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Improvisons-nous «ludeur» quelques instants. N’avez-vous pas remarqué que tout projet, création ou autre invention de l’esprit semble désormais inévitablement liés au monde du ludisme? Mais pourquoi l’expression est IN alors que le mot jeu est OUT?
Mise en contexte: On vous appelle pour un nouveau projet, un néo-roman ou une pièce d’art contemporain qui exprime la haine humaine par le garochage de peinture sur des coureurs nus. Quel sera le point commun de tous ces happenings?
Le ludisme!
Vous fumez une ultime cigarette avant un fatidique spectacle quelconque tenu dans un Bain revitalisé en théâtre brun. Vous désirez tout faire afin d’éviter les mises en contexte de vos amis qui parlent sans cesse des incontournables bouquins et quelques films scandinaves sous-titrés qui sont de devenus de réels incontournables à la compréhension de la prestation à venir. C’est l’heure d’affirmer votre âme de joueur compulsif et d’assumer le fait qu’on vous surnomme le René et Céline des partys printaniers du Plateau: coupez court à la conversation et pariez! 5-10-100$ dollars, selon vos moyens respectifs. Le pari? Que le mot LUDIQUE figurera en ligne 1 du programme! Bingo! Une autre petite victoire.
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Même le blogue Urbania que vous lisez en ce moment ne fait exception. «Ça va être quoi c’t’affaire là?» Réponse: «Ça va être ludique, tel un jeu, mais en plateforme blogue.»
Tout est devenu ludique! Horreur! Aucune possibilité d’apprécier quelque chose de plus ou moins le fun ou de tout simplement plate… Pourtant, si nous utilisions tout simplement les mots, jeu, amusant ou jouant, qui sont en soi des expressions beaucoup moins funky, on vous répondrait: «bof, je préfère quelque chose de plus ludique.»
La magie de ce mot réside dans sa vertu à ne vouloir rien dire et de demeurer systématiquement flou. Par conséquent, il évite à des rédacteurs la lourde tâche d’élaborer des centaines de pages de concepts et d’explications détaillées.
«Ton projet mon Gaetan est-il ludique? Non rétorqua-t-il. Yé juste bon…» – REJETÉ
«J’ai préparé cette oeuvre comme un jeu.» – REJETÉ
«Ma vie est d’autant plus ludique que depuis notre rencontre.» – ACCEPTÉ
Mais il y a pire. Telle une grippe porcine, l’expression se répand. Je crois même l’avoir entendu à Dieu Merci avec le ludique Éric Salvail, c’est tout dire. Mais imaginez-vous que l’on peut également utiliser des expressions connexes tels: ludothèque, ludant et ludé, selon le très sérieux Wikipedia.
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«Cette surprise-party (prononcée partie) m’a donné l’effet d’une ludothèque.»
«Je me sens l’âme ludante ce matin.»
ou
«Mon silencieux de BMW fait un petit son ludé.»
Allez chercher le fusil quelqu’un!
Je préfère pratiquement ne plus jamais avoir de fun à la seule et unique condition que cette expression soit bannie de mon entrourage.
En guise de démonstration que l’expression ludique est en train de nous ronger jusqu’au plus profond de notre âme, je vous propose un petit exercice. Regardez ces artistes et répétez à haute voix les phrases suivantes:
Beau Flash est ludique
Beau Flash est ludique
Beau Flash est ludique
La magie vient d’opérer, vous aimez maintenant Beau Flash et ça va vous prendre tout votre petit change pour ne pas aller courir l’acheter à l’Armée du Salut le plus près de chez vous et ainsi rater la chance de lire la suite du texte.
Même chose pour le look de Stéphane Bass. Sur le coup, il offre un léger arrière-goût de type «Boulevard Taschereau». Mais si je vous présente le tout comme une coupe Longueuil ludée et une chemise ludiquement pastel et il devient tout simplement mûr pour ArTV.
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En conclusion , lâchez-moi le ludage et refusez de devenir ludeux. Faites comme Yvon Potvin et soyez tout simplement divertissant.
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