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Luc Fortin, tête d’affiche d’une chaîne pour aveugles

Par
Judith Lussier
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Le 16 décembre, la chaîne AMI, pour sourds et aveugles, débarquait sur les ondes, au grand bonheur de son animateur principal, lui-même non-voyant.

À quoi ça ressemble, une chaîne accessible?
C’est une chaîne qui diffuse des émissions avec sous-titrages et vidéo-description, une troisième voix qui décrit ce qui se passe. On diffusera aussi du contenu original, que j’animerai. Aujourd’hui, la plupart des émissions sont sous-titrées, mais encore peu sont vidéo-décrites. La loi demande que chaque chaîne diffuse quatre heures de contenu vidéo-décrit par semaine, ce n’est pas beaucoup.

Comment les chaînes choisissent le contenu qu’elles diffusent en vidéo-description?
Ça dépend de leur philosophie. Radio-Canada choisit généralement les séries populaires, mais d’autres chaînes choisissent plutôt de faire faire la vidéo-description de vieux films américains qu’ils pourront rediffuser plusieurs fois et ainsi entrer dans leurs frais.

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Est-ce que c’est l’fun écouter la télé quand on ne la voit pas?
Quand l’émission est bonne, oui! Les émissions de type magazine ou documentaire, je les écoute si le texte m’en donne assez, sinon, ce n’est pas intéressant. Par exemple, l’autre jour, j’écoutais Ma caravane au Canada sans vidéo-description et ils faisaient un tour d’autoneige en Beauce : j’aurais aimé savoir à quoi ça ressemble. Les gens sous-estiment à quel point la télévision est un liant social. C’est important que tous y aient accès.

Comment votre handicap va-t-il influencer votre style d’animation?
Je suis habitué d’animer à la radio, où on est cloisonné dans un studio, ce qui nous donne une certaine intimité avec les auditeurs. À la radio, je suis bien placé pour comprendre les auditeurs, qui ne voient pas eux non plus. La télé, c’est très différent. Je pense que le fait de ne pas voir me dégêne, car mon rapport à l’image est complètement différent. Je pense que serai plus facilement capable de faire abstraction de ce qui m’entoure. Par contre, j’ai toujours plus de difficulté à aller chercher de l’information sur internet : le web n’est accessible qu’à 50%.

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Quels enjeux allez-vous aborder dans vos émissions originales?
On veut donner une voix aux sans voix, parler à tous ceux à qui les autres chaînes ne s’adressent pas, comme les autochtones, les communautés culturelles, les personnes handicapées, les gens de la communauté LGBT. Nous aborderons des sujets comme les finances, la santé, l’éducation, ou des sujets plus spécifiques aux personnes handicapées. Par exemple, on pourrait parler d’une spatule double pour éviter que ta boulette de steak hachée tombe sur le même côté quand tu la vires de bord. Qui va parler de ça sinon!