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Donald Trump.
La seule lecture de ces deux mots a sans doute provoqué une forte réaction dans votre esprit. Que vous soyez dans le camp du «Ouach! Pas encore sa face de Cheetos raciste sexiste xénophobe », celui du « ENFIN! Un politicien qui parle des vraies affaires!» ou entre les deux, le président milliardaire du pays le plus puissant au monde ne laisse personne indifférent.
Et qu’on le veuille ou non, la popularité de Trump va au-delà des partisans de QAnon et des Proud Boys provenant du fin fond du Wyoming ou de l’Alabama. On retrouve même des fans du 45e président ici même dans la belle province.
Qui sont ces Québécois qui se rangent derrière l’homme d’État controversé – dont les valeurs sont à mille lieux de celles de la plupart de nos concitoyens – à la veille des élections américaines? Entrevue avec deux trumpistes PQ.
De carré rouge à pro Trump
Le moins qu’on puisse dire, c’est que les allégeances politiques de Philippe Sauro Cinq-Mars ont pris un virage à 180 degrés depuis le début de la décennie.
«Carré rouge de gauche très impliqué» dans le mouvement étudiant pendant le printemps érable en 2012, le trentenaire de Québec diplômé en sciences politiques de l’Université Laval s’est finalement tourné vers une autre option quelques quelques années plus tard: la droite nationaliste.
«Quand j’ai fait valoir mes points à des membres de ma communauté politique, je me suis fait traiter de tous les noms. C’est là que j’ai réalisé que mes allégeances idéologiques s’apparentaient plutôt à la droite nationaliste.»
C’est le débat sur la Charte des valeurs québécoises qui a semé un doute dans son identité politique. «J’avais beaucoup étudié l’Islam et je savais le clash que l’adoption d’une telle charte pouvait avoir sur notre société. Quand j’ai fait valoir mes points à des membres de ma communauté politique, je me suis fait traiter de tous les noms. C’est là que j’ai réalisé que mes allégeances idéologiques s’apparentaient plutôt à la droite nationaliste», raconte l’auteur de Les imposteurs de la gauche québécoise, un essai paru en 2018 qui prétend vouloir débusquer les «imposteurs qui cherchent à poser en sauveurs de la vertu», comme on peut le lire dans le résumé de l’ouvrage.
Entre 2014 et 2015, Philippe s’inquiète de plus en plus des avancées de l’État islamique. «J’ai commencé à avoir de sérieux problèmes avec l’administration Obama parce qu’elle ne prenait pas de mesures concrètes pour endiguer le problème et imposer sa force en détruisant une fois pour toutes cet État-là». Il craint, en plus, que la Russie s’impose sur le territoire et que les États-Unis perdent leur emprise sur la région et ultimement, sur le monde.
C’est alors que Donald Trump arrive en scène. «Comme pas mal tout le monde, je me disais que ce gars-là allait ruiner le pays pour de bon. Je le trouvais ridicule, je n’y croyais pas du tout, à sa présidence», avoue-t-il.
Mais peu a peu, le « charme » du septuagénaire a fini par opérer. «J’ai réalisé que non seulement il répondait à tous les questionnements que j’avais par rapport au terrorisme et à l’État islamique, mais qu’il réussissait à foutre le bordel dans de vieilles institutions désuètes comme le G20 et à avoir des idées intéressantes ».
Le traitement qu’il juge «hautement négatif» à l’égard de Trump dans les médias traditionnels aux États-Unis et au Canada a aussi poussé le diplômé de l’Université Laval à prendre son parti. «Chaque matin je voyais, et continue de voir, des articles et des reportages complètement dégueulasses sur lui. Je me suis donc dit que je ferais l’avocat du diable et que j’allais présenter l’autre côté de la médaille à ceux qui le critiquent gratuitement pour démontrer que son cas n’est ni noir ni blanc», avoue Philippe, qui n’hésite pas à troller pour faire passer son message.
Le trentenaire croit que les médias ont joué un grand rôle dans ce qu’il estime être une «démonisation» du président américain. Selon lui «Certains médias comme CNN et le Washington Post ont carrément perdu la raison.
Le trentenaire croit d’ailleurs que les médias ont joué un grand rôle dans ce qu’il estime être une « démonisation » du président américain. Selon lui «certains médias comme CNN et le Washington Post ont carrément perdu la raison. Ils traitent les nouvelles concernant Trump avec de la haine. Il n’y a aucune objectivité là-dedans», lance-t-il, d’avis que la plupart des médias d’ici sont «clairement anti Trump».
