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Ma nostalgie de Spice Grrrl

Par
Marie Darsigny
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Quand les gens me demandent pourquoi j’aime les années 90, je réponds que c’est surtout à cause de la musique. Telle une matante ne pouvant pas s’empêcher de peser play depuis 1998 sur la toune Believe de Cher, moi, je ne peux m’empêcher de toujours réécouter ce que j’appelle mes classiques: Fiona Apple, Tori Amos, Alanis Morrisette, Liz Phair, Hole, Bikini Kill, et autres bands de filles des 90s qui s’explosent le coeur sur fond de guitare et/ou piano.

Par contre, je dois passer aux aveux: même si je voudrais bien me vanter d’avoir été une riot grrrl, la vérité est que j’ai plutôt été élevée avec le féminisme d’une Spice Girl. Ce n’est pas ce que j’aurais voulu.

Je suis née dans la deuxième moitié des années 80. Je suis passée très près de découvrir le féminisme via Kathleen Hannah et les zines nommés Girl Germs ou Scarbaby, mais malheureusement, j’étais encore trop jeune, trop occupée à découper du papier de construction de maternelle au lieu de manier le Sharpie et la photocopieuse. Je n’ai pas eu de grande soeur qui, en s’isolant dans sa chambre pour scander les paroles de Rebel Girl, aurait pu m’inspirer moi aussi à apprécier le mouvement punk féministe des années 90.

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Quand j’ai vu le speech de Fiona Apple aux MTV Awards de 1997, j’ai compris qu’il se passait quelque chose. J’avais toujours été fan de Fiona, que ce soit pour faire des redressements assis au son de Criminal, ou encore pour brailler dans le fond du bus au son de Never Is A Promise (chansons dont je comprenais à moitié les paroles, merci à mon prof d’anglais du primaire dont la routine consistait à nous faire part de son choix de muffin au Tim). Dans son discours, Fiona met le public en garde contre l’industrie de la musique: “You shouldn’t model your life on what you think we think is cool, and what we’re wearing, and what we’re saying. Go with yourself.” C’était parfait: Fiona ne capitalisait pas sa célébrité, Fiona n’essayait pas de se faire aimer du grand public. Fiona était la meilleure.

Environ au même moment, le monde entier et moi en particulier était sous le charme des Spice Girls. Les Spice Girls qui, avec leurs signes de peace et leurs plate-formes multicolores, me disaient que c’était nécessaire pour un gars qui veut être ton lover de bien s’entendre avec tes amies. Ce qui n’est pas un mauvais message en soi. Girl Power, oui. Une fois sortie de mon adolescence, une fois nettoyée de tout résidu de roll-on glitter gel, j’ai réalisé que les Spice Girls avaient souvent été critiquées pour leur féminisme à deux cennes. Un féminisme opérant sous l’oppression bien sentie du patriarcat et d’une industrie de la musique orientée vers le regard masculin. Bons nombres de critiques existent déjà sur le sujet, je ne veux donc pas faire le procès des Spice Girls. J’ajouterai seulement en passant que oui, ma préférée, c’était Victoria.

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Vers la fin des années 90, j’étais donc tiraillée entre Spice Girls et riot grrrls. Ç’a continué dans les années 2000, voir même jusqu’à tout récemment, où je portais fièrement le choker en velours tout en loadant mon iPhone d’albums de Veruca Salt et Sleater Kinney. Un vrai retour à l’adolescence. Pas ma vraie adolescence passée à St-Hyacinthe avec l’odeur du chocolat et du fumier… Non: une adolescence imaginaire, des années que j’aurais donc aimé avoir vécues d’une autre façon. Si seulement j’avais pu avoir un sac à dos en jeans avec une patch My Body My Choice. Si seulement j’avais pu voir ne serait-ce qu’une seule édition du festival Lilith Fair.

Quand les gens me demandent pourquoi j’aime les années 90, je réponds que c’est particulièrement à cause de la musique, mais pas parce que j’écoutais moi-même des bands avec une message ou une mission particulièrement originale. Le premier album que j’ai acheté avec mon argent de poche, c’est Tragic Kingdom de No Doubt. C’est cool, mais ce n’est pas Live Through This de Hole. C’est plate à admettre, c’est comme faire le deuil de quelque chose que je n’ai jamais été, mais il faut que je me rende à l’évidence. Rien de m’empêchera de pleurer quelques larmes en chantant Viva Forever, rien ne m’empêchera de passer tous mes vendredis soirs sur Netflix à regarder The Punk Singer. Par contre, à bien y penser, c’est vers le futur qu’il faut regarder. Il faudrait peut-être que j’arrive en 2014, musicalement parlant. Je pourrais toujours essayer d’aller dans un show de Katy Perry et crier «ALL GIRLS TO THE FRONT!» On verra bien ce que ça va donner.

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Crédit photo: atomicjeep