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Ma soirée au party de Justin

Crudités, selfies et GRC

Par
Hugo Meunier
Hugo Meunier
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J’arrive en début de soirée au Palais des congrès, où se tiendra le rassemblement des libéraux fédéraux en compagnie de Justin. Je n’ai pas d’accréditation, lorsque je m’avance à la table des médias, où un gars m’accueille in english only.

Il me fait patienter en retrait en attendant le retour de son camarade francophone, un barbu évidemment sympathique.

«T’es de quel média?», me demande-t-il.

-URBANIA.

-Ah oui, j’aime bien votre patron.

Philippe Lamarre, une girouette politique qui a embauché Éric Duhaime. Beau parcours.

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Avant d’entrer dans la salle perchée au deuxième étage où sont attendus les partisans, on me soumet à une fouille aussi intense que celle imposée aux passagers d’United Airlines à l’aéroport JFK le 12 septembre 2001.

À l’intérieur, des médias de partout au pays branchent des fils et se préparent à une soirée qui s’annonce longue et incertaine, surtout pour les libéraux qui semblent avoir perdu leur mojo.

Je reconnais d’anciens collègues.

«T’es là pour URBANIA?», me demande le photographe Ivanoh de Radio-Canada.

-Non man, je suis là pour la démocratie.

Je m’installe dans une salle où se trouvent de longues tables de travail avec des barres d’alimentation. Il y a du café filtre et des biscuits secs.

J’entends soudain mon nom au bout de la salle.

«Il y a un Hugo Meunier d’URBANIA ici avec son sac à dos», lance un agent de la GRC sans me voir.

Je me présente et le policier avec une oreillette comme dans les films m’explique ne pas savoir comment je me suis retrouvé ici sans me soumettre à la seconde fouille obligatoire pour les médias, impliquant un chien renifleur.

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N’ayant rien à cacher (sauf une cicatrice sur mon cœur depuis ma rupture avec Annie en cinquième secondaire), je m’exécute, .

Mon sac à dos passe le test. La preuve est faite : un chien policier ne jappe pas pour un vieux restant de trois et demi au fond d’une poche secrète.

De retour dans la salle du rassemblement, je jase avec la journaliste de La Presse Fanny Lévesque, qui termine la couverture d’une première campagne fédérale. «J’ai adoré l’expérience!», confie-t-elle, au sujet de ce marathon intense de 40 jours qui l’a amenée à enfiler en moyenne 10-12 heures de travail par jour.

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Signe que les temps sont durs, la connexion Internet est payante et aucun buffet n’est servi aux journalistes. Juste des crudités avec une trempette louche et des breuvages.

Rien de comparable avec le triomphe de Justin en 2015 à l’hôtel Le Reine Elizabeth, où on avait droit à un gros buffet avec de la poutine comme au Madrid 1.0.

Bon, il y a de l’alcool en vente, mais les libéraux sont des gens sérieux en veston.

Justement, des premiers militants commencent à entrer dans la salle. Enfin des renforts pour cette dame qui est seule depuis une bonne heure. «Cinq piasses pour un verre de jus!», peste-t-elle, en exhibant sa facture.

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Je lui fausse compagnie pour aller chez Basha au rez-de-chaussée, où j’ai encore droit à un service unilingue en anglais.

À la quantité d’ail que j’ai ingéré, j’aurais pleinement mérité un…un…(attention)…un…(ça s’en vient)…un…un…BONJOUR-AIL! [NDLR Hugo, peux-tu passer au bureau quand t’as une minute, faut qu’on parle.]

En tout cas, vivement une prochaine campagne électorale pour parler du recul du français au Palais des congrès.

21h15, cette couverture est en train de devenir le moment le plus ennuyant de ma carrière, ex aequo avec la remise de la canne à pommeau d’or au capitaine du premier navire à accoster au port de Montréal le 1er janvier et une soirée-spaghetti de la branche eustachoise des Chevaliers de Colomb.

À l’image du dernier Sommet du G7 à Charlevoix, le ratio policier/partisan est d’environ de 100 pour 1.

Pour tuer le temps, je jase avec ces JOURNALISTES de Radio-Canada.

22h. De premières clameurs s’élèvent de la salle. Enfin de l’action. La centaine de partisans applaudit chaque fois qu’un des leurs est réélu. Joly, Rodriguez, Garneau, la foule est en liesse.

Je croise Steven Guilbeault, qui n’est pas encore sorti du bois dans Laurier-Sainte-Marie. «Peu importe ce qui arrive, je suis très satisfait et ça a été une expérience fantastique!», résume le candidat-vedette, avec la sagesse de Obi Wan Kenobi.

Trois minutes plus tard, Patrice Roy annonce un gouvernement minoritaire libéral. «Four more years! Four more years!», scande la mince foule avec un bel optimisme.

Les effusions de joie se mêlent à quelques huées quand les binettes d’Yves-François Blanchet et Andrew Scheer apparaissent à l’écran, coiffées de la mention «réélu».

À côté de moi, Jonathan sirote sa bière, soulagé du dénouement malgré une pointe de déception. «Ça démontre qu’il y a encore une volonté d’avoir un gouvernement progressiste», analyse le jeune homme.

23h15. Steven Guilbeault est finalement élu, avec une avance assez convaincante même. «Steven! Steven! Steven!», s’enthousiasme la salle, qui s’est considérablement remplie.

Quand il sera ministre de l’Environnement, espérons qu’il bannira le plastique des activités partisanes de sa gang.

Les partisans se massent de plus en plus nombreux de chaque côté d’un cordon de sécurité au milieu duquel Justin devrait bientôt apparaître. «Moins de trente minutes», confie un des agents de sécurité. Il faudra attendre encore 1h30 hélas.

Qu’importe, mes voisins de cordons ont déjà dégainé leur cellulaire avec leur caméra photo en mode inversée, dans l’espoir d’arracher un selfie à Justin.

Minuit. Le chef du Bloc apparait tout sourire sur l’écran géant pour prononcer son discours. Un comique entonne le « Ô Canada» pour faire rire les gens autour.

Minuit 40, je quitte mon spot. Je ne vais pas attendre Justin toute ma vie et j’ai eu ma dose avec Pablo Rodriguez venu réchauffer la foule avec la fougue des Respectables en première partie des Rolling Stones au centre Bell en 2003.

Il a fallu attendre 1h du matin pour voir le PM débarquer dans la salle en délire, flanqué de sa Sophie. Les gens jouent du coude pour prendre leurs photos, moi y compris. J’ai réussi à arracher un souvenir flou qui ressemble à une photo à regarder avec des lunettes 3D.

Dans la foule compacte et frénétique, je réalise que mon gel n’est pas la seule chose à avoir lâché, le déodorant de plusieurs partisans aussi.

Inutile sinon de vous répéter le discours de Justin, que vous avez sûrement vu aux nouvelles. En gros, il va travailler fort pour le pays, pour le Québec, pour l’environnement, pour ses Rocheuses et son plus beau rôle dans la vie est celui de papa.

«Awwww», s’exclame d’ailleurs la foule durant ce passage.

En quittant la salle avec mon sac à dos, des jeunes s’amusent à se prendre pour Justin sur la scène, pendant que les journalistes bouclent leur reportage.

Ah et j’ai compensé l’échec de mon selfie avec Justin avec Mélanie Joly finalement.

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