.png)
Plamondon, Charlebois, Nézet-Séguin ? pfff. Chez les Therrien, on filme surtout les grimaces et les éclats de rire de ma petite nièce et on ne s’en porte pas plus mal. On a, nous aussi, l’ambition de vidéo de famille de nos moyens.
Devant la délirante vidéo de fête à Jaqueline «Jackie» Desmarais au domaine Sagard mise en ligne par Anonymous hier, c’est plutôt la réalisatrice en moi qui fut prise d’envie. Rares sont les mandats corpos, passage obligé et initiatique dans la formation des réalisateurs de ce monde, qui sont réellement stimulants. On les fait pour le fric, pour l’expérience, pour combler le vide post-graduation, pour rendre fier son comptable. On met des vêtements sobres et on serre des mains de relationnistes publiques.
Si quelques chanceux se retrouvent au milieu d’un mariage d’amis-de-leurs-amis, à filmer mère de mariée émue et oncles rougeots, d’autres se tireront d’affaire avec des capsules sur le team building d’une jeune boîte dynamique. J’envie profondément celui pour qui le corpo payant aura été… la fête à Jackie. Et le p’tit maudit s’est retrouvé avec une belle vidéo virale en prime.
Bien que de coutume en retard sur lesdites vidéos virales, je m’en sors toujours plutôt bien. L’avantage, avec les gros hit, c’est que dans sa définition même, tu as toutes les infos nécessaires pour rester dans la conversation sans nécessairement te sentir imposteur.
Tu as vu la vidéo du p’tit gars qui fait un solo de drum en se faisant réveiller par la toune de Nirvana ?
Non, mais j’imagine que c’est tout comme.
Mais hier, j’ai défroqué. Quand j’ai su qu’Anonymous avait coulé une vidéo compromettante sur Charest, j’ai sauté sur l’occasion de la perte de temps, de la procrastination. Après tout, une vidéo virale, ce n’est jamais plus que 2-3 minutes…
Eh bien non. Jackie, the musical: 2h10 de pur délice.
J’adore Anonymous. Si dans mon fantasme un peu geek, ils sont un mélange de ça et de ça, leur audace me fascine. Ranger du risque des temps modernes, ils frappent fort, dorment peu et font fi des conventions. Et cette fois-ci, ils ont trangressé la plus sainte des saintes règles : ils ont élevé la virale au rang des long-métrages. Iconoclastes jusqu’au bout. Dans tes dents, Michelle Blanc.
Vidéo corpo de rêve s’il en est une, la fête de notre Jackie québécoise possède tous les ressorts dramatiques d’un long-métrage de fiction bien ficelé. La dernière fois que j’avais compté autant de membres de l’UDA, c’était devant l’affiche de Bluff. J’exagère. Je sais très bien que papa Bush n’est pas UDA.
Alors donc: luxe, indécence, la fête de notre Jackie à nous n’en finit plus de finir. Hommes grisonnant en smoking, limos et festin de roi : c’est le Charme discret de la bourgeoisie version Québec, mais avec des carcasses de homards pour seuls cadavres. On imagine les conversations où est débattue la supériorité d’un bon Chateauneuf du Pape sur n’importe quel vin du Jura, Yes Sir! madame, comme disait l’autre.
Je me questionne pourtant : qui, justement, se cache derrière cette captation multi-caméra? Quand ta playlist est gérée par Yannick Nézet-Séguin, quand Plamondon a créé une comédie musicale sur tes photos de chasse et de sea-doo (mon moment chouchou, à 1 :19 :12), tu te dois d’être conséquent, d’aller jusqu’au bout de l’ambition de tes moyens et de te payer la crème de la crème des réalisateurs, non ?
Donc, à savoir si j’ai vu la vidéo du p’tit gars qui fait un solo de drum en se faisant réveiller par la toune de Nirvana, la réponse est toujours non. Mais un sequel de 2h sur l’opulence des Desmarais façon «royauté française» avec du beau copinage et des invités de marque, n’importe quand. Et d’ailleurs, qu’on me passe en entrevue pour leurs noces d’or! Je promets de bien me tenir et de porter des vêtements sobres.