisissais pas toujours mais que lui, estimait essentiels. Comme s’il me lisait le doute ou l’envie de tout sacrer là et d’aller vendre des chapeaux à Epcot Center.

Je ne voulais pas ce billet sirupeux de souvenirs tendres ou épitaphe; plusieurs l’ont fait avec beaucoup plus de finesse et – surtout – de pertinence que moi.

Je tenais simplement à te saluer le passage, Richard.

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Un passage que je n’oublierai pas et que je tenterai d’honorer à grands coups de dindonneaux photoshoppés sua tête de la Reine. Et à grands coups de courage, aussi. Parce que tu m’en as donné plus que quiconque.

Notre amitié n’aura duré que quelques mois. Une demi-année, tout au plus. Je la tiendrai au chaud, je te le promets. Et avant de partir, pour une dernière fois, cette petite marche qui t’avait tant fait plaisir.

La longue, longue bise.