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Marie-Gold, la rappeuse-baveuse qui avait du génie 

On a rencontré celle qui sait jouer autant avec les mots que les particules.

Par
Nathalie Lesage
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C’est connu que chez URBANIA, on chérit les personnalités, euh… atypiques. Fait qu’une personnalité atypique aussi badass que brillante, qui rappe et comprend la physique nucléaire… il n’en fallait pas plus pour qu’on s’excite comme un acarien à la Maison du matelas.

Portrait de notre nouvelle chouchou.

Oubliez le ying et le yang ou le blé-entier-givrage-sucré, de loin beaucoup trop beige. Pensez plutôt supernova et galaxie, tellement le résultat de l’équation Chloé + Marie-Gold est fluorescent.

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La science du rap

Dans le coin gauche. Marie-Gold la rappeuse, dite aussi « la culotée ». Une jeune femme avec juste assez de front pour se tenir droite dans un rap battle tendance misogyne (prose choisie : « tu vas te mettre à genoux […] comme dans un film de cul »), et ce qu’il faut de talent pour être la première lauréate féminine du trophée EP Rap de l’année au Gala de musique alternatif du Québec (GAMIQ) : à savoir une grosse barge.

Elle s’abreuve de Vald, Nekfeu et BB Jacques, et travaille ses textes incisifs à la manière d’un Tetris. Si d’aventure, au hasard de la vie, vous vous demandez « C’est qui le boss? », elle vous rappellera délicatement que… motherfucker that’s me.

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Dans le coin droit. Chloé Pilon Vaillancourt, pimpante brunette dont l’intitulé de CV donne le ton : Ingénierie physique – Énergie – Science des données. Elle a pour idoles Ada Lovelace et Erwin Schrödinger, ou si je peux vous aider, la première programmeuse informatique de l’histoire ainsi que le père de la quantique.

Chloé est solitaire, calme et cérébrale; « une bonne fille qui va aller loin dans la vie », dirait votre mère. Je veux bien la croire : Chloé incarne la fine fleur féminine de la polytechnique de Montréal avec un diplôme en génie physique.

Elles étaient 18 % de femmes sur la promotion 2022, et 30 % toutes disciplines confondues, selon les données de Polytechnique Montréal.

CHLOE, LE CEGEP, PIS UN BECYCK

Comme bon nombre de brebis écouettées qui sortent du cégep, Chloé se cherche un brin, une fois sa technique en loisirs achevée.

« J’étais dans une sorte de crise existentielle. Je suis partie 6 mois en Inde, me suis acheté un vélo boboche, j’ai roulé 2 000 km. J’ai eu le temps de réfléchir, mettons », relate Marie-Gold.

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Au retour, l’épiphanie, ce sera Sciences et Rap; deux voies aussi antinomiques que fondamentales pour la jeune femme désormais bicéphale.

« La scène nourrit mon côté créatif, tandis que la science répond à un désir de créer quelque chose de tangible », comme elle le décrit.

Chloé et Marie Gold cohabitent depuis à la manière d’un funambule, « si l’une est absente, il y a déséquilibre », explique Marie-Gold… ou est-ce Chloé?

MARIE-GOLD LA BAVEUSE

La rappeuse a depuis bossé solide son persona, ses textes, ses albums, avec pour université le feu collectif féminin Bad Nylon, et des passages dans une arène aussi hostile que formatrice.

« Je me suis définie en faisant des rap battles. C’est un défi d’écriture et de mise en scène, et il y a quelque chose d’extrêmement grandissant de se faire insulter devant une centaine de personnes », témoigne Marie-Gold.

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Notez l’idée pour votre prochain team building. Ses derniers albums, Bienvenue à Baveuse City et Retour à Baveuse City, racontent une ville fictive où tous les coups sont permis. Patriarcat, environnement, politique; Marie-Gold aborde des sujets qui lui travaillent le nerf avec juste ce qu’il faut d’absurde, d’aplomb et d’esprit pour que ça passe crème avec votre mère.

Est-ce que c’est rushant d’être une femme dans une mer d’hommes, Marie? L’artiste pèse ses mots dont elle connait le potentiel explosif (haters, passez votre chemin).

« Il y a tellement de nuances. Faire de la musique en tant que femme est déjà un acte puissant. Je ne suis pas sociologue, je suis une fille de statistiques. Et mon échantillon est juste trop petit – moi-même – pour avoir un résultat significatif! », estime Marie-Gold.

PHYSIQUE, QUAND TU ME TIENS

Faut voir Chloé s’émerveiller telle une gamine dans le bac à boules du IKEA, quand elle cause électromagnétisme, fusion nucléaire ou physique des particules. « La physique explique des phénomènes que l’on ne peut pas voir; je trouve ça excessivement poétique », qu’elle me dit avec le plus grand sérieux du monde.

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Pendant que vous googlez « physique des particules », Chloé pense à l’avenir comme Cali, et reluque du côté de la prestigieuse université à Cambridge où elle aspire au doctorat en physique nucléaire. Sinon, l’intelligence artificielle la travaille pour son plan de carrière, ainsi que la recherche en technologie du climat : comme 80 % des Québécois de 15 à 39 ans, la jeune femme de 30 ans est écoanxieuse.

« On est dans un contexte planétaire, écologique et climatique tellement intense; j’aimerais contribuer à des solutions concrètes », souhaite Chloé Pilon Vaillancourt.

BYTCH

Même si tout les opposent, Chloé et Marie-Gold a-d-o-r-e-n-t se retrouver dans un juste croque pot où elles mêlent leurs saveurs. Un parfait exemple serait leur dernier single BYTCH — acronyme de Beautiful Young Talented College Girl — où il est question de mathématiques et de jeunes femmes avec talent. Tiens, tiens.

J’ai les ongles plus longs que ton CV

C’est moi l’adulte, mais tu m’appelles bébé.

Je n’ai besoin de personne

Si tu marches à mes côtés,

C’est simplement parce que je t’ai validé

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Même la Polytechnique de Montréal salue le binôme en lui dédiant une double page dans son magazine PLAN de septembre, en plus de l’inviter à performer au spectacle de la rentrée 2023 organisé par l’association étudiante de l’établissement pour marquer le 150e anniversaire de l’institution.

« Marie-Gold représente toute la pluralité des talents qu’il y a à Polytechnique Montréal. Contrairement à certaines idées reçues, entamer des études en ingénierie c’est aussi faire appel à la créativité, il est possible d’être une ingénieuse artiste ou une artistique ingénieure », l’encense Maud Cohen, première femme directrice générale de Polytechnique Montréal.

« On trouve que c’est cool d’avoir une artiste qui peut relate aux étudiants. Ça montre aussi que les études en génies sont pas limitatives et que c’est possible de faire ça et d’accomplir ses rêves aussi, Marie-Gold en est l’exemple parfait! », s’en réjouit Jennifer Beaunègre, directrice du comité du Show de la rentrée, dans le magazine PLAN.

« Il y a tellement de gens talentueux a Poly et c’est aussi une grande famille donc on trouvait ça important de montrer notre support envers une ancienne élève. »

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En attendant de voir Chloé à la une du Times pour l’une de ses découvertes à la faveur de la planète — qui lui rapportera, on l’espère sincèrement, « une esti d’criss de grosse de passe de cash » on aiguise sa gestuelle de rappeur en suivant la singulière pépite Marie-Gold juste ici.