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Mauvais perdant

Par
Jay Du Temple
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Aujourd’hui, je te jase d’un sujet qui va probablement te surprendre. Je te parle d’un défaut que j’ai. N’oublie pas que je suis gentil, que je texte ma mère quotidiennement et que j’écoute trop de Céline Dion.

Je suis mauvais perdant. « Ah, tu es compétitif. » Non, je suis dé-sa-gré-a-ble. Je déteste perdre. « Ah, tu es intense. » Non, j’ai déjà craché au visage de quelqu’un. J’ai déjà poussé un arbitre. J’ai déjà prononcé les mots « je-vais-te-tuer » dans cet ordre précis. J’ai trop souvent pleuré dans une chambre d’hockey ou dans ma voiture en revenant du terrain de football. « Ah, t’es une marde. » J’ai aussi été voir Finding Dory seul au cinéma en après-midi, mais ce n’est pas de ça qu’on parle.

Je suis deux personnes. Dans la vie, je suis gentil, mais, en patin, je suis vilain. Dr. Jay-ckyll et Mr. Hyd-ostie d’malade.

Je ne suis pas fier de moi. Je n’encourage aucunement ce genre de comportement. Je n’ai pas toujours été ainsi.

J’ai commencé à jouer au hockey à 4 ans et ça a été mon obsession jusqu’à l’âge de 15 ans. Cette année-là, j’ai découvert ce qu’on appelle « les filles ». Avant ça, le plus important dans ma vie était que mon bâton soit toujours bien tapé. J’ai dormi avec mon premier bâton one piece. J’aurais aimé vous dire que cette information est fausse.

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J’ai arrêté de jouer à 15 ans. Cette saison-là, j’avais été confirmé dans le bantam AA (plus haute catégorie pour les 14-15 ans). Puis, première journée de la saison, je me casse la clavicule à l’école (ça jouait rough dans le cours de 436). Le coach ne voulait pas attendre mon rétablissement, il a décidé de me couper de l’équipe et prendre un autre joueur. Cette journée-là, j’ai voulu lâcher le hockey. La dernière fois que j’avais pleuré devant mes parents, c’était lorsqu’ils m’avaient appris (spoiler alert) que le Père Noël n’existait pas.

J’ai donc passé la saison dans le BB où j’aurais dû être un joueur dominant, mais j’ai plutôt décidé que j’allais être un simili-goone. Je n’étais plus intense, j’étais agressif. Je suis devenu extrêmement baveux. Lorsque je recevais une punition, elles venaient en paquet de deux: rudesse et antisportif. J’ai donné des tennis elbow aux arbitres à force de me faire donner des punitions. Avoir été un physio, j’aurais fait la palette.

Dernier match de la saison, je pense que c’est une des dernières fois que j’ai pleuré comme un bambin. Pas capable de reprendre mon souffle. Des grosses larmes de crocodile. Le tout, habillé en hockey dans une chambre qui pue le jackstrap après m’être fait expulser de la joute à Sorel. Ce qu’on appelle « le fond du baril ».

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L’année suivante, j’ai pris la décision d’arrêter l’hockey. J’ai passé une merveilleuse année. J’ai fait d’autres sports, je me suis impliqué à l’école, j’avais une vie autre que l’aréna et l’odeur des gants sur mes mains (qui est une odeur que j’aime encore à ce jour et qui persiste encore sur mon majeur gauche).

Puis, comme un alcoolique qui se dit qu’il va boire juste une gorgée, deux ans plus tard, j’ai recommencé à jouer dans une ligue maison « juste pour le fun » que je disais. Trois ans plus tard, je me retrouve au point de départ, à pleurer, seul, dans une chambre d’hockey, mais cette fois-ci, à l’âge adulte.

J’ai arrêté officiellement à 20 ans, après m’être battu dans une ligue de garage dans laquelle je faisais juste remplacer. Je suis débarqué de la glace, fusillé par des regards d’hommes apeurés par ma présence, sachant que c’était la dernière fois que je mettais mes patins pour un bon bout de temps.

Ma première thérapie a été le frisbee ultime. À part le nom, il n’y a rien d’enfantin dans ce sport. C’est rapide, stratégique, difficile et vraiment trippant. Il y a beaucoup de ligues mixtes sans arbitre. Lorsqu’il y a conflit, on reprend le jeu et à la fin de la joute, on doit faire un cri pour remercier l’adversaire. On dirait un sport inventé par des animateurs de camp de jour qui s’appelaient « Plaisir », « Joie » et « Pas d’chicane dans ma cabane ».

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J’ai aussi essayé des sports comme la boxe, les arts martiaux et le crossfit; tous des sports individuels où mon plus grand adversaire n’était pas le gars qui allait possiblement me knocker, mais plutôt moi-même; la partie de moi que je devais contrôler pour ne pas perdre la tête et ainsi me faire cogner.

À ce jour, je n’ai toujours pas rejoué dans une équipe d’hockey fixe. Je remplace de temps en temps. Je joue au hockey cosom beaucoup. Je me choque. Moins qu’avant, mais quand même trop pour une ligue amicale avec des collègues qui ne connaissent que le Jay qui fait des blagues sur sa famille ou Poufsouffle (lis Harry Potter).

J’aurais vraiment voulu être un athlète professionnel. La raison pour laquelle ça n’est pas arrivé, c’est parce que le sport sort un mauvais côté de moi. Aujourd’hui, je suis humoriste parce que j’ai appris à me dépasser, à être discipliné, à prendre des coups, mais surtout, parce que l’humour me rend une meilleure personne.

Pour lire un autre texte de Jay Du Temple: « Rupture amicale ».

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