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Le courriel
Quand URBANIA m’a demandé si j’avais le temps de leur écrire un petit texte de 500 mots pour parler de ma vie en tant qu’autiste, j’ai juste pas répondu.
Après quelques jours et une relance, j’ai répondu que j’allais voir si j’ai le temps. Je suis pas mal occupé.
Le temps
En réalité, du temps, j’en ai. En théorie, disons. Je veux dire que je ne suis pas occupé 10 heures par jour.
Mais ça me prend aussi beaucoup de temps faire des choses qui paraissent simples.
Comme lorsque je m’entrainais physiquement (oui, j’ai connu cette époque au début de la vingtaine). Pour une heure au gym, j’avais besoin de deux heures de libre avant… et après. Donc cinq heures dans ma journée.
C’est difficile à expliquer, mais c’est ça. J’ai besoin de beaucoup de temps avant de faire quelque chose et j’ai besoin de beaucoup de temps après. C’est comme ça.
J’ai besoin de beaucoup de temps avant de faire quelque chose et j’ai besoin de beaucoup de temps après. C’est comme ça.
C’est pas évident pour la carrière. Parce que ma gérante peut me demander d’enregistrer un petit message pour les abonnés de telle ou telle salle. Rien de compliqué qu’elle dit, tu peux prendre ton iPhone. Un petit message de 30 secondes.
Elle me dit ça le lundi. Le mercredi, je l’ai pas encore fait, mais ça occupe toujours ma tête. Je me dis que vendredi je vais le faire, parce que j’ai rien d’autre cette journée-là. Pis ça me prend rien d’autre dans une journée pour pouvoir faire quelque chose.
Je sais pas à quel point ça a rapport avec mon diagnostique d’asperger, ou bien si c’est juste de l’anxiété. Cela dit, j’ai rencontré d’autres autistes, pis eux aussi vivaient ça. Pas tous, parce que tous les autistes sont différents, mais plusieurs, oui.
Les activités
Eux non plus n’aiment pas prendre des engagements.
– Est-ce que tu vas venir souper avec nous dimanche prochain?
– Je sais pas.
C’est cool parce que ma blonde l’accepte maintenant. Elle prend jamais pour acquis que je vais être quelque part. Elle achète même des billets de spectacle en se disant que ça se peut qu’elle doive y aller avec quelqu’un d’autre que moi.
Est cool ma blonde. J’en souhaite une comme ça à tout le monde. Pis je souhaite pas nécessairement un gars comme moi à tout le monde. C’est pas toujours facile. En tout cas, pas toujours simple.
Le social
Par exemple, je ne peux pas arriver au milieu d’une soirée. Je ne peux pas aller rejoindre ma blonde dans une soirée à 22h, disons. Je dois arriver parmi les premiers, voir chaque personne arriver, comprendre c’est qui, savoir qu’elle est là, m’habituer à sa présence.
Quand ma blonde reçoit des gens à la maison, je monte dans ma chambre et je vais écouter des vidéos sur YouTube.
Quand ma blonde reçoit des gens à la maison, je monte dans ma chambre et je vais écouter des vidéos sur YouTube.
D’ailleurs, ma famille et ma belle-famille se sont tannées de me voir sur mon iPad tout le temps des Fêtes. C’est malpoli. Alors j’ai commencé à lire des livres. C’est plus acceptable. J’ai lu cinq livres en huit jours cette année. Ça passe mieux.
L’affection
Là tu te demandes si je donne de l’affection à ma blonde? Oui. J’aime ça la coller. Mais elle doit m’avertir quand elle, elle veut me coller. Faut que je sois préparé. J’aime pas être touché sans avertissement. Ça me gosse. Ça me rend irritable.
Là tu te demandes peut-être si je colle mon fils et si je lui démontre de l’affection. Full!
Tout le temps. C’est simple avec mon fils. C’est pas compliqué. Les émotions sont claires et précises. C’est facile avec les enfants. Pas de bullshit, pas de conventions sociales.
Pour vrai, la table des enfants me convient très bien. Vous essaierez à Noël prochain d’aller vous asseoir avec les 3-5 ans. Écoutez-les parler, vous direz pu jamais qu’un adulte est authentique ou honnête après ça.
Le sommeil
Je suis toujours fatigué, sauf quand je suis sur mon ordi (ou ma tablette, ou mon téléphone… ou mon autre ordi). Là, je peux ne pas ressentir de fatigue pendant longtemps.
J’aime bien la vie entre 23h et 3h du matin. Il se passe rien. C’est tranquille. Pis on me laisse tranquille…
Mais autrement, je suis fatigué. Faut dire que je me couche tard, mais je me lève tard, aussi. Parce que j’aime bien la vie entre 23h et 3h du matin. Il se passe rien. C’est tranquille. Pis on me laisse tranquille…
Je vous ai dit que ma blonde était cool? C’est elle qui se lève le matin pour s’occuper de notre fils. Parce que si moi je le fais, ça me prend deux jours m’en remettre.
Je dors normalement neuf heures par nuit, pis quelques heures plus tard, je suis fatigué, alors je vais faire une sieste.
Pis je digère rien. Bon, plusieurs personnes doivent se dire qu’elles ne digèrent rien non plus. Mais ç’a l’air que les problèmes avec l’alimentation, c’est aussi un truc commun chez les autistes. Si je mange quelque chose que je digère pas, ça m’épuise… pis je vais me coucher.
Un nouvel arrivant
Si je lis autant, c’est parce que j’essaie de comprendre le monde. Je suis comme un immigrant qui vient tout juste d’arriver… sur la planète. Alors j’essaie de m’intégrer le plus rapidement possible. J’essaie d’apprendre la langue, les codes, les us et coutumes.
Je suis pas toujours d’accord avec votre façon d’agir et de réfléchir. Mais bon, hein. Vous êtes quand même accueillants, alors j’essaie de m’intégrer. Comme on dit, sur Terre, on fait comme les Terriens!
J’ai compris bien des affaires. Je crois même être rendu pas mal bon. J’arrive à me fondre la plupart du temps dans la foule. Mais je sais que je vais toujours avoir un petit accent, qui fait qu’on va savoir que je viens pas d’ici.
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Dans le documentaire Apprenti autiste, l’humoriste Louis T part à la rencontre de personnes qui l’aideront à comprendre l’autisme. Rendez-vous sur le site de Télé-Québec pour visionner le documentaire.