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Spotify, Deezer, Apple Music, même Netflix ou YouTube. Impossible d’éviter le mal qui ronge les plate-formes de streaming : les (play)listes. Rien que sur Spotify, il en existe 3 milliards (la preuve). Une aberration qui a pour objectif de vous simplifier la vie, mais finalement… vous la complique.
Je vais commencer par vous parler d’une sensation que vous avez sûrement connue si vous avez écouté un album en boucle, via cassette ou CD. Quand une chanson se terminait, vous pouviez commencer à fredonner la suivante, parce que vous SAVIEZ quelle était la suivante. Après la 7, venait la 8. Aujourd’hui avec les « plélisses », vous commencez à fredonner la 8… mais c’est pas celle-là qui joue ! Je suis perdu ! Allez hop, un repère de moins pour le représentant de la génération X que je suis.
Avant, quand on lançait un album sur vinyle ou cassette, on savait qu’on en avait pour environ 5 titres avant de changer de face. Et puis le CD nous a permis de pouvoir en enchaîner une dizaine. Et si on le remettait au début, en mode binge-listening avant l’heure, on rentrait dans une loop temporelle satisfaisante, rassurante. C’est comme ça que je connais par cœur Kick d’INXS, ou The Crossing de Johnny Clegg. Le vrai plaisir d’écouter un album. Une pause dans la vie.
Aujourd’hui, la playlist a créé la guerre. Non je n’exagère pas. D’abord en soirée, où chacun pense avoir la meilleure, et l’impose aux autres : « Nan mais tu vas voir ma playlist, elle déchire, c’est la meilleure ». Ça se bat de manière mesquine, dans le dos des autres, pour prendre les commandes de l’enceinte connectée, et virer la playlist du tocard précédent pour la remplacer par la sienne. Un combat de coqs qui laisse le reste de l’assemblée épileptique et lessivée : ça passe du country au rap, du jazz à la dance, de Maître Gims à The Police, de Téléphone à Snoop… Les gens ressortent la bave aux lèvres, enragés.
Que vient foutre la dernière de Céline Dion dans la playlist « Années 80 »?
Autre sujet de discorde : il suffit qu’une chanson ne soit pas à sa place dans sa playlist pour que ça s’engueule. Que vient foutre la dernière de Céline Dion dans la playlist « Années 80 »? On se croirait aux pires jours des night-clubs quand, après avoir rempli la piste à force de tubes, le mauvais DJ pétait l’ambiance en moins de deux avec un slow. C’est fini, il ne réussira plus à rassembler tout le monde sur la piste. Adieu David Guetta des bacs à sable. Pareil en soirée : Aline a perdu toute crédibilité quand un morceau de Jul s’est joué en pleine playlist « Mes coups de cœur soirée ». Aline ne sera plus jamais invitée aux soirées.
On ne peut pas profiter de plus de trois ou quatre secondes du titre avant que ça passe à la suivante. DJ « Pas l’time ». La soirée devient un blind-test permanent, qui empêche toute conversation.
Mais la pire chose avec les playlists, je crois que ce sont les personnes (oui tu vas te reconnaître, mon petit bonhomme) qui restent le doigt sur le bouton « Next » en permanence. On ne peut pas profiter de plus de trois ou quatre secondes du titre avant que ça passe à la suivante. DJ « Pas l’time ». La soirée devient un blind-test permanent, qui empêche toute conversation.
Je me souviens d’une époque où on ne pouvait pas faire ça, sur nos cassettes audio (Génération X, j’vous ai dit). Si on avait le malheur d’appuyer sur le bouton « Fast Forward », on galérait comme des chiens pour trouver le début pile-poil de la chanson qu’on voulait. Avance. Recule. Avance. Recule. « Oh merde, je la trouve pas ». Certains devenaient dingues, craquaient à force de ne jamais tomber sur le bon endroit de la bande, quittaient la pièce en claquant la porte, et abandonnaient derrière eux femmes et enfants pour devenir moines bouddhistes en Asie. D’autres se laissaient faire, résignés, abandonnaient, et donc, profitaient de l’album en entier.
Le pire truc, je crois, c’est cette phrase : « Vous pourriez aimer tel artiste ». C’est comme si tu commandes tous les jours un croissant chez ta boulangère et qu’un jour, la dame derrière toi dans la file te dit : « Vous pourriez aussi aimer l’éclair au café ». Non mais de quoi je me mêle ?
Et on est d’accord qu’une playlist est censée vous recommander des chansons qui peuvent vous plaire ? Alors pourquoi, oui je dis bien POURQUOI, elles vous recommandent des titres qui n’ont RIEN, mais alors rien à voir avec ce que vous aimez écouter ? Le pire truc, je crois, c’est cette phrase : « Vous pourriez aimer tel artiste ». C’est comme si tu commandes tous les jours un croissant chez ta boulangère et qu’un jour, la dame derrière toi dans la file te dit : « Vous pourriez aussi aimer l’éclair au café ». Non mais de quoi je me mêle ? Celles qui me font le plus rire, ce sont celles de Netflix. Tu mates un film d’action coréen, un peu claqué à minuit un samedi soir, et le site te propose une liste de films d’Adam Sandler avec la mention « Parce que vous avez regardé The Raid »… Aucune logique !
La playlist, c’est le renoncement. C’est comme ne monter aucune marche d’un escalator. Comme ouvrir une boîte de raviolis sans les réchauffer et plonger directement la fourchette dedans. C’est abandonner son droit le plus inaliénable : choisir.
Vers l’infini et au-delà. Quand vous rentrez dans une playlist à la recherche du bon titre, vous scrollez, encore et encore, alors qu’au moins 7 ou 8 vous intéressaient dans les 100 premiers que vous avez fait défiler. Un NoBrainer. Allez, admettons que vous avez lancé une playlist, en faisant n’importe quelle activité. Qui ne s’est jamais laissé aller à fond dedans pour arriver au cinquantième titre, relever la tête, et se demander: « Mais qu’est-ce que ça fout dans la liste, celle-là » ? La playlist, c’est le renoncement. C’est comme ne monter aucune marche d’un escalator. Comme ouvrir une boîte de raviolis sans les réchauffer et plonger directement la fourchette dedans. C’est abandonner son droit le plus inaliénable : choisir.
Alors, amis anti-playlists, reprenez votre vie en mains. Ne vous laissez plus guider par le diktat de l’automatisation. Ne compte pas sur la seule intelligence artificielle pour savoir ce que vous aimez. Bon mais j’espère que le site d’URBANIA vous recommande mes autres articles juste en dessous de celui-ci… ;)