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Marie-Lyne Joncas, sa coach de vie Gisèle et son mystérieux film Monsieur Balai
Guillaume Lambert est comédien et scénariste. Il est de nature angoissée et il adore entrer dans l’intimité d’autrui pour se rassurer sur ses propres inquiétudes. Les verbatim extraordinaires de Guillaume Lambert sont la transcription exacte d’échanges entre Guillaume Lambert et des gens qu’il trouve… extraordinaires.
Mardi 30 janvier 2018
Ça sonne.
Joncas : Oui bonjour.
GL (chantant sans grand enthousiasme, mais tout de même amusé, sur l’air de Manon vient danser le ska) : Joncas vient danser le ska. Montre-moi le nouveau pas.
Marie-Lyne s’exclame, Guillaume poursuit, encouragé.
GL : (chantant toujours) : Y’a personne qui danse comme toi. Dis Joncas viens danser le ska.
Joncas : Je suis dans ma voiture.
GL : Es-tu toute seule?
Joncas : Oui.
GL : T’es rendue là. Tu t’es payé un char.
Joncas : Moi j’ai une voiture depuis que j’ai l’âge de 16 ans, Guillaume. Ma location finit bientôt pis la prochaine, je vais prendre les bancs chauffants.
GL : Ah c’est-tu vrai? Moi aussi j’en ai eu une, une voiture, à l’âge de 16 ans, mais je l’ai perdue à l’âge de 17 ans.
Joncas : Comment ça? Alcool au volant encore?
GL : Ben non, j’étais à Sorel pis j’avais ma Celebrity 84 pis finalement j’ai décidé d’être un va-nu-pieds à Montréal. Faque je l’ai redonnée à mes parents à Sorel pis y l’ont revendue sur Internet pour 500 $ pis c’est un jeune qui l’a achetée pis y’é allé faire des wheeling dans le pit de sable avec pis y l’a toute scrappée en 2 jours.
Joncas : C’est toute qu’une tragédie ça, dans ta vie. Ça te suit encore.
GL : J’ai ma psy, t’as ta psy, on a chacun nos bibittes. T’es en route vers chez elle là, c’est ça que tu me textais avant qu’on se parle?
Joncas : Gisèle, qu’a s’appelle. Ben c’est plus une coach de vie, dans mon cas, je te dirais. Y’a pas vraiment d’heure… J’arrive un peu quand je veux. Je repars quand je veux. Des fois, a nous suit en show avec Les Grandes Crues. C’est vraiment une cool madame. 55 ans, black. Est vraiment relax, hippie un peu. C’est vraiment quelqu’un d’ouvert. Je peux vraiment lui parler de ce que je veux. C’est pas dans un cadre du genre « je t’écoute avec un pad », mettons.
GL : C’est plus adapté à ta personnalité finalement : t’es une bohème, t’es une hippie.
Joncas : Est-ce que je suis vraiment bohème, Guillaume? Je te le demande.
GL : Je sais pas! On se connaît, on se connaît pas. On s’aime ben, mais à part chaudaille dans des partys, on a jamais eu de vraie conversation.
Joncas : Te rappelles-tu la première fois qu’on s’est vus?
GL : C’était-tu sur le tournage de ton court métrage « Monsieur Balai »?
Elle rit.
Joncas : Oui. C’était le court métrage que j’avais écrit. On l’a jamais vu d’ailleurs.
GL : Non, on l’a jamais vu. On a tourné quelque chose d’unique, pis c’est jamais sorti. Raconte donc la genèse de « Monsieur Balai ».
Joncas : J’étais à l’université en… en… en relations publiques, communications… M’en rappelle pu. Je faisais un certificat qui était finalement une majeure… que finalement j’ai transformée en bac. Bref, je devais écrire un court métrage dans mon court de cinéma et Valérie de Launière, mon agente et cousine, m’avait parlé de toi, en disant : « tu devrais prendre Guillaume Lambert, y’é vraiment drôle, tu vas l’aimer ». Pis là, t’es venu sur le plateau de Monsieur Balai, tu jouais le rôle-titre.
GL : Je jouais le gars d’en bas qui haïssait ses voisins bruyants, faque je tapais dans le plafond avec un balai. Pis là je sais pas de quoi je suis mort, mais je suis mort, pis les voisins bruyants venaient à mes funérailles.
Joncas : C’est ça! Moi je jouais une thanatologue.
