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Manon Grenier dans un sous-sol d’église

Manon et le «bargain», c'est difficile.

Par
Manon Grenier
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Tous les prétextes sont bons

Pour que je m’autorise un détour

Dans les sous-sols d’église

J’pourrais passer ma vie

À flâner dans les bondieuseries

Scéner dans la scrap d’autrui

Faire glisser un doigt impérial

Sur les racks de camisoles

Pâlies ou noircies

À coups de brassées mal assorties

Oh

M’avez-vous vu

Ces sous-verres ludiques

Ou encore

Ce moule à gâteau

Dont le pourtour

Est légèrement encrassé

Par le dernier dessert

Qu’il a accueilli

Probablement préparé

Par une grand-mère trépassée

Qui n’avait pu assez de force dans le bras

Pour bien le récurer

Ou encore

Cette paire de sandales orthopédiques

Tellement bien cousinée

Qu’on pourrait faire émerger

D’une pression du pouce

Quelques gouttes de jus de talon

De son ancienne propriétaire

Une femme condamnée

À demeurer un mystère

Sur lequel je rêvasse

En balayant du regard

Toutes ces godasses

Littéralement gorgées d’histoire

Bref

Les sous-sols d’église m’enchantent

Jusqu’au moment

De passer à la caisse

C’est là que le charme se rompt

Car vous remarquerez

Que y’a pas une traitre étiquette

En vue

Pis moé je l’sais

Pourquoi les prix sont pas affichés

C’est pour que la caissière

Puisse décider

Du montant qu’a te charge

En fonction de ton allure

Si t’as l’air

Le moindrement fortuné

A va s’arranger

Pour te crosser

Je l’ai vue plisser des yeux

La caissière

Scruter mon linge

Zieuter mes boucles d’oreilles

Avant de dire:

« Ok ça va faire huit dollars »

Un montant complètement sorti de son chapeau

Huit piasses

Pour une christie de vieille cafetière

Faut-tu que je m’arrange comme dans les Misérables

Pour avoir un deal raisonnable?

Ostie

Ça me prends-tu un béret de pauvre

Pis le visage couvert de suie

Si j’veux qu’on m’fasse un bon prix?

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