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Le printemps s’est installé. Vous avez sorti vos vélos, profité de quelques terrasses et même renouvelé votre bail pour l’année qui vient… Ou pas!
Vous avez peut-être choisi de vous adonner à un sport typiquement montréalais : la chasse à l’appart. Une tradition annuelle qui culmine à chaque 1er juillet, avec son lot de gagnants et de perdants. Vous envisagez peut-être même de devenir propriétaire, inspirés par les multiples projets de condos qui poussent à une vitesse folle dans la métropole! Une analyse non scientifique basée sur des observations nous indique clairement que plusieurs devront faire le choix de la propriété si l’industrie du condo continue à produire à ce rythme.
Devenir propriétaire d’accord, mais devenir propriétaire à quel prix? Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale (1945), l’accès à la propriété a été élevé au rang de véritable dogme social. Avoir sa maison et posséder quelques pieds carrés de sol est l’accomplissement d’une vie: Its the American dream! Cette « propriétite aiguë » (terme diagnostique mondialement reconnu par les Justiciers urbains et leur entourage immédiat pour décrire cet état de fait) a eu un profond impact sur la ville et la structure de la région métropolitaine.
Les Montréalais des années 50 et 60 n’avaient guère le choix de s’exiler des quartiers centraux pour assouvir leur désir de devenir propriétaires. Les décennies qui suivirent n’ont fait qu’accentuer la situation. C’est ainsi que Montréal a vu des milliers de familles quitter l’île pour la verte banlieue année après année… comme s’il s’agissait d’une étape normale dans la vie du Nord-Américain moderne : grandir en banlieue, vivre sa folle jeunesse en ville, se marier, s’assagir, avoir des enfants et retourner acheter en banlieue… ainsi va le cycle de la vie! Pour 2010-2011, l’Institut de la statistique du Québec indique que 22 000 personnes ont quitté le 514 au profit du 450.
En plus d’accentuer le phénomène d’étalement urbain, cette tendance a profondément modifié le parc locatif montréalais. Les grands logements, qui accueillaient autrefois les familles (l’histoire prouve effectivement qu’il est possible d’avoir une famille en ville), ont été subdivisés pour s’adapter à la demande; si bien qu’il relève aujourd’hui de l’exploit de trouver un logement adéquat pour une famille moindrement nombreuse. C’est d’ailleurs ce manque d’options qui est inquiétant. Surtout qu’il ne se construit pratiquement plus de logement locatif et que les condos de trois chambres et plus ne sont souvent qu’à la portée des mieux nantis de ce monde. En connaissez-vous beaucoup de jeunes professionnels dynamiques avec enfant(s) qui ont les moyens de se payer un condo à plus de 500 000 $?… Si oui, vous êtes chanceux. Gardez-les près de vous, nous sommes certains que ce sont de très bons amis!
L’Association provinciale des constructeurs d’habitation du Québec (APCHQ) affirme d’ailleurs que la construction d’immeuble locatif bat de l’aile. Au début des années 80, 77 % des unités construites visaient le marché locatif contre 20 % pour la vente (copropriété). En 2011, la tendance s’était inversée. Même si le marché locatif montréalais n’est plus en état de crise comme au début des années 2000, il faut rester vigilant. En ne se renouvelant pas, le parc locatif vieillit et ne s’adapte pas aux nouvelles réalités. Malgré ce statu quo, le prix des édifices locatifs et des taxes municipales augmentent à une vitesse folle mais les propriétaires sont tenus de respecter les règles en ce qui concerne l’augmentation des loyers. Du point de vue du promoteur immobilier, l’option du condo est par conséquent devenue beaucoup plus intéressante : aucune limite de prix et profits à court terme. Houston, nous avons un problème!
La bonne nouvelle, c’est que les élus municipaux reconnaissent le problème. En 2005, l’administration en place a adopté une Stratégie d’inclusion de logements abordables, qui stipule que 15 % des nouvelles unités d’habitation construites à Montréal doivent être des logements sociaux. Ces ratios sont imposés aux projets de 200 unités et plus. De son côté, Vision Montréal veut imposer ce ratio pour les nouvelles constructions de 100 unités et plus dans Hochelaga-Maisonneuve. La conseillère de ville du district du Vieux-Rosemont (Projet Montréal), nouvellement élue, s’est d’ailleurs engagée à imposer ce ratio pour les projets de 50 unités. La Société d’habitation de Montréal (SHDM) a de son côté décidé de se lancer dans la construction d’immeubles locatifs après s’être concentrée sur la vente de propriétés avec son programme Accès-Condo au cours des dernières années. Que l’on soit pour ou contre, ou que l’on doute de leur portée réelle, ces mesures et propositions sont tout de même le reflet d’une prise de conscience. Reconnaître un problème est le premier pas à franchir pour le régler!
Alors… toi qui as décidé de quitter ton appart : penses-tu acheter un condo hors de prix, louer un logement vieillissant au loyer galopant ou encore, quitter Montréal chérie pour t’exiler en banlieue? Il n’y a pas de formule magique qui s’applique uniformément. Une chose est certaine, le salut de Montréal passe par un retour à un meilleur équilibre entre la construction d’immeubles locatifs et ceux destinés à la vente. Ces nouvelles constructions doivent également offrir de la variété dans leurs types (maison en rangée, condo, coopérative, locatif traditionnel, etc.) et dans leurs dimensions (des 4½ oui, mais des 4½ partout tout le temps non). Plus le parc immobilier sera diversifié, plus il sera facile d’attirer de nouveaux Montréalais et de retenir ceux qui le sont déjà.
Les projets de condos ont pour effet d’augmenter le nombre de propriétaires à Montréal. Pour plusieurs, il s’agit d’une bonne chose alors que la métropole est en train de rattraper son «retard » à ce chapitre. L’augmentation du nombre de propriétaires n’est certainement pas une mauvaise nouvelle, mais elle ne doit pas non plus constituer une fin en soi. Le parc locatif a toujours été d’une taille importante dans la métropole. Loin d’être une faiblesse il s’agit plutôt d’une caractéristique montréalaise qui permet de garder ses quartiers centraux abordables, mixtes et accessibles, contrairement à plusieurs autres grandes métropoles dans le monde. Il est essentiel de conserver cet héritage. Ne vous demandez pas pourquoi Montréal est une des agglomérations les plus denses d’Amérique du Nord: il est encore possible d’y habiter le centre!
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