Ma Brandi

J’étais prête à partir à New York, sur un coup de tête, malgré le manque de temps, d’énergie, pas vraiment le budget, mais au diable les dépenses et le sommeil, rien ni personne n’allait m’empêcher de voir ma Brandi!

Ma chanteuse à moi. Ma chanteuse folk d’amour que j’ai découvert en première partie de Ray Lamontagne, au St-Denis, en juin 2011. Je ne l’avais jamais vue de ma vie, jamais entendue, et je vous assure, je n’aime vraiment pas me taper des shows de gens dont je ne connais pas les paroles des chansons. (Oui, c’est moi la fatiguante qui chante trop fort par-dessus les chanteurs et qui gâche vos spectacles).

Et pourtant, elle a chanté deux notes et j’étais soufflée, sans voix, en larmes. Sa voix, sa musique, ses paroles, je ne sais pas ce qui s’est passé, mais j’étais envahie d’amour et de mélancolie à la fois. (Non, j’étais pas soûle.)

J’étais sous le charme et je vis une passion indescriptible pour cette menue brunette de Seattle depuis ce jour. Et désolée Ray, mais tu ne m’as vraiment pas marqué, ton show était plate en esti.

Bref, je me suis arrangée pour être là, samedi passé au Beacon Theatre, pour voir ma chanteuse au look « Tom Sawyer » me bombarder de chansons que je connais maintenant par cœur. Oui, j’ai eu droit à des « CHUUUUUT ! » de la part de mes voisins de rangée.

Je suis sortie en me disant que c’était l’un des meilleurs shows que j’ai vu de ma vie. Mais en me demandant, avec autant de talent, comment se fait-il qu’elle ne vende pas UN MILLIARD d’albums!? Ouin, quand j’aime, je m’emporte et je vois grand.

Je rentre à l’hôtel, j’allume la télé, question de m’informer sur nos voisins du sud sur CNN, FOX News, alouette. Et à ce moment là, je me suis dis : Ça y’est, je comprends. On vit en 1822.

Je comprends que la « légitimité du mariage gai » puisse être encore aujourd’hui un débat de société parce que je suis prête à accepter que des épais ressentent le besoin de nous démontrer à quel point ils sont ignorants et qu’ils ont probablement peur de découvrir en eux une homosexualité refoulée.

Mais de voir des tableaux de statistiques, sur des chaînes d’information, avec des résultats à des questions aussi incroyables que : « Avez-vous des gens gais dans votre entourage ? » et de comparer le pourcentage entre 2007 et 2013 comme s’il s’agissait d’une épidémie, j’ai été sonnée.

Est-ce que nous en sommes là? À encore se poser des questions sur la légitimité d’un mariage entre personnes du même sexe? De douter de l’amour et des sentiments d’êtres humains comme nous? Non seulement ça, mais d’imposer un mode de vie et une orientation sexuelle à d’autres gens? À nos enfants? Nos amis?

Oui, oui, j’ai un discours assez conventionnel et naïf en ce moment, je ne veux pas faire l’éloge de ma grande tolérance et de mon ouverture d’esprit. C’est juste qu’à ce moment là, je me suis dis : Fuck. Je peux pas croire que c’est peut-être pour ça que Brandi n’est pas la chanteuse la plus connue au monde. Peut-être que c’est parce qu’elle est lesbienne.

Oui, elle est lesbienne. Je le précise maintenant, mais quand j’en parle, ça ne me vient jamais à l’esprit de le mentionner. Pour moi, c’est pas une « lesbienne », c’est l’être humain le plus exceptionnel du monde, point. Oui, je vire de bord demain matin si elle me fait un clin d’œil. (Au risque de me répéter, quand j’aime, il n’y a rien à mon épreuve !).

Serait-ce donc pour ça ? « Ben non, voyons, pas en 2013 » me dis-je avec ma trop grande confiance en l’humanité. Ben crisse, peut-être. Peut-être parce qu’elle est ouvertement gaie, elle a des déboires avec l’industrie, les maisons de disques, les radios, etc., JE LE SAIS PAS, je ne la connais pas, elle est malheureusement (pas encore) ma grande amie !

Et si c’était ça ?

À force de voir sous mes yeux défiler les centaines de reportages sur la question sur Fox News, les arguments, les sondages, les témoignages, je me couche en me disant : Avec tout ce que j’entends, c’est sûrement ça. Merci FoxNews, de me rassurer en me disant que c’est pas parce qu’elle n’a pas de talent, mais parce qu’il y a trop de connards.

Je dors là-dessus. Je reviens au Québec en me disant qu’ici on est tellement plus ouvert. Et bien non. J’ouvre mon Twitter, je déroule ma TL et devant moi, encore, des aberrations. De vous savez qui. Au pire, cherchez. Je ne donnerai pas la chance à ceux qui disent des bêtises d’avoir de l’attention de plus. Surtout que c’est ce qu’ils cherchent.

Tout ce que je vais dire, c’est que si la campagne contre l’homophobie au Québec donne à certains le goût de vomir, et bien moi, elle me donne le goût de leur vomir dessus.

Je les trouve magnifiques les publicités contre l’homophobie. Touchantes. Encourageantes. Inspirantes. Et je croyais à tort que tout le monde serait d’accord avec moi.

Parce que, chers hétérosexuels dont je fais partie, je dois vous l’apprendre : nous n’avons pas le monopole de l’amour. Désolée.

Ma Brandi, elle aime les filles. Et elle chante l’amour comme personne.