Il semble bien loin le temps où ces bâtiments situés dans la partie ouest de St-Henri abritaient une fonderie. En effet, si on oublie l’architecture, peu de gens pourraient croire que l’ancien complexe industriel de la compagnie Jenkins Borthers Ltd. a déjà grouillé de métallos au travail. Aujourd’hui, c’est plutôt des punks et des métalleux qui les ont remplacés et on ne peut pas dire qu’ils font exactement le même genre de boulot.
Le Fattal, ce sont ces vieux immeubles rappelant le passé ouvrier du quartier qui servent aujourd’hui de véritable enclave pour marginaux. Les salles de production ont été transformées en lofts habités par une communauté hétéroclite de fuckés en tout genre : punks, artistes undergrounds, musiciens, graffeurs, train hoppers venus d’un peu partout des États-Unis ou du Canada, les chiens de tout ce beau monde et même quelques hipsters attirés par tout ce bouillonnement.
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Une production musicale variée
Mine de rien, entre les graffitis, les crottes de chiens et les carcasses de meubles ou de véhicules abandonnés, peut émerger une certaine culture musicale. C’est le cas du Fattal où plusieurs des lofts servent de locaux de pratiques à une flopée de groupes punk, mais aussi folk, métal, bluegrass, ska, crust ou même indie et rap.
Les artistes sont nombreux à être attachés à cette communauté. Des groupes undergrounds comme Ripcordz, Riot Porn, Metalian, Bats in the Belfry, Self Control, Dealer, Ab Irato, Union Thugs, Shit Tax, Feed, Endform, Hard Up, Deadly Pale ou encore Sales Gauloises ont tous jammé entre les murs de ces vieux buildings industriels. Des artistes solos, plutôt folk, comme Jesse Stewart ou Mike Desj peuvent régulièrement être vus sur place. Sans oublier le fameux mannequin Rick Genest, alias Zombie Boy, qui habitait un des lofts avant son décès.
Pour Mike Desj, auteur-compositeur-interprète folk venu s’installer au Fattal depuis Toronto il y a près de 5 ans, c’est d’abord la liberté qui l’intéresse en ce lieu. Il explique : « Je peux faire ce que je veux quand je le veux ici. La communauté est très cool aussi, on rencontre toutes sortes de musiciens ! »
Une salle de spectacle pour la communauté
La communauté du Fattal est connue pour être particulièrement débrouillarde, pour être capable de faire beaucoup avec très peu. Plusieurs lofts servent donc à offrir des services à la communauté tout en abritant parfois ses propriétaires. On retrouve ainsi un restaurant qui offre la livraison à pied à l’intérieur du site, un atelier de réparation de motos et surtout, une salle de spectacle appelée The Traxide.
Ce lieu de production artistique, dont le nom vient de la proximité avec le chemin de fer du complexe, accueille plusieurs dizaines de concerts annuellement. Il sert également de lieu de rencontre et d’échanges pour la communauté et pour beaucoup de groupes undergrounds qui ont très peu d’endroits où se produire à Montréal.
Des groupes d’envergure internationale tels que les Américains de Days N’ Daze ou encore les légendes de l’anarchopunk écossais d’Oi Polloi y ont même déjà joué. Les soirs de shows, on y retrouve une ambiance rarement égalée dans la métropole. Il faut vraiment le voir pour le croire !
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Jennifer Bobette qui participe à la gestion du Traxide nous explique : « C’est une petite salle de show bring your own beer, très familiale, très compacte, très emboucannée de cigarette et qui pue la sueur. C’est très nice ! ». Si la salle de spectacle existe depuis une dizaine d’années, le concept a changé un peu à travers le temps.
« Avant, il y avait un boss qui gérait la salle, puis il s’est fait expulser de la communauté pour des accusations d’agressions sexuelles », poursuit celle qui habite le complexe depuis neuf ans. « Avec le temps, on a transformé ça en modèle coopératif, on gère ça par des réunions d’équipe. Aujourd’hui, ce sont principalement des femmes qui y sont impliquées. Ça change beaucoup l’ambiance ! » Beau contraste, en effet.
Fattal Fest
Durant 8 ans, la communauté a accueilli un festival de musique dans son stationnement intérieur. Un événement qui était fait par et pour les gens du Fattal dans la plus pure tradition punk. C’était gratuit, aucun groupe n’était rémunéré, les gens le faisaient seulement par plaisir. À la fin, des voyageurs d’un peu partout en Amérique du Nord débarquaient pour le Fest qui pouvait attirer jusqu’à un millier de personnes.
« L’idée de base, c’était de célébrer la communauté du Fattal. On prenait les bands qui jammaient ici et on installait un stage dans le parking. Ça durait deux jours, avec une vingtaine de groupes. Tout le monde participait à sa façon en construisant la scène, en faisant le ménage par après, etc. », explique Jennifer Bobette qui s’occupait de l’organisation du festival.
Le Fattal Fest est, depuis deux ans, sur hold. Des changements au sein de la communauté font en sorte que la motivation n’y est plus pour celle qu’on appelle Bobette, même si elle en parle avec beaucoup de nostalgie. En effet, les dernières années ont été particulièrement exigeantes pour elle et de moins en moins de personnes aidaient aux préparatifs. Elle n’exclut cependant pas d’en réorganiser un autre dans les années à venir.
Une mine d’or peut parfois se cacher derrière un stationnement encombré, vandalisé et tout décrissé. Il faut savoir passer au-dessus de nos préjugés pour découvrir un tout autre monde que ce qui transparaît de l’extérieur. Si vous vous donnez la peine d’aller faire un tour au Fattal et d’enjamber les vieilles palettes qui servent parfois de passages piétonniers, c’est toute une communauté que vous découvrirez. Attention, vous pourriez même vouloir y rester !