«Le seul endroit où on peut avoir un peu d’équilibre dans le traitement des nouvelles c’est Fox News», croit Philippe, sans pour autant appuyer tout ce qui se dit sur la chaîne de télé de droite.
Du même souffle, il affirme que de s’afficher pro Trump il y a quelques années a été une décision qui a «signé l’arrêt de mort de quelques relations» et lui a mérité des railleries à profusion. «J’ai étudié en sciences politiques et j’ai un bon caractère donc c’est pas ça qui va m’empêcher de continuer de partager mon point de vue là-dessus».
Selon Philippe, ce qu’il juge être les bons coups de Trump durant les quatre dernières années devraient convaincre les sceptiques de sa compétence à diriger le plus puissant pays du monde. «Il a pratiquement éliminé l’État islamique, il a ouvert des relations internationales avec la Corée du Nord et la Russie, deux grands opposants géopolitiques et le taux de chômage chez les Latino-Américains et des Afro-Américains n’a jamais été aussi bas dans l’histoire du pays grâce à lui».
«Il joue au troll pour semer la zizanie dans les médias et faire parler de lui en bien ou en mal. Je crois qu’il faut apprendre à séparer son agenda politique de ses sorties publiques pour mieux comprendre ce qu’il a à offrir.»
Et que pense-t-il de certains agissements du président, comme ses envolées sur Twitter ou ses discours populistes, qui le couvrent de ridicule? «Ce qu’il faut comprendre, c’est que c’est une stratégie. Il joue au troll pour semer la zizanie dans les médias et faire parler de lui en bien ou en mal. Je crois qu’il faut apprendre à séparer son agenda politique de ses sorties publiques pour mieux comprendre ce qu’il a à offrir».
Si les Américains venaient à élire Joe Biden au pouvoir dans quelques semaines, Philippe croit que le peuple de l’aigle à tête blanche plongerait vers un «déclin jamais vu auparavant». «Trump est le seul qui peut renverser la vapeur, ou du moins ralentir ce processus. Je leur souhaite de l’avoir pour un autre quatre ans».
UQAMIEN et Républicain endurci
D’emblée, Nick émet le désir de faire le témoignage anonymement non par peur de se faire critiquer pour ses idéaux politiques, mais pour «protéger les gens» de son entourage. Son nom a donc été changé à sa demande.
«C’est une passion familiale. Même si on a pas tous les mêmes points de vue, c’est un sujet qui nous est cher», confie le jeune homme.
Finissant au baccalauréat en sciences politiques à l’UQAM, Nick est un amateur de politique depuis «toujours». «C’est une passion familiale. Même si on a pas tous les mêmes points de vue, c’est un sujet qui nous est cher», confie le jeune homme à l’autre bout du fil, qui a déjà fait deux sessions en France, l’une à Sciences Po Paris et l’autre à la Sorbonne. L’hexagone est d’ailleurs dans sa mire pour effectuer des études de droit après son bac.
Les réponses de Nick sont plutôt monosyllabiques depuis le début de l’entrevue, se contentant de répondre par «oui» ou «non» à la plupart des questions. Mais lorsque vient le temps d’attaquer la pièce de résistance, il devient un peu plus loquace.
C’est en 2016 qu’il a fait la connaissance de Donald Trump. Tout l’aspect fantasque qui avait été mis de l’avant dans le show de télé-réalité The Apprentice de Trump ainsi que son histoire familiale lui était peu connu. «Je connaissais déjà assez bien Hilary Clinton et sa vision pour le parti démocrate, mais je ne savais pas grand-chose sur Trump. C’est vraiment lors du premier débat qu’il a capté mon attention», explique Nick.
«Il amenait une désacralisation de la politique comme on ne l’avait jamais vu. Je trouvais fascinant de voir un gars avec aucun background en politique communiquer des messages qui rejoignaient vraiment les masses».
«Il y avait comme une attente démesurée face à la pureté des politiciens avant lui.»
Selon lui, il y a eu un «pré Trump» et un «après Trump» dans l’univers de la politique non seulement américaine, mais mondiale. «Il y avait comme une attente démesurée face à la pureté des politiciens avant lui. Pour se lancer dans cette arène-là, on devait avoir un passé propre et ne montrer aucune faille. Il a prouvé que c’était possible de faire le saut sans être parfait».
