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Toi tu fais du clickbait! Tu parles toujours de sexe dans tes textes! T’en as intitulé un « Le culte de l’orgasme »! Tu savais que juste en mettant « orgasme » dans le titre, ça allait faire réagir!
On m’a reproché ça dernièrement et ma foi, ça m’a activé la réflexion.
C’est que théoriquement, je suis TELLEMENT obsédée par le clickbait (« piège à clics » en bon français) que je suis allée étudier la sexualité pendant 6 ans à temps plein.
Pas pour faire de la prévention!
Pas pour faire de l’éducation!
Surtout pas pour le contenu!
Juste pour pouvoir écrire sur le SEXE.
POUR LES CLICS! QUE POUR LES CLICS!
C’est d’une évidence : je suis une sacrée attention whore, vous comprendrez.
Légèrement pantoise, j’ai investigué auprès de mon interlocuteur qui s’avouait être en overdose : trop de billets sur le sexe.
Pu capable. Il ne clique pu.
Il a l’impression que dès qu’on parle de sexualité, c’est prioritairement pour attirer l’attention du lectorat.
Que souvent, derrière un titre accrocheur, on offre bien peu de contenu pertinent.
Ah oui?
Vraiment?
Vérité ou préjugé? Penchons-nous sur le sujet.
Il est vrai que lorsqu’on aborde la sexualité, on peut avoir la fâcheuse habitude de mettre le focus sur le clinquant, l’exhibition et oui, on peut facilement tomber dans l’anecdotique et le sensationnalisme.
Je ne suis pas là pas pour dire « ceci est bien, ceci est mal », mais j’en ai lu des billets où les termes « deep throat » et « double pénétration » étaient utilisés dans le seul but de provoquer, un peu comme un enfant de 4 ans qui transgresserait l’interdit en criant « CACA! » tout en courant se cacher dans sa chambre.
Bravo pour l’audace, mais what’s the point?
C’est vrai que c’est excitant d’avoir le bâton de la parole entre les mains et en 2016, quand on est un tant soit peu mobilisé sur les Internets, on peut s’en greyer facilement et en faire l’usage qu’on veut bien.
Ça peut donner de sacrées belles affaires!
Et de moins jolis résultats.
Parce que du mépris et de la confusion, il y en a!
La sexualité est un sujet universel.
Tout le monde est concerné par la sexualité. Tout le monde la vit. Tout le monde peut en parler.
Les relations sexuelles, les préférences, la réponse sexuelle, l’identité de genre, l’orientation, les dysfonctions, les dépendances, le désir, l’image corporelle, l’estime de soi, les valeurs, les violences sexuelles, les normes sociales, le vieillissement, le statut conjugal, la pornographie, le travail du sexe, les ITSS, la contraception et j’en passe…
La sexualité est un sujet chargé, fascinant et complexe.
Beaucoup plus qu’on pourrait penser de prime abord.
Et là, qu’on se le dise : Quand on se met à réfléchir à un de ces aspects, à s’y intéresser, à prendre position, à s’exprimer en se sentant concerné, on peut réaliser de GRANDES choses.
Monsieur-y-a-trop-de-sexe-partout et moi on s’est donc entendu sur un point :
On peut parler de sexe. Mais on peut aussi « réfléchir » le sexe.
Cette deuxième option nous semblait plus productive niveau « apport social ».
C’est que lorsqu’on publie, on a une responsabilité sociale.
On n’est plus dans la conversation de salon.
On a un lectorat. On a une influence. Et oui, un certain pouvoir.
C’est vrai quand on aborde la sexualité, mais c’est aussi vrai pour n’importe quel sujet.
Et non, il n’est pas nécessaire d’être sexologue pour se prononcer sur la question tout en faisant preuve de pertinence.
Pas besoin de sortir la thèse, le PowerPoint et le pointeur laser!
Ça peut se faire dans l’humour (allô, Yvon Deschamps!), avec une pointe d’irrévérence (allô, Lili Boisvert!), ce peut être à travers un argumentaire solide (oui, Koriass!) ou une créativité et une émotivité rentre-dedans (WOW Lady Gaga aux Oscars).
Comme auteur, on a le privilège de se relire. D’effacer. De reformuler. De réfléchir. De bonifier nos dires. De nous informer. D’aller chercher l’expertise de certains pour compléter nos propos au besoin. D’être édité et recadré si on est victime du syndrome de la diarrhée verbale haineuse.
Je te le jure, Richard!
Quand on publie, que le but de notre texte soit de faire rire, de proposer une réflexion, de provoquer, de ventiler, de s’exposer, de s’autocontempler qu’on le veuille ou non, qu’il soit évident ou non, on véhicule un message. Des valeurs.
Oui oui, Bianca!
Le problème n’est pas dans la fréquence à laquelle on aborde un sujet, mais bien dans le traitement qu’on en fait.
Donc est-ce qu’on peut dire qu’on parle trop de sexe?
Non.
Est-ce qu’on en parle avec maladresse?
Ah oui! Des fois.
Est-ce qu’on en parle avec nuance?
Humphhhhhh… Ça dépend.
Est-ce qu’il nous arrive de confondre « opinion » et « expertise »?
Sans doute.
Conclusion? Quand on aborde la sexualité, le concept de profondeur ne s’applique pas que pour parler de double pénétration et de deep throating. Rappelons-nous que ce qui nous distingue du petit animal, c’est qu’en tant qu’être humain, on a le privilège d’être doté une capacité réflexive.
Ne nous affaiblissons pas la faculté et servons-nous-en!
Après tout, s’exhiber l’esprit critique, ça peut aussi être fort sexy.
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Pour lire un autre texte de Julie Lemay : « Le prude-shaming »