GL : Je me rappelle de rien d’autre, sinon que je me disais que c’était une fiction crédible.
Joncas : Je devrais retrouver le scénario de ça, pis on devrait le retourner ensemble.
GL : Si jamais j’ai des subventions pour tourner un film en 3D, c’est ça que je fais.
Ils rient.
GL : Faque là, toi t’as fait un bac, pis tu t’es dit : « hey finalement, moi je vais être une humoriste alcoolique ».
Joncas : Ben quand j’étais au bac, la dernière année, c’était le Printemps Érable. Les cours avaient été annulés. Moi je travaillais à l’agence de Valérie comme assistante. Je venais de me faire laisser. J’étais quand même plutôt malheureuse. Pis là j’ai rappelé mon ex en lui disant que j’avais pas de sens à ma vie, pis lui m’a dit : « Marie-Lyne, tu devrais t’inscrire à l’École Nationale de l’Humour. Tu le sais que c’est quelque chose que t’as toujours voulu essayer ». Faque toute ça, c’est un peu grâce à lui. Faque je me suis inscrite, pis j’ai été acceptée du premier coup. Je n’ai jamais fini mon bac. Il me manque quelques cours. Et ce, au grand désarroi de ma mère d’ailleurs.
GL : On va te le payer pour ta fête si tu veux, je vais partir une campagne de socio-financement. Tu iras faire un cours d’espagnol pour avoir toutes tes crédits.
Joncas : Y peuvent-tu créditer des cours de swing à place?
Guillaume rit.
GL : Faque la conclusion, c’est que le Printemps Érable a accouché de ta carrière. C’est ça qui s’est passé. Mais t’as ben faite! Parce que, on va se le dire, y s’en passe, des affaires, depuis une coup » d’années, pour toi!
Joncas : Ah, je suis très heureuse, Guillaume. Je te rends le compliment. Je suis très fière de toi. On s’est connus à l’époque où…
GL :… on ramassait les canettes dans les partys pis on allait les vendre dans les dépanneurs.
Joncas : Hey moé, j’en ai tu empilé des chaises dans des soirées en me disant : « là, faut qui se passe de quoi ». Mais là, je me trouve super chanceuse dans tout ce qui m’arrive, je fais de la radio, je fais de la scène… mais le jeu me manque.
GL : Tsé, t’as plein de chapeaux, j’ai plein de chapeaux. Mais des fois les gens sont mélangés quand on a trop de chapeaux. Tu le vis-tu, ça?
Joncas : Ouin. Mais là je te dirais que c’est comme si tous mes chapeaux se regroupaient en un pis que j’étais devenue « Marie-Lyne Joncas la comique », que c’était « ma personnalité » qui travaillait. Mais tsé, si je voulais un premier rôle dramatique dans Nouvelle Adresse saison 3, faudrait que je travaille fort.
GL : Tu sais que Nouvelle Adresse est pu en ondes depuis au moins deux ans?
Il y a un silence.
GL : Est morte pis y’ont vendu la maison.
Joncas : Ben oui.
GL : Je sais pas si tu te rappelles, mais j’étais dans Nouvelle Adresse.
Joncas : Oui! Tu faisais… euh… un gars qui avait un musée… non pas un musée…
GL : J’avais une galerie d’art pis j’allais tout le temps à Berlin pis quand je revenais, pour bien faire comprendre au spectateur que j’étais allé à Berlin, je disais toujours une phrase en Allemand.
Il dit une phrase en Allemand.
Joncas : Pis tu trippais sur Patrick Hivon.
GL : Exactement.
Joncas :… qui d’habitude, joue plus des mauvais garçons.
GL : Y joue des bad boys, mais c’est à cause de sa petite voix cassée. Y’a tout le temps l’air d’être sur le bord des larmes, mais non, c’est juste des nodules.
Marie-Lyne rit.
Joncas : Hey je l’aime ben ton concept d’entrevue.
GL : C’est ben simple. J’ai du fun. L’autre fois, c’était Julianne Côté qui allait à l’épicerie, là c’est toi dans ton char qui s’en va chez Gisèle.
Joncas : Je suis d’ailleurs à quelques minutes d’aller mettre du gaz. Où est-ce que tu penses que je suis en ce moment? Essaie de deviner.
GL : Euh… ben si tu dois mettre du gaz pis que tu t’en vas chez une madame coach de vie hippie, je dirais que t’es pas mal dans le coin Rosemont-Villeray.