Quand il dit « faille », l’étudiant fait référence à des scandales, comme le fameux enregistrement où on entend le président dire «Just grab them by the pussy» en parlant des femmes. Ces épisodes troublant n’ont pourtant pas empêché le milliardaire de 74 ans d’accéder au pouvoir… ni Nick d’être séduit par ses propositions.
Depuis 2016, sa fascination pour Donald Trump n’a fait que grandir. «C’est le seul politicien que j’ai pu voir qui a su tenir des promesses électorales. Je dis pas que ce sont toutes de bonnes idées et que je suis d’accord avec ses choix, mais c’est quand même admirable de passer de la parole aux actes aussi concrètement dans le monde de la politique», avoue Nick.
Il prend en exemple la controversée construction d’un mur pour empêcher les migrants du Mexique de traverser chez leurs voisins du nord et la signature du décret 13769 en 2017, qui vise à protéger la «nation contre l’entrée de terroristes étrangers aux États-Unis», notamment en interdisant aux réfugiés de plusieurs pays «à forte majorité musulmane» de rentrer au pays.
D’autres faits d’armes remarquables de Trump selon Nick sont ses «accomplissements pour l’économie», comme baisser les taxes des compagnies américaines pour favoriser la création d’emploi.
Sans crier aux fake news, Nick est d’avis, comme Philippe, que certains médias comme CNN ou le New York Times choisissent de divulguer presque exclusivement des nouvelles qui le présente négativement. «Même la personne la plus démocrate ne peut pas nier que CNN ne fait jamais de reportage sur les bons coups de Trump. Ils ont clairement un parti pris dans le traitement de leurs nouvelles».
Il reconnait toutefois que des médias comme Fox News ont également des biais favorables envers les républicains dans leur manière d’aborder l’actualité. «On l’a vu pendant le mandat d’Obama, où ils s’acharnaient sur lui tous les jours. C’était vraiment pas cool de voir ça».
Pour s’informer sur ce qui se passe de l’autre côté de la frontière, Nick se tourne plutôt vers Twitter où il suit une pléthore de républicains et de démocrates. «Je crois que pour avoir de bonnes infos, il ne faut pas se fier sur les gros conglomérats médiatiques parce que des deux côtés, gauche et droite, il y a des façons partisanes de traiter l’actualité et ça nous empêche de nous faire notre propre tête sur la situation», croit l’étudiant en sciences politiques.
Supporter le président aux discours polarisants ne serait par ailleurs pas trop trop winner pour se faire des amis selon ce qu’a pu constater Nick depuis les dernières années. «J’ai des amis qui ont carrément arrêté de me parler quand ils ont su mes allégeances», confie le jeune homme.
«Ce qui m’énerve vraiment, c’est que pour la majorité des gens, lorsqu’on appuie Trump on est automatiquement stupide et pas éduqué. C’est impossible pour eux qu’on ait des valeurs différentes des leurs qui sont transposées dans cette figure en politique».
Il poursuit en nous disant qu’on lui a déjà lancé des insultes lorsqu’il a affiché ses couleurs dans le passé. «On nous met dans le même bateau que les conspirationnistes qui brandissent des théories sans queue ni tête. C’est rabaissant pour des personnes comme moi qui s’informent et qui ont une tête sur les épaules».
«On nous met dans le même bateau que les conspirationnistes qui brandissent des théories sans queue ni tête. C’est rabaissant pour des personnes comme moi qui s’informent et qui ont une tête sur les épaules».
Malgré les sondages peu encourageant pour Trump depuis quelques semaines, Nick reste optimiste et croit que le milliardaire sera élu pour un deuxième mandat le 3 novembre prochain. «Je crois que les démocrates se sont trop penchés sur des problèmes qui visent spécifiquement la woke culture, comme avoir des toilettes non genrées dans des lieux publics, les droits LGBTQ+, etc. et qu’ils ne se sont pas assez concentrés sur des enjeux qui concernent la majorité des Américains comme avoir une job stable pour pouvoir subvenir aux besoins de sa famille. Ça, c’est ce que Trump propose».
On saura bientôt si les Américains sont d’accord avec les pro-Trump des États-Unis, et ceux du Québec.