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Lucie Grégoire, modiste

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Elle exerce un métier qui n’existe pratiquement plus. Tellement qu’on ne sait plus trop comment l’appeler. Chapelière, modiste, créatrice de chapeaux?

C’est quoi la différence entre modiste et chapelière?
Au Québec, tout le monde dit « chapelière », mais modiste, c’est plus créatif. On fait un chapeau à la fois, pas en série.
Au fond, c’est de l’art?
Non, c’est pas de l’art! C’est de l’artisanat. Il y a des gens qui méprisent l’artisanat, mais moi je ne lève pas le nez là-dessus. C’est un métier, qui comprend à lui seul plusieurs métiers.
Comme?
Tu vois, le bloc de bois sur lequel on établit la forme du chapeau, c’est fait par un formier. Il ne s’en fait plus au Canada. Ceux que j’ai sont importés ou je les ai achetés du Collège Marie-Victorin lorsqu’on a cessé d’y enseigner la chapellerie. La paille, c’est une plante, quelqu’un la fait pousser, une autre personne la tisse. Le feutre, c’est fait avec la laine de mouton ou du poil de lapin, ensuite, on le teint. Une usine de feutre a dû fermer ses portes à Chazel-sur-Lyon quand son teinturier est tombé malade. Ça a complètement freiné la production! Les plumes, ce sont des plumassiers qui les font. J’ai fait un stage de quatre jours en plumasserie en France. Ce sont tous des métiers qui vont disparaître. Moi, je m’accroche!
Comment êtes-vous devenue modiste?
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Par hasard. J’étais prof d’arts plastiques au primaire, puis j’ai décidé de prendre des cours de haute couture, chez Cotnoir-Capponi, une école montréalaise très réputée, fondée dans les années 30. Elle a fermé ses portes en 1989. Ensuite, j’ai appris à faire des patrons de chapeaux et des chapeaux sur mesure. Ma première collection s’est retrouvée chez Ogilvy. Dans le temps, ils avaient un vrai département de chapeaux.
Comment tirez-vous votre épingle du jeu aujourd’hui?
Les gens sont attirés par les chapeaux pas chers faits en Chine. C’est sûr que je ne peux pas rivaliser. Mais dès qu’une personne a une tête un peu différente, elle vient me voir. Combien de femmes entrent ici en me disant qu’elles n’ont pas une tête à chapeau? C’est sûr qu’avec le peu de choix qu’il y a en magasin, peu de gens ont une tête à chapeau. Je donne aussi des cours de confection. Il y en a pour les professionnels de la mode, d’autres pour débutants, comme mon cours de chapeaux de sorcières, que j’offre chaque année à l’Halloween.
Faites-vous des chapeaux pour les films?
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Oui. Quand ils ne trouvent pas ce qu’ils cherchent, ils m’appellent. J’ai fait le chapeau de Johnny Depp dans Secret Window. Le chapeau a un rôle très important dans le film et il devait avoir des caractéristiques très précises.
Avez-vous espoir qu’il y ait un regain d’intérêt pour les chapeaux?
En 23 ans de métier, je n’ai jamais senti un regain d’intérêt. Mais pour la première fois, je pense que oui. Plusieurs chanteurs et acteurs se remettent à porter des chapeaux. Regarde Pharrell, par exemple!