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En 2011, quelque part dans un bureau de vote de Saint-Georges de Beauce, je déclarais mon amour au NPD. J’ai perdu un peu de ma virginité ce jour-là. C’était ma première fois au fédéral.
J’avais le coeur plein d’espoir. Charmé par Jack Layton, je croyais à un rapprochement ultime avec le reste du Canada. Le Québec allait s’unir d’une même voix pour offrir à ses voisins un compromis plus intéressant que le Bloc qu’on leur avait auparavant imposé.
J’étais enthousiaste. J’avais foi en la démocratie. Et pour cause, tout le Québec s’est rallié au NPD – mais il allait quand même être gouverné par un parti qui n’a obtenu que 17% des votes ici.
Ce fut mon estocade fédéraliste. Je ne pouvais plus accepter ce système disproportionnel, et il m’apparut tout à fait souhaitable que le Québec devienne indépendant. Que tant et aussi longtemps qu’il serait confronté à ce déficit démocratique, il serait condamné à ne jamais progresser en fonction de ses intérêts.
C’était le début de mon histoire d’amour indépendantiste qui perdure depuis. Celle-ci s’est donc construite sur les ruines du rêve NPD. Je suis souverainiste non pas d’abord pour une question de langue ou de culture. Ce sont là deux enjeux qui m’importent, mais que je ne crois pas entièrement tributaires à la séparation du Québec. La défense du français et de sa culture peut se perpétuer à l’intérieur d’un système politique ou d’un autre. Non, c’est le démocrate en moi qui m’a convaincu de devenir indépendantiste.
Maintenant, peu avant les prochaines élections, le NPD revient me courtiser sous la sympathique forme de ma blonde, une militante acharnée de l’équipe Mulcair.
C’est pas un problème en soi. Ça veut juste dire qu’elle va s’absenter de temps en temps pour distribuer des tracts orange dans les banlieues sherbrookoises. Pis que ses yeux bleu vert vont briller en me parlant de l’abolition du Sénat.
C’est probablement une bonne chose dans le fond : ça ajoute de la couleur dans ma vie. Ça nous fait une belle garde-robe. Un bleu uni, ça peut devenir plate et ça peut seulement profiter de quelques rayures orange.
Ça vient peut-être même corriger un certain problème récurrent de la partisanerie. En s’impliquant le moindrement politiquement, on a la mauvaise habitude de s’entourer de gens qui ont les mêmes opinions que nous.
Sur les réseaux sociaux, ça se reflète par un contenu monochromatique de militants qui se convainquent entre eux et qui se confortent dans leur idéal. C’est l’effet pervers des algorithmiques likes et ça n’a rien de très bon pour la démocratie et l’échange d’idées.
Mais voilà que l’ennemi gentil revient brouiller les cartes. Et cette remise en question a certainement quelque chose de sain.
Parce que oui – mes certitudes indépendantistes que je croyais inébranlables pourraient être secouées par un ressac de ladite vague orange.
La tentation NPD est grande. Il y a bien quelques taches (d’huile) à son programme. Mais elle incarne toujours tout ce que j’avais trouvé séduisant en 2011 : la justice sociale, l’équité, la redistribution de la richesse, l’optimisme. C’est juste que cette fois, en plus, elle me cuisine des biscuits pis elle me joue dans les cheveux en me chantonnant Canadien errant (la version de Leonard Cohen).
J’évoque encore là un scénario qui mettrait bien Paris en bouteille. Mais s’il s’avérait que le NPD soit élu majoritaire, je devrais prendre une réflexion mûre sur les fondements de mes convictions.
Et je serais alors confronté a ce faux ultimatum que je ne veux pas entendre : est-ce que je préfère vivre dans un Canada progressiste ou un Québec de droite?
Car, pourquoi est-ce que la société progressiste que je souhaite devrait se limiter aux frontières québécoises? Est-ce que je ne devrais pas me réjouir de voir un modèle social-démocrate s’étendre d’un océan à l’autre?
Peut-être parce qu’il perdure en moi cette idée que le Québec a un caractère politique qu’il ne pourra jamais exprimer au sein du Canada. Que cette fédération permet seulement un tirage de couvertes entre provinces, déchirés par leurs convictions différentes.
Et qu’il serait préférable de laisser celles qui le veulent tricoter leur propre couverte.
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