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Ma première fête des Mères sans maman
« Je dois apprendre à vivre dans un monde où ma mère n’existe plus », confie avec émotion le populaire chanteur Patrick Norman, qui vient de perdre sa mère, à l’âge vénérable de 101 ans.
« C’était quelqu’un qui demandait rien, low profile. Mais elle était toujours de bonne humeur et nous faisait tout le temps rire. Elle disait toujours: je ne veux pas me rendre à 101 ans! Elle nous aura joué des tours jusqu’au bout, un dernier poisson d’avril », souligne avec tendresse ce monument québécois de la musique country, au sujet de sa maman décédée le 2 avril dernier.
Marguerite Éthier laisse dans le deuil quatre enfants, plusieurs petits-enfants et arrière-petits-enfants.
«On se rappelle les belles choses. Quand je pense à elle, je ne pleure pas, je souris»
La fête des Mères nous offre une occasion de donner la parole à ces personnes qui ont perdu leur maman cette année, savoir comment elles anticipent cette fête sans elle et, surtout, d’honorer la mémoire de ces femmes. « On se rappelle les belles choses. Quand je pense à elle, je ne pleure pas, je souris », nuance l’interprète de Quand on est amour, qu’il a d’ailleurs interprété pour sa mère aux soins palliatifs lors de son anniversaire à la fin mars, quelques jours avant son décès.
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Son départ s’est fait dans le calme et la douceur, une bénédiction pour ses proches. « Je l’ai veillé jusqu’au bout avec mon frère. On lui a parlé, on a prié doucement et récité une dizaine de chapelets. Le premier mot qui m’est venu en tête lorsqu’elle a rendu son dernier souffle, c’est «alléluia », confie le musicien. Il a immortalisé ces derniers moments avec son téléphone, ce qui – de son propre aveu – ne lui ressemble pourtant pas du tout.
Aujourd’hui orphelin de ses parents (son père est décédé en 1999), le septuagénaire ne cache pas se livrer à une certaine introspection entourant la mort. « Ça m’a fait réfléchir à plein de choses. J’aurai 75 ans (en septembre), on commence à y penser. J’ai même une certaine curiosité de voir l’autre côté. Je suis sûr qu’il y a une forme de libération », philosophe-t-il, mentionnant être plus sédentaire depuis un an et avoir développé quelques problèmes d’arthrose aux mains, qui complique un peu son jeu de guitare. « Je ne suis pas top shape, je suis top shake! », lance dans un éclat de rire contagieux, celui qui conserve néanmoins un moral d’acier et entend profiter de chaque moment.
«Pour moi c’est une sainte, ne serait-ce que pour nous avoir endurés!»
Parce que le temps file à toute vitesse, prévient Patrick Norman, lui qui a vu l’état de sa mère se détériorer rapidement après une chute qui l’a mené à l’hôpital. « Elle a été lucide jusqu’à la fin. J’aurais toujours une pensée spéciale pour elle. Pour moi c’est une sainte, ne serait-ce que pour nous avoir endurés! », résume-t-il.
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Monique Tardif (1928-2020)
« C’est très triste, mais une grosse partie du deuil avait été fait depuis des années. Ma mère était une intellectuelle qui réfléchissait beaucoup. Voir quelqu’un comme ça perdre ses facultés cognitives, ça frappe…», confie Geneviève Marchand à propos du décès de sa maman en juin dernier.
Monique Tardif est décédée d’une insuffisance rénale à 91 ans, laissant derrière elle 3 enfants et 8 petits-enfants. « Elle a eu une belle vie. Elle s’est mariée tard, a été prof au cégep, a fait du bénévolat et elle était quelqu’un de très discrète. Elle a fait œuvre utile », louange Geneviève, qui a vécu une enfance particulière puisque ses parents étaient âgés dans la quarantaine lorsqu’ils l’ont eu, ce qui était plus rare à l’époque. « Mes parents avaient l’air des grands-parents de mes amis. Je savais qu’ils ne seraient pas éternels, mais ça fait quand même un choc. On n’est jamais vraiment prêts, surtout les petits-enfants », admet Geneviève Marchand, aussi orpheline de son père qu’elle a perdu 10 ans auparavant.
«Je savais qu’ils ne seraient pas éternels, mais ça fait quand même un choc. On n’est jamais vraiment prêts»
Si elle a accepté de témoigner pour cet article, c’est parce que la proposition l’a fait réfléchir. Elle a entre autres réalisé que même si sa maman n’était pas morte de la COVID, son départ revêt un caractère particulier à cause de la pandémie. « Les funérailles (limitées à 25 personnes) ont été grandement affectées par la situation. Les gens ont sans doute pris plus de temps pour informer leurs proches via Facebook », suggère Mme Marchand.