Joncas : J’embarque sur le pont à l’instant.
GL : Oh! Ça se passe.
Joncas : On dirait que toi, je te vois pas au volant d’une voiture. Pantoute.
GL : Ben non, je suis ben trop anxieux. Je suis un lunatique. Moi quand je suis dans un char, je regarde dehors, je me dis « hey c’est vrai, ça, ce serait une bonne histoire », pis là, bang. T’as frappé quelqu’un. Mes amis rient de moi parce que quand je suis passager, je me tiens après la petite poignée au plafond. Y’a personne qui fait ça, se tenir après la poignée, ça sert absolument à rien. Ça montre juste que je suis un petit nerveux, en voiture. Je suis moins nerveux en avion qu’en voiture, je te dirais.
Joncas : Oh mon dieu, parle-moi pas d’avion pendant que je conduis.
GL : T’aimes pas ça faire de l’avion? Moi j’aime ça!
Joncas : Oh non, moi je BAD-TRIP totalement.
GL : Ah non, moi je suis content, c’est le paradis du vin cheap gratis. J’aime ça l’avion : c’est comme un moment de toi à toi. T’es tout seul, t’as rien d’autre à faire pis personne sait t’es où. Faut dire que je suis assez chanceux quand même, d’habitude : je pogne la seule rangée de libre pis je suis tout seul avec toutes les couvertes de trop, je me fais une cabane de couvertes pis j’écoute de la musique pis des films pis je lis des livres pis je suis ben heureux de ça. Je commence tout le temps par me claquer un bloody mary.
Joncas : Moi je suis tout le temps la « pas chanceuse ». On s’en va à deux, on sera pas dans la même rangée, je suis avec des inconnus, pis ça brasse tout le long. Quand j’ai voyagé jusqu’en Australie, je voulais mourir. J’avais 20 ans, j’étais jeune et innocente. Je suis partie avec mon sac à dos avec une amie. On est parti quelques mois. Un voyage qui m’a coûté 15 000 $, peux-tu croire?
GL : 15 000 $?!?! Comment t’as fait pour le payer.
Joncas : J’ai pris l’héritage de mon père, qui est décédé quand j’avais un an, d’un accident de voiture. Tu vois : je me livre tellement dans ton affaire.
GL : Je suis le prochain Herby Moreau, je peux pas croire que j’ai des confidences comme ça. Je fais même pas rien pour en avoir pis ça arrive.
Joncas : Je suis trop ouverte, c’est ça mon problème.
GL : Ouin, un moment donné, ça va-tu te jouer des tours, ça?
Joncas : Ah c’est sûr que oui Guillaume. J’y pense souvent quand même. J’ai beaucoup de difficultés à garder mon « terrain secret ».
GL : Pis là, t’arrives pas mal au top. As-tu peur un jour de débouler la montagne?
Joncas : Euh… Que tout arrête?
GL : Oui, que ça arrête, ou que tu te mettes un pied dans bouche. Pif paf pouf.
Joncas : Euh… est-ce que j’ai peur de ça? Non. Je m’arrange toujours pour trouver des idées qui font en sorte que je continue de faire mes projets par moi-même. Tu sais c’est quoi. La seule chose qui va falloir que je travaille, c’est de… de me calmer sur l’ouverture. Les gens aiment ça, ils sont ben contents, ils m’écrivent pis ils me disent « c’est tellement le fun d’avoir accès à la vraie toi », mais tsé, un moment donné, je suis sûre que « la vraie moi » va avoir le goût d’aller prendre un verre avec une date sans que tout le monde fasse comme « on est tellement content, avec ta dernière date, ça avait pas marché ».
GL : Le monde a vraiment accès à toi par tes stories pis tes réseaux sociaux. Comme s’ils étaient chez vous.
Joncas : Oui. Est-ce que tu trouves ça trop?
GL : Je suis pas beaucoup de monde sur Internet. Je zieute. Moi les stories, ça me gêne toujours un peu. J’en fais pas moi, parce que je suis pas à l’aise. Quand je tombe sur des stories, j’ai toujours l’impression d’ouvrir la porte chez quelqu’un par accident. Pis de faire « oh, scusez, je voulais pas venir ici, tsé. »
Joncas : Je comprends.
GL : À chaque fois ça me trouble, cette proximité-là avec le monde. Tu vois, j’en parle pis je me gratte. Ça m’angoisse.
