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Mathieu Dufour: remplir deux Club Soda en deux swipe up

Rencontre avec un humoriste 2.0

Par
Jasmine Legendre
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En déroulant mon feed d’actualités Facebook il y a quelques jours, une nouvelle a retenu mon attention : Mathieu Dufour, un jeune humoriste de la relève, s’offrait son premier Club Soda en décembre prochain. 500 places à remplir, ça m’a semblé beaucoup pour quelqu’un qui roule sa bosse en stand-up depuis à peine un an.

Tant mieux pour lui, que je me suis dit.

Mais quelques minutes après (pas plus), il annonçait un deuxième Club Soda, puisque la première date était déjà sold out. On ne parle pas de Martin Matte ou Sugar Sammy ici, mais en 5h, un certain Mathieu Dufour a réussi à remplir deux salles.

Pourtant en le googlant, aucun des grands médias n’en parle et l’humoriste semble passer sous le radar de l’industrie. Sa recette secrète, «deux stories en swipe up Instagram» et 40 000 abonnés en peu de temps.

Entretien avec celui qu’on pourrait qualifier de phénomène de l’humour réinventé.

Depuis quelques mois, les choses s’accélèrent à un rythme effréné dans la vie de Mathieu. Celui qui ne se destinait pas à la scène à sa sortie de l’École nationale de l’humour vient de terminer sa deuxième tournée à travers le Québec et a déjà annoncé deux nouvelles dates au Club Soda. La vitesse à laquelle les billets s’envolent lui laisse présager un bel avenir. «Si on m’offrait une année de tournée à travers le Québec, je dirais non», m’avoue toutefois Mathieu en sirotant son café sur l’avenue Mont-Royal. «Je ne suis pas une vache à lait, tu vas pas me vendre 400 salles parce que ça fonctionne. J’en fais deux et le sentiment de rareté fait que ça vend aussi vite», me dit-il en parlant comme quelqu’un qui semble maitriser le marketing 2.0.

«J’écris pas de texte. Chaque heure de show, c’est jamais la même.»

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Pour le touche-à-tout qui a déjà un disque de Noël à son actif, une websérie sur noovo.ca et une certaine notoriété sur les réseaux sociaux, c’est encore important de faire les projets qui le rendent heureux. C’est ce qu’il a réussi à faire pour la scène, qu’il n’affectionnait pas particulièrement au départ. Jumelant l’improvisation à ses anecdotes personnelles, il a finalement trouvé une formule qui lui sied à merveille. «J’écris pas de texte. Chaque heure de show, c’est jamais la même», explique-t-il. Pour sa dernière tournée, il pigeait d’ailleurs dans un chapeau ses «sketchs», qui sont des histoires vécues, pour les raconter à son public. Pas de mise en scène, pas de jokes rodées, il y va comme bon lui semble, dérapant quand il en a envie. «J’essaie pas de pousser des jokes que j’ai écrites il y a 6 mois en disant “Hier soir…” Moi, je perdrais ma magie là-dedans, si je faisais ça.»

Si tout semble s’emboîter pour le jeune humoriste, rien ne laissait présager un tel succès sur les bancs d’École de l’humour. Mais cet éternel optimiste avait confiance. Il se cherchait, n’hésitait pas à essayer des affaires, se mettre à l’épreuve. C’est lors du dernier cours qu’il a compris ce qui le motivait à faire de l’humour et ce dans quoi il excellait : «l’authenticité».

Il se remémore cette soirée arrosée, où il s’était retrouvé au 281 avec ses amis en pleine audition pour devenir danseur. «Mes deux amies ont dit mon nom et la salle s’est mise à crier “Mathieu, Mathieu, Mathieu”. Je voulais pas y aller, mais je me suis demandé si j’étais en train de passer à côté de l’anecdote de ma vie», se remémore-t-il. Il est donc monté sur scène, sans se dévêtir, et a gagné le concours. «Le lendemain, j’ai scrappé le numéro que j’avais préparé pour mon cours et j’ai raconté ça. C’est là que j’ai eu le plus de réactions.»

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Les médias sociaux comme carburant

Il sort de l’école sans gérant pour mousser sa carrière, mais avec un outil important en poche: son cell. C’est que Math Duff – comme ses fans l’appellent – est bien populaire sur Snapchat (pas encore mort et enterré à l’époque) à la suite d’un article Narcity qui l’avait inséré dans l’article «Les 50 comptes Snapchat à suivre dès maintenant au Québec».

«C’est absurde, j’étais placé entre les jumelles Stratis pis Sarah-Jeanne Labrosse!»

L’effet «Narcity» a néanmoins vu le nombre de views augmenter jusqu’à 3000 (c’était beaucoup à l’époque) pour ses stories où il documentait son quotidien «pompette» ou «absurde». Pour la petite histoire, Mathieu a déjà acheté une colombe, saoul à 4h du matin, et celle-ci a maintenant près de 10 000 abonnés Instagram.

Mathieu a déjà acheté une colombe, saoul à 4h du matin, et celle-ci a maintenant près de 10 000 abonnés Instagram.

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Si en moins de 9 mois il est passé de 6000 à plus de 40 0000 abonnés Instagram, il était plutôt réticent à migrer sur cette plate-forme au départ, alors que de gros noms de l’industrie comme Kath Levac, Marianna Mazza et Jay Du Temple le suivaient. «Chaque fois que je mettais une story, ça me mettait une pression. Je me disais, je ne peux pas être la personne sur Snapchat que sur Instagram.»

Peu à peu, il a apprivoisé le fait que sa manière de travailler était différente de celle de ses collègues humoristes. «Côté réseaux sociaux, oui, ç’a été vite, mais du côté du milieu de l’humour, ç’a été plus long. Je n’ai jamais fait de soirées d’humour, de bars. Les gens ont une vision très intense de comment ça doit se passer, mais moi ça ne me tentait pas», raconte Mathieu. Il a plutôt réussi à se créer ses propres canevas pour se faire du fun.

«J’ai passé sous le radar pendant un an et demi, mais dans ma tête, je savais que ça allait bien aller.» Partageant du contenu presque chaque jour -sauf quand il est hangover et dans son lit caché pendant trois jours-, Mathieu a réussi à fidéliser sans médias mainstream un auditoire enthousiaste. Au point que certains le harcèleraient pour le voir en show et mettraient des alarmes sur leur téléphone pour mettre la main sur des billets. «J’ai compris que ce qui a fait tout débloquer, c’est moi-même», m’explique-t-il humblement. Il enseigne aussi une leçon aux gens du milieu en prouvant que sortir du carcan habituel, ça peut être payant.

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Et pour la suite? «Je veux continuer à faire ce que je fais en ce moment, c’est-à-dire avoir une idée qui me poppe en tête, la faire et trouver ça drôle.»