« Je t’aime gros comme le pont de Québec! », résumait-elle dans un émouvant message d’adieux en hommage à celle qui a passé sa vie dans la Vieille Capitale, à l’instar de la plupart de ses proches.
Geneviève Marchand vit pour sa part à Montréal avec sa famille. Elle admet avoir été un peu moins présente pour sa maman à la fin de sa vie. « La fête des Mères, c ’était devenue plus la mienne par rapport à mes enfants. Mais ce qu’on remarque mon conjoint et moi (qui ont maintenant tous les deux perdu leurs parents) c’est qu’au décès de la mère ou grand-mère, il y a un liant qui disparaît », souligne Mme Marchand, qui profitera peut-être de sa première fête des mères orpheline pour passer un coup de fil à son frère et sa soeur. « Pour parler de maman, en attendant de se voir. »
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Andrée Thibault (1927-2020)
« Ma mère était une féministe de la première vague. Elle était contre ça la fête des Mères », souligne d’emblée l’illustrateur montréalais Daniel Sylvestre. Il n’a jamais besoin eu d’une journée précise pour ressentir l’absence de sa mère.
«Le contexte de sa mort était tragique, mais sa mort ne l’est pas»
Et quelle mère il a eue! Avant de s’éteindre à 92 ans en janvier dernier, Andrée Thibault a vécu un parcours inusité pour l’époque, au cours duquel elle a pavé la voie à plusieurs générations de femmes. Elle a notamment écrit un télé-théâtre et travaillé à Radio-Canada, notamment au sein de l’émission Femmes d’aujourd’hui. « J’ai conservé ses écrits, des carnets remontant aux années 60. Elle a élevé quatre garçons avec un homme qui avait une grosse carrière. C’est donc elle qui avait toute la charge mentale. C’est une femme qui en a arraché, notamment avec le boys club », décrit M. Sylvestre, ajoutant que sa mère a été heureuse dans ses derniers moments. « Le contexte de sa mort était tragique (COVID), mais sa mort ne l’est pas. On aurait aimé qu’elle se rende à 100 ans, mais elle était très bien traitée au CHSLD, où on lui a massé les mains et fait écouter de la musique douce jusqu’au bout. »
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Pour lui rendre hommage, Daniel Sylvestre a obtenu une bourse pour créer un roman graphique évoquant la vie de sa mère. Un projet amorcé avant sa mort, ce qui change désormais un peu la donne, pour le mieux. « Je me sens plus libre dans la création », admet l’illustrateur, qui dit avoir appris une foule de choses sur sa maman dans ses recherches, notamment une liaison potentielle avec l’écrivain Hubert Aquin. « C’est une vie romancée, j’ai un bon personnage. J’aime bien lui rendre ça », résume M. Sylvestre. Il m’a d’ailleurs fourni deux photos de sa mère croquée par le cinéaste Michel Brault, un ami de ses parents.
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Diane Grondines Nantel (1951-2021)
« Ma mère était une femme heureuse. Vraiment, elle a eu une belle vie, un mariage heureux et a beaucoup voyagé. Une douce maman et une grand-maman très attentionnée, avec un magnifique sourire », louange Marisol Nantel, qui n’avait pas encore anticipé sa première fête des Mères sans la sienne.
Diane Grondines Nantel est morte d’un cancer en janvier dernier, à 70 ans. « Elle souffrait beaucoup à la fin. On ne pouvait pas facilement la voir en plus avec la COVID et les visites restreintes. Quand on a pris la décision de l’endormir, ça a été pénible », confie Marisol, présente à son chevet dans les derniers moments avec son frère et son père. « Comme on est limité à 20 personnes pour les funérailles, on fera quelque chose après. On prévoit disperser ses cendres au Bois-de-Belles-Rivières où elle aimait marcher », ajoute l’artiste en arts visuels.
«J’avais rien de prévu pour la fête des Mères, mais son anniversaire il y a deux jours a fait remonter des émotions»
Marisol confie avoir aussi vécu le deuil de son mari, qui a péri au début de la trentaine dans des circonstances tragiques. « Il a eu un accident de voiture en revenant de travailler. Notre fille avait quatre mois et mes parents s’en sont beaucoup occupés après », confie Marisol, ajoutant que sa fille aujourd’hui âgée de 14 ans était très proche de sa grand-mère. « J’avais rien de prévu pour la fête des Mères, mais son anniversaire il y a deux jours a fait remonter des émotions » admet-elle.
Ce dimanche, n’oubliez pas de célébrer votre mère ou à tout le moins lui passer un coup de fil.
Parce que les mamans sont peut-être indispensables, mais elles ne sont pas éternelles.