Joncas : Dans mes stories, je focus beaucoup sur l’humour. Je suis pas dans le « bonjour je vous présente ma mère ».
GL : Mais maintenant que tu as beaucoup de followers, sens-tu une pression de produire du matériel?
Joncas : Quand même un peu. Mais moi je reste toujours dans le plaisir. Si je veux pas me forcer, je me force pas. Je commencerai pas à faire du contenu juste parce que ça fait 24 heures que j’en ai pas fait. Si j’ai un flash, pis que je me dis « c’est vraiment comique ça », je vais le faire.
GL : Tu te donnes pas un horaire, genre « à 13 heures faut que je fasse une story, pis à 17 heures, faut que j’en fasse une autre »?
On entend un bling. Un temps.
Joncas : Scuse, je t’ai perdu.
GL : Non, c’est moi, j’ai reçu un message.
(…)
GL : Pis mettons, si on revient aux followers, réponds-tu à tout le monde?
Joncas : Euh… Je réponds à tout le monde sur ma page Facebook « artiste ». Le monde est tout le temps fin. À part quelques madames qui me trouvent vraiment trop vulgaire. Mais ça. Je leur dis toujours d’aller se couler un bon bain. Que des fois, ça fait du bien de prendre du temps pour soi pis de regarder dans le vide…
GL : Ah, tu réponds même aux haters?
Joncas : Ah ben oui. Je leur réponds toujours gentiment : « Vous avez sûrement de la famille, des gens qui vous aiment et qui vous apprécient. On a une belle fin de semaine devant nous. Allez faire une activité. Sortez à l’extérieur. Ça fait toujours du bien, au lieu d’être devant son ordinateur pis d’envoyer chier des gens qu’on ne connaît pas personnellement. » Pis les gens répondent jamais, parce qu’ils se disent « mon dieu, elle a raison, je vais rappeler ma mère à qui je parle pu depuis 97 ».
GL : Hey t’es fine. Parce que tsé, c’est nouveau pour moi que le monde m’écrit. C’est comme arrivé tout d’un coup dans la promo de mon film, pis ça m’a beaucoup angoissé. J’avais l’impression que j’avais une responsabilité envers chacune des personnes qui m’écrivaient.
(…)
GL : Penses-tu que les stories, c’est juste une mode, ou ça fait maintenant partie de nos habitudes de vie?
Joncas : Je pense que ça va dégénérer encore plus loin. Juste de suivre un influenceur qui fait juste « vivre », ça me met ben gros mal à l’aise. Ça devient un métier d’être quelqu’un qui a pas de métier. C’est capoté. J’ai pas l’impression que ça s’en va vers le mieux.
GL : J’ai beaucoup aimé le film Ingrid Goes West sur ce sujet-là avec Aubrey Plaza.
Joncas : Je sais pas. Moi j’écoute rien. Je suis plus une grande fan de ce qui se fait au Québec. Nomme-moi n’importe quoi qui se fait au Québec, c’est sûr que je l’ai écouté. Y’a pas une série que j’ai pas écoutée, à part « L’auberge du chien noir » pis « Belle-Baie ».
GL : Tu sais que sur L’Auberge du chien noir j’ai joué trois rôles différents hein?
Joncas : Étais-tu dans le band?
GL : Non, j’ai fait trois fois des rôles épisodiques dans les douze ou treize saisons de L’Auberge du chien noir. J’étais là le jour que Cabooze est mort dans L’Auberge. Je faisais un client : un de mes premiers rôles après l’école de théâtre. Après j’ai fait un gars dans un parc qui lisait pis qui pétait une coche. Pis dans la dernière saison, j’ai joué un hypnotiseur qui hypnotisait Maxim Gaudette. J’ai joué trois fois, trois rôles différents. C’est très méta, tout ça. Si un jour ils font une maîtrise sur L’Auberge du chien noir, j’espère qui vont sortir ça. Les Enfants de la télé, quand y vont savoir ça, je pense qui vont mettre le Québec à feu et à sang.
Ils rient longuement de cette anecdote fabuleuse.
Marie Lyne arriva à son rendez-vous chez sa coach de vie 22 minutes plus tard. Guillaume conclua l’entretien ainsi :
GL : On se voit demain, à la première des Denis Drolet, tu me donneras deux becs pour ma fête.
Joncas : Absolument.
GL : OK BYE!
Joncas : Bye.