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Mégantic, un train dans la nuit  : Quand la raison déraille

Une bd percutante sur la tragédie, pour se souvenir et pour en guérir.

Par
Mathieu Roy
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Maudit qu’on est épais pis égoïste, les humains.

Nous sommes supposément l’espèce la plus évoluée, mais nos agissements laissent souvent douter du contraire. Ce n’est pourtant qu’une poignée d’individus qui foutent la merde partout où ils posent leurs pattes véreuses; toujours avides de richesses et de profits au détriment de tout ce qui ne tourne pas autour de leur petit nombril. Des drames à échelle variables : microscopiques dans la balance quand vient le temps de faire plaisir aux actionnaires, mais aux conséquences funestes pour les communautés qui doivent composer avec les frasques de ces prédateurs endimanchés. L’histoire de Mégantic, un train dans la nuit en est une tristement célèbre et ses déflagrations font encore écho dans notre mémoire collective.

Ventre affamé n’a point d’oreilles

On a beau dire et répéter que les rails sont finis et que leurs locos pissent de l’huile, les big boss des compagnies ferroviaires impliquées dans la tragédie qui a fauché 47 vies ne veulent rien entendre : on doit aller de l’avant coûte que coûte — le moins possible. C’est un convoi équipé d’un seul homme conduisant un engin défectueux tirant des citernes extrêmement cheaps et non conçues pour le transport du type de pétrole le plus inflammable qui est chargé de toute la patente ? Ok, cool… S’ensuit une réaction en chaîne : feu pris dans le moteur, coupure des contrôles donc des freins, absence du cheminot. Tout ça aurait pu être évité si des individus bien intentionnés avaient pu faire leur travail comme du monde.

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Mais qu’est-ce que vous voulez, c’est ça qui arrive quand on laisse l’industrie s’autoréguler et qu’on réussit à corrompre des politiciens aux postes stratégiques en leur faisant miroiter une place sur leur C.A. en catimini. Et quand la shit hits the fan on se lance la balle d’un palier à l’autre, se dégageant de toute responsabilité pour ultimement jeter le blâme sur les derniers maillons de la chaîne qui doivent porter le fardeau de la charge jusqu’à la fin de leur vie tandis que c’est business as usual pour les vrais coupables… navrant, pour ne pas dire minable.

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Faire table rase

Une fois les carcasses tordues refroidies, il n’a fallu que 152 jours avant de remettre en action les bombes sur roues à travers le centre-ville carbonisé. Un gigantesque doigt d’honneur à toute la population endeuillée qui se relève à peine et dont l’espoir renaît des cendres. On veut rebâtir, recréer ce qui n’est plus. C’est tout le contraire qui arrive. D’abord voué au tourisme de catastrophe, on décide plutôt d’en exproprier les habitants et de détruire les maisons et magasins restés debout pour ensuite y implanter de grandes bannières pour le plaisir des locaux. Hourra !

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Qui vivra verra

C’est un conte capitaliste comme il s’en écrit partout ailleurs sauf que celui-ci est made in Québec ce qui rend la chose bien vivace. La mise en images des événements par Christian Quesnel fait surgir des visages des décombres et s’imbrique parfaitement avec le récit narré de la bouche d’une grand-mère, sortie de l’imagination d’Anne-Marie Saint-Cerny. Un livre percutant dont la douce amertume convie à la réflexion sur le monde dans lequel nous évoluons et notre rapport à un modèle économique qui semble vouloir nous avaler tout rond. Sommes-nous sur la bonne track ?

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