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Méchants voisins

Par
Marie Darsigny
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Je n’ai jamais été très chanceuse avec les voisins. En dix ans d’appartements montréalais, j’ai toujours eu des voisins pas mal bruyants et/ou chiants. C’est tout de même resté dans le domaine de l’acceptable: gloussements provoqués par excès de vino, rénovations impromptues à minuit le soir, concours de chants de gorge entre amis le samedi. Ça va, ce n’est pas si mal. Je réussis à vivre avec un taux de succès relativement satisfaisant.

Il ne faut pas oublier de mentionner que je suis une vieille dame avant l’âge. Une grand-maman pas du tout dure de la feuille, il faut dire. En fait, j’ai plutôt l’oreille fine: je prends donc mon mal en patience en me disant que c’est moi qui exagère.

Sauf que. Il y a des limites à être un voisin chiant. Cette limite, je l’ai atteinte la semaine dernière, chez mon amie tout récemment installée à trois blocs de chez moi. Nous installions ses cadres en buvant de la bière lorsque l’incroyable s’est produit. Nous avons fait connaissance avec Courtney. Courtney est la voisine du dessus. Courtney est tout un numéro. Courtney est la raison pour laquelle nous avons eu un petit meeting inattendu avec la police. C’est que, voyez-vous, Courtney voulait qu’on lui appelle un taxi pour « aller vendre d’la coke sur Parc ». Lorsque nous avons fait l’erreur d’appeler un Taxi Coop au lieu d’un Taxi Diamond, nous avons eu droit à des représailles. Représailles du genre: insultes criées à deux pouces du toupette, tentative d’effraction dans le logement de mon amie et ultimement, menaces de mort.

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Après avoir reporté l’incident à la police, de retour dans mon petit logement semi-silencieux, j’ai pensé. Comme une ado sur son premier trip de mush, j’ai pensé à cette fascinante expérience qu’on pourrait résumer à « vivre dans grand’ ville ». J’ai pensé à ces inconnus qui sont si près de moi, physiquement. Un mur nous sépare, mais nous ne connaissons pourtant que rarement la personne qui dort tous les soirs de l’autre côté.

Bien sûr que c’est quétaine à dire et c’est aussi faussement humaniste d’avoir l’ambition de changer les choses le temps d’un daydream. Je pourrais néanmoins me forcer un peu et cuisiner des cupcakes pour le voisinage. Partager mon lait et mon wifi avec la voisine d’à côté. Commencer un potager communautaire dans le petit carré de terre sur le trottoir. Il y a plein de choses qu’on pourrait faire, tous ensemble.

Quand je vois des initiatives de ruelles vertes ou de groupes Facebook de quartier, je trouve que ç’a l’air beau, la vie de voisinage paisible. Les gens s’échangent des sortes de terre bio pour leurs bacs à fleurs, ils se donnent du linge de bébé devenu enfant, ils élèvent des poules et se font des omelettes géantes à partager le dimanche matin. Je suis certaine que même Courtney serait tentée de participer. Je vous le dis, ce serait beau comme dans un film de Disney. Cependant, dans la vraie vie, de mon expérience du moins, il en est un peu autrement.

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Mon voisin d’à côté fait grimper des plantes dans un ingénieux système de fil à pêche tressé en carrés. La remarque que j’entends le plus souvent lorsque j’écoute les passants admirer son oeuvre? « Eille, on pourrait toute y couper ça dans un clic de ciseau! » Détruire au lieu de s’entraider, comme une belle gang de pas-fins.

Autre anecdote triste de voisinage: mon vélo violenté (non ce n’est pas le nom d’un roman de la Courte Échelle). À date, cette saison-ci, je me suis fait voler un banc et une poignée en caoutchouc. Je me suis aussi fait recouvrir mon vélo de crème à raser, une expérience ma foi passionnante, surtout les 45 minutes que j’ai passées à essayer de nettoyer le tout. Qui sont les coupables? Des voisins, sans doute. Je veux dire, qui d’autre? La voisine qui ronfle au rez-de-chaussée est peut-être la même personne qui se lève en pleine nuit, cannette de crème à raser à la main, pour barbouiller les vélos qu’elle juge indésirables sur sa belle clôture de métal (au lieu de simplement mettre une affichette « interdit aux vélos » – qui est cependant une autre plaie de voisinage, selon moi, mais bon).

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Je ne veux pas vous faire peur, mais je pense que tous les voisins sont un peu des monstres. Comme dans un livre de R.L. Stine: souriants au grand jour, mais devenant possédés du démon dès que vous avez le dos tourné. Si on est tous le quétaine du voisin, on est aussi son cauchemar.

Les gentils groupes Facebook, l’entraide amicale, les services rendus en retour de rien pentoute: que du rêve.

Bref, ne vous faites pas trop d’espoir. Attention aux méchants voisins: ce sont peut-être les vôtres.